Une simple étoile

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[Jean x Mikasa]

1174 mots

(Du coup j'identifie celles qui voulaient être prévenues de la sortie de ce Jeankasa : siyuu__ et andreajustwrite )

***

Des formes abstraites se dessinaient le long de l'horizon ténébreux. Le soleil avait fait place à la lune, et Jean l'aurait bien décrochée pour une certaine personne. Encore fallait-il décrocher son attention... Le jeune homme soupira en contemplant l'obscurité. Il aimait bien cet endroit. Sur ce toit de l'écurie, en face de la forêt, personne ne venait déranger ses songes triviaux et informels. Les ténèbres dans lesquelles se baignaient les arbres ressemblaient tant à la profondeur de ses yeux bruns.

Le soldat soupira une énième fois. Mikasa. Il tendit la main devant lui, imaginant ainsi frôler sa chevelure de jais, mais ne rencontra que du vide devant lui. Elle était si forte. La jeune femme était la puissance à l'état pur, l'allégorie du courage et de la gloire.

Et lui n'était qu'invisible pour elle.

Le cœur lourd, il ramena sa main devant lui et observa les lignes qu'avait tracé la vie dans sa paume. Ses mains étaient-elles douces, malgré le nombre de titans qu'elle avait massacrés ? Son regard était-il tendre, malgré les affres de la vie ? Son cœur battait-il pour quelqu'un, malgré Eren ?

Eren. Toujours cet idiot suicidaire. Il pesta dans son coin en serrant son poing. Il était stupide. Malgré toutes ses insultes et ses rejets, elle le protégeait encore... Ô qu'il aurait aimé être à sa place. Être son obsession. Être le seul et l'unique dans son champ de vision, si bien que les autres n'existaient plus.

Jean n'existait pas pour elle.

Il constata ce fait en grinçant des dents. Son cœur était si serré qu'il crut en étouffer. Mince, qu'il enviait cet enfoiré. Il était si injuste, si arrogant, si indigne d'elle. L'aurait-il rendu heureuse, lui ? Il ne savait pas. Mais au moins, il aurait essayé. Il aurait décroché la lune, pour apercevoir l'un de ses rares sourires. Il aurait décroché les étoiles et même le soleil, pour qu'elle les adresse uniquement à lui. Il aurait décroché l'univers s'il l'avait fallu, pour apercevoir un éclat d'allégresse au fond de ses iris noires.

Mais la vie était cruelle, n'est-ce-pas ?

Au moins, il était à l'abri d'un certain malheur : celui de la perdre. Il savait qu'elle était la moins susceptible de crever, dans cette guerre absurde. Après tout, on la surnommait le miracle de l'humanité. Et quel miracle... Le miracle de sa vie, plutôt. Quel idiot. Choisir le bataillon au lieu des brigades spéciales, cela ne pouvait être qu'une décision d'amour. Ou stupide. Peu lui importait la victoire de l'humanité, pourvu qu'elle vive. Enfin, s'ils arrivaient à éradiquer ces géants aussi moches qu'intelligents, ça l'arrangerait, évidemment. Mais le soldat était pragmatique. Il savait que sa décision avait été impulsive, mais il s'en fichait, car il pouvait la voir chaque jour.

Un bruit sec attira son attention, et il se redressa sur les tuiles rouges. La nuit n'était plus aussi reposante. Elle était angoissante, menaçante. Il observa ses issues de secours et songea aux différentes options de défense qu'il pourrait adopter selon la menace. Mais quelle ne fut pas sa surprise, lorsque la nuit enfanta la femme qui hantait ses rêves. La lumière nouvelle de la lune dessina ses formes en une lueur céleste, et il crut pendant un instant qu'elle était une déesse. À chaque pas, elle respirait de puissance et de splendeur ; ce genre d'élégance qui paralyse tant elle effraie. Jean adorait cette beauté féroce. Il redescendit sur terre lorsqu'elle s'arrêta devant lui, paralysé par l'idée qu'elle soit ici, avec lui.

