28 : Banlieue, Lampadaire, Peur

33 3 5
                                    

Thèmes par salomebtn
Ici Will a 19 ans.

TW : dépression, suicide (sous-entendu)

Ses foulées étaient de plus en plus désordonnées, claquaient de plus en plus au sol en faisant un boucan monstre dans la rue déserte mais surtout dans ses tympans, chaque inspiration le brûlait mais il n'arrêta pas de courir. Il avait trop peur. De faire tomber le sandwich qu'il tenait serré contre son cœur qui battait follement, d'être rattrapé par des policiers dont l'existence n'était pas vraiment sûre. Il avait juste fui dès qu'il avait entendu une voix dans le supermarché dans lequel il avait réussi à attraper son repas de la journée, terrifié à l'idée même de voir un garde de sécurité. Deux mois de prison, c'était assez. Il ne voulait courir aucun risque.

Après plusieurs minutes de course effrénée, le sang pompé à un rythme soutenu, il s'arrêta brusquement, loin des lumières des lampadaires. Celles-ci, normalement faibles, lui brûlèrent les yeux quand il les regarda, et il détourna le regard, le visage faisant face au sol, se tenant les côtes en prenant des respirations hachées et douloureuses. Il avait perdu beaucoup de sa forme physique depuis qu'il... N'avait plus de toit. Courir le ventre vide était difficile. Il se laissa glisser le long du mur, dans un recoin pour éviter de déranger les passants. Il avait appris à se faire discret, étant donné l'agressivité de certaines personnes.

Tandis que sa respiration redevenait plus ou moins régulière, il se passa une main sur le visage avant de prendre une bouchée féroce dans le sandwich qui n'avait pas énormément de goût. Enfin, ce n'était pas comme si ça lui importait. En quelques dizaines de secondes, il avait fini son repas et n'avait pas l'impression de s'être nourri. Son estomac criait encore de faim et il se sentait encore aussi... Faible. Il n'avait certainement pas la force de se relever, encore moins de chercher un autre endroit où dormir. En même temps, quel autre endroit ?

Les yeux toujours écarquillés avec une pupille dilatée, comme prêt à mordre, le jeune homme essaya de se couvrir le plus possible avec sa veste, les genoux ramenés contre le torse. Il avait toujours terriblement froid. Il n'était pas sorti de prison depuis assez longtemps pour s'être trouvé de nouveau de quoi s'installer un tout petit peu plus confortablement. Et il avait toujours terriblement peur. Son regard volait d'embouchure de rue à entrée d'immeuble, guettant la moindre ombre suspecte. Il n'était pas dans le coin le plus sûr de la ville, quasiment dans la banlieue où il ne s'était pas fait que des amis.

Impossible de s'endormir tant l'anxiété lui tordait les tripes et le vent le frappait au visage. Pourtant, son corps bougeait au ralenti. Si une menace se pointait, il était mort. Tentant de faire remonter la température voisine de quelques degrés, il alluma une vieille cigarette, dont il prit de grandes inspirations. Il sentit la fumée lourde remplir ses poumons et y laisser plein de saletés. Et pour être honnête, il ne s'en souciait pas. Il pouvait bien mourir ainsi. Qu'est-ce que ça changeait ? Il allait mourir seul de toute façon. L'arête du nez entre l'index et le majeur, pompant encore sur le mégot, il laissa échapper quelques larmes de ses yeux grands ouverts, qu'il n'essuya pas. Même ça, il n'en avait pas la force.

Ces derniers mois - ces dernières années - il n'avait plus la force de faire grand-chose, même se lever le matin. Et lui qui pensait que tout irait mieux après le centre éducatif fermé. Il avait tellement d'espoir. Et ça avait vraiment été putain de stupide de sa part. Il n'avait jamais réussi à remonter ses notes. Son lycée l'avait ignoré, et son père avait fait de même quand il n'était pas en train de l'insulter. C'était pour ça qu'il avait décidé de ne plus jamais avoir d'espoir. C'était bien plus réaliste. Il ne pourrait jamais plus être déçu. Et de toute façon, au rythme où il allait, il n'avait plus beaucoup de temps pour être déçu.

Il faut que j'écrive autre chose que lui à la rue il faut que j'écrive autre chose que lui à la rue il faut que-

Writober 2019Où les histoires vivent. Découvrez maintenant