Maudite guerre

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[Eren x Armin]

2517 mots  

***

L'eau était bien trop salée pour qu'il puisse ne serait-ce que la goûter. Armin cracha le contenu de sa bouche au sol, dégoûté, et le blond put entendre les rires gras des soldats derrière lui. Son cœur se tordit sous la douleur de leurs moqueries, mais ce n'était rien comparé à leurs brimades physiques. Il poussa un soupir et repositionna la crosse de son fusil dans le creux de son épaule, fixant l'horizon.

Maudite guerre. Maudits soldats. Maudite vie.

Le soldat songea à l'avenir qu'il aurait pu avoir, s'il n'avait pas été mobilisé. Il aurait pu se consacrer à ses travaux sur l'univers, sur les étoiles qui le rassuraient la nuit, sur l'inconnu qu'il souhaitait tant découvrir. Il aurait été la fierté de son grand-père, qui avait donné tout ce qu'il possédait pour qu'il puisse étudier. Et le voilà, face au front allemand. Il imagina les traits ridés et rassurants de l'homme qui l'avait élevé, et il se mit à sourire. Il lui aurait probablement dit de leur mettre une raclée, à ces sales boches. Après tout, ils avaient perdu l'Alsace et la Lorraine, à l'époque de son aïeul. Il y avait perdu une main, dans cette foutue guerre.

Il entendit le bruit d'une balle qui déchira la chair d'un de ses camarades, à côté de lui, et il se mit à tirer au hasard. Il n'avait appris à utiliser cette arme que quelques minutes avant d'aller sur ce front. Il ne savait même plus depuis combien de temps il se tenait là, dans la boue. Son fusil faisait trembler son épaule, ses oreilles bourdonnaient. La seule odeur qu'il pouvait sentir était celle de la poudre. Il jeta un coup d'œil au cadavre à ses côtés, et son cœur se retourna. Il n'aurait pas dû regarder, il le savait. Malgré le temps qu'il avait passé dans ce champ de bataille, ce champ de mort, il n'était toujours pas habitué à l'horreur que propageait la faucheuse dans son sillage.

Un obus atterrit à une vingtaine de mètres de lui, et il en fut sonné. Arlert tomba en arrière, s'enfonçant dans la boue et le sang. À sa droite, un autre soldat gisait là. Une balle avait arraché la moitié de son visage, et son œil mort le fixait. Il frissonna lorsqu'il entendit quelqu'un hurler à son encontre.

« Eh, la lopette, ce n'est pas le moment de mourir ! »

Des rires, encore. Malgré les railleries des autres, le blond se sentit poussé vers l'avant. Il tourna la tête et croisa deux prunelles émeraudes, deux iris dans lesquelles il adorait se plonger, deux yeux sans qui il se serait mutilé il y a des semaines.

« Arlert, fais attention à toi. »

Son cœur entama une danse endiablée quand le soldat Jäger serra son poignet dans sa main, comme une preuve invisible de sa tendresse. Il lui fit un sourire, ce sourire grâce auquel il tenait face à ses camarades, ce sourire grâce auquel il vivait. Il sentit ses lèvres s'étirer sur son visage, et il revint au-dessus de la tranchée en silence. La queue de détente, contre son index, se tordait au fil de ses tirs.

De longues heures plus tard, le silence revint sur le no man's land. La nuit avait recouvert les cadavres d'un voile sombre, et le jeune homme fixait les boules de gaz qui brûlaient au-dessus de lui. Elles avaient l'air d'être si proches et si lointaines en même temps. Il était allongé dans la boue, frissonnant. Son duvet était à côté de lui, mais il ne pouvait sciemment pas l'enfiler. Hier, ils avaient pissé dedans. Il pouvait sentir l'odeur de l'urine d'ici, et cela étreignit son cœur d'une lancinante détresse.

Un bruit le fit se retourner sur le côté, et le soldat qui ne cessait de hanter ses songes lui fit signe de venir. Il se redressa en silence, prenant garde à ne pas réveiller les autres, et le suivit à travers les tunnels creusés à même la terre. Ils arrivèrent dans une impasse où le plus grand s'assit contre les pierres qu'ils n'avaient pu tailler. Le blond se positionna à ses côtés, un sourire aux lèvres.

L'abîme 「Recueil Shingeki no Kyojin」Où les histoires vivent. Découvrez maintenant