« Jean. Tu ne dors pas ? »

Son cœur tambourina dans sa poitrine. Il se sentit nerveux, si nerveux. Mikasa Ackerman lui parlait. Il existait pour elle. Elle le voyait.

« Non, je n'y arrive pas vraiment. Alors je viens souvent ici... Pour contempler. »

Il ne pouvait pas voir les expressions de son visage, qui restait caché dans l'ombre. Mais elle le regardait. Une allégresse nouvelle s'éprit de lui, et un grand sourire vint décorer les traits glabres de son visage. La jeune femme disparut de son champ de vision un instant, avant de sauter sur les tuiles de l'écurie. Elle se hissa sur le petit toit et s'installa à côté du soldat, qui sommait silencieusement son cœur de faire moins de bruit.

« Cela ne te dérange pas, si je reste un peu ?

- Pas du tout ! Mets-toi à l'aise ! Enfin, je veux dire, ce n'est pas très confortable, mais la vue est très jolie... »

La jeune femme hocha la tête en sa direction et reporta son regard vers l'horizon. À présent face à l'astre lunaire, il pouvait détailler les traits de son visage longiligne. L'éclat des étoiles faisait ressortir sa peau diaphane, qui contrastait allègrement avec ses cheveux de jais et ses prunelles fuligineuses. Son sempiternel masque indifférent couronnait le spectacle de son monde, attitude qui lui valait bien des critiques, mais que Jean chérissait plus que tout. Il aimait tout, chez elle. Sa sincérité, son sang-froid. Même son obsession envers son frère, il l'adorait.

Il se tourna vers le ciel, seul témoin de leur entente silencieuse, et se concentra sur la respiration qui sifflait depuis le nez de l'asiatique. Ce souffle apaisé, apaisant. Il était avec Mikasa Ackerman, à regarder la mer d'étoiles qui les engloutissait, et rien ne pouvait le rendre plus heureux. Il se sentit soudain reconnaissant envers lui-même, d'avoir eu la stupidité d'intégrer le bataillon. Sans cela, jamais il n'aurait passé ces quelques minutes avec elle.

Il profita ainsi de sa présence, contemplant ce paysage qui le rassurait chaque fois qu'il s'aventurait ici. Il aperçut une étoile percer le fond noir de l'univers, pendant une fraction de seconde, et Jean fit un vœu. Il ne souhaita pas qu'elle tombe amoureuse de lui, ni qu'elle ne couche avec lui. Il souhaita, de tout son cœur, que la jeune femme finisse par être heureuse. Un sourire déforma son visage, et il se traita d'idiot fini, à sourire comme ça sans raison.

Un poids le fit se pencher vers sa droite, et il tourna la tête vers la petite touffe brune qui venait de s'échouer sur son épaule. Son cœur tambourina dans sa poitrine, pendant qu'il peinait à contrôler les rougeurs qui envahissaient ses joues.

« Mikasa... ? »

La concernée ne lui répondit pas. Sa respiration, presque effacée et régulière, lui indiqua toutefois qu'elle n'était pas morte. Elle s'était probablement assoupie sur lui. Son corps entier reposait en équilibre précaire sur son bras, mais il était trop troublé pour s'en soucier. Son odeur monta jusqu'à ses narines, et ce fut comme un cadeau qu'elle lui offrait là.

Il se tourna vers la femme qui hantait ses nuits. Il ne pouvait pas voir son visage, mais le mouvement de sa cage thoracique lui provoqua quelques éclats de bonheur. Elle s'était endormie contre lui ? Avait-elle si confiance en lui pour cela ? Cette constatation le rendit bien trop heureux. Une douce torpeur enveloppa son cœur d'un voile chaleureux, et il remercia sa bonne étoile d'avoir exaucé le vœu qu'il n'osait même pas imaginer.

Pas la peine de décrocher la lune ou l'univers, finalement. Une simple étoile avait suffi. 


L'abîme 「Recueil Shingeki no Kyojin」Où les histoires vivent. Découvrez maintenant