13 : Froid, Foule, Solitude

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Thèmes par salomebtn
Ici Will a 19 ans

TW : violence, mort ( pas vraiment mais ça en parle )

"Dégage d'ici ! Je t'ai déjà prévenu ! T'as pas le droit de dormir ici !"

Ces phrases furent la première chose qu'entendit Will après s'être brutalement réveillé, suite à un coup de pied sec dans le tibia, et la dernière chose qu'il entendit avant de recevoir de l'eau gelée sur la tête. Poussant un gémissement, il tenta de s'éloigner alors que le seau continuait à se vider, mais ne fut pas assez rapide. Ses vêtements imbibés d'eau, il se figea, essayant de protéger son visage de ses avant-bras, les yeux rivés au sol, à la merci de l'homme qui refusait que le jeune sans-abri dorme près de son commerce. Il se crispa encore plus quand le récipient fut lâché près de lui, prenant des inspirations hachées.

"Je pars ! Je pars ! Laissez-moi, s'il vous plaît !"

Il avait une voix brisée en lâchant ces plaintes, déchirantes pour qui avait un peu de compassion. Mais le commerçant frappa de nouveau, alors que Will essayait de se mettre debout, levant une main pour montrer qu'il n'était pas dangereux. Le blond glissa après la frappe, retrouvant le sol devant plusieurs passants qui s'écartèrent simplement. La foule l'évita comme s'il n'était qu'un sac poubelle au milieu du trottoir. Il parvint néanmoins à s'éloigner de son attaquant, évitant le regard de tous ceux qu'il croisait, d'une marche frénétique et peu régulière.

En plus d'être gelée, l'eau n'était pas propre. De ses cheveux, de ses longs cils et de son menton gouttait un liquide marronnasse, dont il préférait ne pas imaginer l'origine. Il tenta d'essuyer un peu son visage avec le col de sa veste, mais elle était tellement détrempée que son geste n'eut aucun effet. Le vent froid qui lui arrivait en plein visage, et faisait chuter la température de son corps, lui faisait moins mal que les regards dégoutés de certaines personnes, mais il garda ses gémissements dans sa gorge nouée. Will ne parvint cependant pas à arrêter une violente toux qui le força à s'arrêter. En quelques jours, sa situation s'était aggravée de façons qu'il n'avait même pas imaginées possibles : d'abord, il s'était mal rattrapé après un saut et sa cheville en avait subi les conséquences, puis une quelconque maladie lui faisait cracher ses poumons... et maintenant, ça.

Chaque pas appuyait de plus en plus sur sa cheville fragile, sur laquelle reposait maintenant une jambe meurtrie par les coups gratuits, et une nouvelle quinte le força à l'arrêter de par sa violence. Il s'adossa à un immeuble ; la toux était si forte qu'elle lui donnait envie de vomir. Quand sa crise fut passée, il vit sur sa main des gouttes de sang, d'un rouge très vif sur sa peau pâle qui commençait à bleuir. Il ne sentait même plus ses extrémités. Il avait mérité beaucoup des malheurs qui lui étaient tombés dessus, mais il n'avait absolument rien fait cette fois-ci. A part tenté de dormir à l'abri de la pluie. Plus le temps passait dans la rue, et plus il détestait les hommes en général. Mais il n'avait pas le temps de s'attarder sur ça. Sa respiration se faisant de plus en plus sifflante, il s'assit dans une ruelle avec difficulté ; il tremblait tellement qu'il dut s'y remettre à deux fois pour écarter les mèches devant ses yeux.

S'asseoir n'aida en rien pour rétablir la chaleur de son corps, mais le jeune homme n'avait pas la force nécessaire pour se relever et bouger de façon à éviter l'hypothermie. Il se laissa même carrément tomber sur le côté, exténué. Il comptait aller chercher à manger aujourd'hui. Probablement peine perdue. Reniflant, il n'effaça même pas les traces sales apparues sur son visage, trop frigorifié pour tendre les doigts. Était-il vraiment utile de garder sa veste sur les épaules ? Celle-ci était assez mouillée pour que ça n'étonnât pas le blond si elle finissait par geler et le rendait captif. Mais il resta immobile, la tête sur le pavé, n'arrivant pas à se concentrer sur quelque chose d'autre que la douleur qu'engendrait chaque inspiration.

Est-ce qu'il allait mourir comme ça ? Will avait l'impression que c'était la question qu'il se posait le plus, en ce moment. Mais après tout, ce n'était pas stupide de se le demander. Personne ne viendrait l'aider ici, il était totalement seul, et ce depuis plusieurs mois. Il regretta de ne pas avoir accepté de rester en contact avec certains de ses coups d'un soir, et d'avoir plutôt choisi la solitude. Il ne lutta cependant pas non plus, alors que sa conscience partait de plus en plus loin tandis que le froid s'immiscait dans ses veines. Il aurait juste préféré... ne pas mourir allongé dans la rue sans que personne ne s'en rende compte.

Writober 2019Où les histoires vivent. Découvrez maintenant