Chapitre 8

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Porter

Visiteuse du passe

La lumière filtre à travers les persiennes de la chambre. J'ouvre difficilement les yeux. Je saisis mon portable, il n'est que huit heures du matin, tant mieux je vais pouvoir faire beaucoup de choses en cette première journée ici. Je vais commencer par faire un petit jogging le long de la plage, plus de vingt kilomètres à parcourir sur le sable blanc et admirer le panorama montagneux et ces gigantesques monolithes qui s'élèvent le long de la baie et que j'aimais tant observer quand j'étais gosse. Ensuite, je voudrais prendre le temps de me rendre au cimetière où reposent mes parents. Puis je ferai quelques courses et si la journée n'est pas terminée, je rendrai le jardin de Doris un peu plus agréable. Je me lève, enfile un short sur mon boxer, un t-shirt gris simple. Je me dirige vers la salle de bain et dépose mes vêtements sales dans la machine. Je me rends ensuite dans la mini cuisine, je me prépare un chocolat chaud quand j'entends boitiller derrière moi. Je me retourne et découvre ma grand-mère en robe de nuit fleurie, grand sourire aux lèvres. Je m'approche d'elle, lui dépose un baiser sur le front et lui tends mon bras pour l'installer sur une chaise.

— Alors ce n'était pas un rêve, fiston, tu es bien là, avec moi.

— Bien sûr, Mamie, et si je ne te dérange pas trop, j'aimerais rester un peu avec toi.

— Tss, répond-t-elle en brassant l'air de sa main, tu peux rester aussi longtemps que tu voudras, Paxton.

Son regard se perd au loin pendant une petite seconde. Paxton, c'était le prénom de mon père. Que lui arrive-t-il ? Est-ce mon arrivée qui la perturbe à ce point ? Je crois que j'ai un peu trop bousculé ses petites habitudes. Doris a vécu pas mal de drames avant que je n'en rajoute aujourd'hui. Elle a perdu son mari en 1968 pendant la guerre du Vietnam. Elle a toujours élevé ses enfants seule et n'a jamais refait sa vie. Mon grand-père a toujours été le seul homme. En 1970, à peine deux ans plus tard, elle perdait sa seule fille Nola, ma tante qui est décédée à l'âge de quatre ans. Nouveau coup dur pour ma grand-mère qui n'avait plus que son fils comme seule famille, du moins jusqu'à moi. Ma venue au monde a été comme une renaissance pour elle, d'ailleurs je pense qu'elle m'a toujours considéré comme son propre fils puisque ma mère n'a jamais su tenir son rôle. Et puis ça a été le coup de massue quand elle a dû faire le deuil de son dernier enfant, alors qu'elle n'avait pas encore soixante ans. J'admire tellement son courage, sa force et toute sa détermination, elle a toujours été un modèle pour moi.

— Mamie, c'est moi, Porter. Paxton, c'est ton fils, il est..., tenté-je de lui expliquer alors que ma gorge se serre en pensant à mon père, parti trop tôt.

— Je sais tout ça, bourricot, je ne suis pas encore grabataire enfin ! répond-elle en s'énervant.

Je me lève, m'adosse au plan de travail de la cuisine et décide de laisser tomber le fait qu'elle se soit trompée de prénom et que cela lui ait mis les nerfs à vif. Je lui détaille mon programme de la journée pendant qu'elle finit de siroter son thé à la vanille silencieusement.

Ce n'est qu'en fin de matinée que je rentre de ma course sur la plage, essoufflé et en sueur. Ça m'a fait beaucoup de bien et cela m'a permis de me vider la tête. Je me sens bien ici, je ne pense presque plus à Alice. J'arrive devant le porche et interpelle la maman d'Addison, la voisine de Mamie. Elle est comme dans mes souvenirs, un visage d'ange, des yeux bleus couleur de la mer agitée, de taille et de corpulence moyennes. Elle réagit comme Doris hier, elle pose ses mains en visière et tente de mettre un nom sur mon visage. Je m'approche d'elle en gardant une distance raisonnable et lui tends la main.

— Je suis Porter Davis, le petit-fils de Doris.

— Mon dieu, le petit Porter, s'enthousiasme-t-elle en se rappelant que je suis le petit garçon qui jouait avec sa fille.

King Of Bikers-Porter Tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant