Un corps

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   Assis au coin d'un feu, un livre dans les mains. Tout le monde le fixe ; or il n'y avait personne ; or il n'était pas visible ; il faisait noir. S'adressait-il à quelqu'un ? Il parlait. Les yeux rivés dans l'âme.

    Vous parlez du corps et de la prison qu'il est. Vous condamnez son fonctionnement, vous condamnez ses besoins, vous reniez ses services.
    Boire, manger, respirer et avancer, uriner et enfanter, vous abhorrez avec virulence ; mais qu'abhorrez-vous, dites-moi ? Qu'essayez-vous par là ?
    Il nous opprime et nous restreint. Il nous prive de la vérité, il nous fatigue et nous enlève la vie. Voilà ce qu'ils pensent ; c'est notre tombeau et nos grands maux ; il nous avilit et nous affaiblit.
    Mais que refusez-vous ? C'est le monde que vous refusez. Vous réfutez la vie, vous redoutez la vie, vous fuyez l'existence et vous vous niez. Regardez donc ces hommes se nier eux-mêmes ! Des hommes qui ne s'acceptent pas. Des corps qui se trahissent.

    Une fontaine jaillit du ciel. Voilà une pluie, ...un assainissement... voici une bénédiction. Une plante pousse à côté de l'homme. Plongé dans son livre, le visage sévère, le visage contrarié, enfin le visage empli de pitié et de compassion. Il sourit bien tristement. Que voit-il donc, cet homme ?
    La plante le recouvre. Il plonge dans la plante. La plante disparaît et l'homme soupire, l'homme est rassasié, mais il est triste. Que voit-il donc ?

    Ton corps est ton expérience. Tu arrives, nu, et tu évolues, tu te dépasses encore. Tu apprends. Tu apprends le physique ; la matière ; ensuite la pensée ; maintenant dépasse-toi encore. Apprends au-delà. Tu es au-delà, tes plans t'attendent.
    Mais tu ne le veux pas ! Tu préfères plaindre ta condition ? Tu préfères rejeter ton enveloppe, ton corps, ta possibilité même ?
    Ne sois pas dans l'attente ainsi ! Rien ne te délivrera ! Tu parles des désirs ; tu parles des tracas et des nécessités, tu refuses ton incarnation sur Terre, ton apprentissage. Tu parles des maladies du corps, mais tu es le seul malade ici ! Ta pensée gangrène la vie.
    Tu condamnes le corps là où tu devrais voir l'occasion d'un dépassement. Tu condamnes le corps là où tu devrais condamner l'égarement humain. Or l'homme doit tendre, tendre vers sa vérité.

    C'est en expérimentant ici que tu apprends à aller plus loin. C'est une expérience fondamentale que tu ne veux regarder en face. Si tu refuses cette expérience, soit ! Va ! Fuis-la ! Meurs, rate-la si tel est ton souhait. Mais ne propage pas ta maladie au monde. Ne propage pas ta maladie aux hommes. Ne propage plus ta pensée haineuse.
    Vous, vous qui l'avez tant partagée ! C'est vous qui incitez au déclin de l'homme. Vos croyances dérisoires. Votre insécurité.

    Le feu s'eteint. Les pensées disparaissent, elles se tournent vers l'ouverture. Le livre goutte.

    Vos croyances dérisoires. Vois ce qui a coulé vers les hommes ! Vois ce qui leur a été transmis ! Qu'as-tu fait ? Homme malade, qu'as-tu fait ? Faux croyant, qu'as-tu fait ? Avant eux tous, Platon, ô grande figure, qu'as-tu engendré !
    Vous cherchez dans la mort ce que vos faibles mains ne peuvent vous procurer. Vous cherchez dans l'au-delà ce que votre faible volonté ne peut atteindre.
    Voilà votre haine du corps. Votre haine de la vie. Disparaissez.

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    ... ainsi que la nuit, la nuit noire, s'échappe. Voilà bientôt une journée. À m...

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    Ainsi la tête lui en tombe. De son corps, son corps vif et fort, grand et résistant, la tête tombe. D'où vient-ce ? Une vengeance ? Une solution, ou simple changement dans le monde ? Sa tête tombe. Son corps est seul, abandonné et condamné. Le voilà mort, le voilà décapité.
    Le voilà décapité, le voilà mort.

Recueil : Une Pensée pour moi-même ou pour personne (je crois)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant