Chapitre 20

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     Lucia...

     

     Il descend de la scène et d'un pas nonchalant fait le tour des tables quand il s'arrête devant celle où se trouve trois canons, il en choisit une, la plus belle de la tablée, une grande brune avec une mini-jupe qui ne laisse pas grand-chose à cacher et des talons vertigineux, zéro graisse et cellulite, pas d'imperfections comme moi, il lui prend la main et l'amène jusqu'à l'estrade. Son regard tombe sur moi mais celui-ci est froid et indifférent, je reçois un coup de poignard dans le cœur. Je me fais peut-être des films, il joue son jeu de stripteaseur, c'est tout, non ? Demon installe cette jeune fille sur la chaise qui se trouve sur la scène, il caresse ses épaules d'une main et de l'autre, tourne sa tête vers lui et l'embrasse sur la bouche, genre gros roulage de pelle ! J'hallucine, je vais me réveiller, je regarde Matt et Carla tout aussi incrédules que moi.

     Malgré l'envie de ne plus regarder cette mascarade, je ferme les yeux et les rouvre, Demon est presque nu, il ne reste plus que son boxer Calvin Klein noir, la fille est allongée par terre. Il se met à genoux entre ses cuisses, le canon en profite pour caresser les cuisses de Demon qui sourit, il s'allonge sur elle et mime de son bassin l'acte sexuel en se frottant contre elle. Demon tourne la tête vers moi, un sourire froid sur son visage et un clin d'œil, il essaie de faire quoi ? Voir si je suis jalouse ? Créer un jeu malsain ? Il cherche à me provoquer, à voir si son métier me dérange ? Stoïque, je ne laisse rien paraître malgré la colère qui boue en moi, je soutiens son regard coûte que coûte. Puis comme s'il avait décidé d'enfoncer le clou dans mon cœur, il commence à lécher le haut de la poitrine de cette pute et caresse l'intérieur de sa cuisse ! Elle fourrage de ses doigts ses cheveux et malgré la musique, je l'entends gémir de plaisir.

     Je regarde tout autour de moi dans l'espoir que ce que je vis en ce moment n'est qu'un cauchemar, que je vais me réveiller auprès de Demon et qu'il me regardera comme il m'a regardé cette nuit et ce matin. Je sens la crise d'angoisse arrivée à grand pas, Carla, me voyant avoir du mal à respirer se précipite sur moi.

     — Lucia, respire ! Matt peux-tu aller chercher un verre d'eau fraîche et un sac en papier au bar s'il te plaît, vite ?

     Matt se précipite tout de suite, mes yeux se troublent, des larmes coulent, Carla m'allonge sur le sofa en velours rouge. Je tourne mon visage vers la scène, je n'aurais pas dû, ce que j'y vois fini de me détruire, la main autour de la taille fine de cette femme, un grand drapeau américain noué autour des hanches de Demon. Je rencontre ses yeux, un mélange entre pitié et froideur, une envie de me rejoindre et un dédain, je ne sais plus quoi penser, puis plus rien, il disparaît derrière le rideau...

     J'entends Carla me parler au loin, Matt arrive avec tout le nécessaire, mon amie me relève la tête pour que je puisse boire un peu et me tend le sac pour calmer mon hyper ventilation. Je rejette le tout et me relève, je vacille un peu mais je trouve la force de prendre ma pochette et de courir vers la sortie. Carla commence à me suivre, je m'arrête, il est là devant moi, le diable en personne, torse nu, son jeans bleu délavé déchiré qui lui tombe sur les hanches.

     — Dégage de ma route connard !

Il ne bronche pas, ne bouge pas alors je m'énerve,

     — Casse-toi ! Tu as gagné, je n'ai pas la carrure pour être avec toi, tu me l'as bien prouvé et bien démontré ! Maintenant ôte-toi de mon chemin, la pauvre conne que je suis veut rentrer chez elle !

Le sourire en coin, les mains dans les poches,

     — Je t'avais prévenu Lucia, je voulais profiter de toi encore quelques temps mais j'ai changé d'avis, je me suis lassé en fait. Je ne suis pas fait pour être un gentil petit mari avec gosses et maison dans une banlieue minable ma chérie. Ma vie c'est la nuit, les femmes, le sexe et la liberté, tout ce que tu souhaites, je ne peux pas te le donner. Alors éloigne-toi de moi, je suis nocif, je dirais même toxique pour les petites filles de ton genre...

     Je suis abasourdie, déçue, la douleur me vrille l'estomac mais j'arrive à retenir mes larmes qui me brûlent les yeux. Ma respiration recommence à me jouer des tours, je respire fort, ma poitrine se soulève rapidement, c'est moi qui délire où je vois de l'inquiétude passée dans ses iris ? Mes poumons sifflent, je le contourne, je n'ai pas envie de répondre à sa provocation, je me tiens au mur qui mène à la sortie de la boîte.

     — Lucia !

     « Non, ne te retourne pas Lucia, marche tout droit, tu es forte, bien plus que tu ne le crois, avance ne lui répond pas ». Ma conscience est plus raisonnable que moi, prenant mon courage à deux mains et sans me retourner, les épaules droites,

     — Mon cœur n'a jamais été à toi Demon, je pensais que tu étais quelqu'un de bien avec au moins une once de moralité mais je me suis lourdement trompée sur ton compte... Et, une dernière chose, on peut larguer une personne sans l'humilier et sans la faire souffrir gratuitement. Au revoir Demon...

     Je m'enfuis loin de lui, loin de cet homme qui m'a rendu femme, mon cœur saigne, il ne faut pas qu'il voit mes larmes tombées en cascades, je ne lui ferai pas ce plaisir. Tout mon corps souffre, je vais m'en remettre, l'oublier et passer à autre chose. Je sors du Club en titubant, des taxis attendent de potentiels clients, je m'engouffre dans le premier en attente et lui donne l'adresse de mon appartement, le chauffeur lance des regards dans le rétroviseur, c'est sûr que je ne dois pas être au plus haut de ma forme et mon maquillage doit être foutu. Je renifle, le conducteur me tend un mouchoir en papier,

     — Merci Monsieur.

     — Y a pas de quoi Mademoiselle, mauvaise soirée ?

Je réussi à me parer d'un tout petit sourire,

     — On va dire ça...

     — C'est un petit ami qui vous procure autant de chagrin ?

     — Non, un connard qui ne mérite pas que l'on parle de lui.

     — Ah ! Désolé pour vous, il ne sait ce qu'il perd ce « Connard » !

Cette phrase réussit à me faire sourire,

     — Ça c'est sûr...

Je regarde le matricule du chauffeur pour connaître son prénom,

     —... Emilio... Moi c'est Lucia.

Il sourit à son tour, nous arrivons devant chez moi et il se gare. Je sors mon portefeuille pour le payer,

     — Non, laissez tombez... Lucia, il y a sûrement un homme sur cette Terre qui est fait pour vous, nous avons tous une âme-sœur, vous la trouverez !

     — Merci Emilio, votre femme a beaucoup de chance de vous avoir.

Il se marre,

     — Oh oui, mais généralement elle me dit le contraire, c'est plutôt : « Emilio, remercie Dieu de m'avoir ! »

Je suis émue par cet homme qui doit être un mari formidable, il ne faut pas désespérer, il y a encore des hommes bien sur cette planète.

     Je le remercie encore une fois et lui souhaite une bonne soirée. Il me salue et repart en souriant. Je rentre dans l'appartement silencieux, je récupère mon téléphone et jette ma pochette sur le canapé. J'entre dans ma chambre, me déshabille et me faufile sous la couette, je regarde les messages sur mon smartphone, il y en a beaucoup de Carla et aucuns de Demon. Ça ne m'étonne même pas. Je l'éteins et le pose sur ma table de nuit. Je réussi à m'endormir mais mes rêves sont peuplés du regard de braise de Demon...


Son âme mise à nue (Publié sur Amazon)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant