Cameron
Mon geste un peu trop vif fait claquer la porte de la suite derrière moi.
Après ce dîner familial, croyez-moi, il y a de quoi être un peu énervé !
J'ôte ma veste et vais directement chercher une mignonnette de whisky dans le mini bar. Franchement, j'en ai bien besoin ! J'en ingurgite une bonne rasade, et mon verre à la main, sors sur la terrasse.
Les lumières multicolores de L.A. illuminent la nuit presque comme en plein jour. Un soupir exaspéré m'échappe et je défais rageusement un autre bouton de l'encolure de ma chemise.
Je n'aurais jamais dû accepter d'assister à ce dîner ! Toute cette hypocrisie m'a donné envie de gerber.
Bordel ! Y-a rien à faire, je ne m'y habituerai jamais !
Quelques heures plus tôt, je grimpais dans ma voiture et prenais la direction de Pacific Palisades. Je devais bien m'avouer que j'étais heureux de revoir la propriété acquise par les grands-parents de mon père. Surplombant le bleu profond du Pacifique au loin, c'était un magnifique terrain boisé. J'avais adoré y vivre étant enfant. De temps en temps on pouvait y voir furtivement, telle une apparition, une biche égarée un peu trop près des habitations.
Seulement, du jour au lendemain, tout avait basculé. Une attaque cérébrale avait emporté mon père. Il n'avait pas quarante-cinq ans. J'avais quatorze ans. Sa disparition m'avait vraiment terrassé, anéanti de douleur. Ce n'était pas seulement un père que je venais de perdre ; c'était un ami et un mentor.
Si Hunter n'avait pas été là, je ne sais pas comment j'aurais tourné.
À cette époque, je crois que le moment le plus terrible pour moi avait été d'assister au mariage de ma mère et de Justin Conway, moins d'un an plus tard. L'adolescent que j'étais ne pouvait comprendre que le cœur de sa mère ait pu guérir alors que le sien portait encore une plaie béante.
Sean, le fils que Justin emmenait dans son escarcelle, n'était pas fait pour arranger les choses. Jaloux, je l'étais sans doute à l'époque. Mais le caractère vicelard de Sean, qui était de deux ans mon cadet, n'avait fait que consolider ma colère et ma rancœur. Et lorsque ma mère s'était mise à prendre systématiquement la défense de son beau-fils, la guerre avait été ouverte entre lui et moi. J'avais quitté le domaine dès que j'avais pu, c'est-à-dire, dès mon entrée à la fac. Depuis, je n'y avais remis les pieds qu'un peu obligé par les dîners ou les réunions familiales.
Aujourd'hui, je peux comprendre — pas forcément excuser — les motivations de ma mère. Elle voulait que son mariage réussisse. Moi-même, j'étais un ado en pleine révolte et Sean savait jouer à la pauvre victime angélique devant elle. À l'époque, je n'avais ni la maturité ni le recul nécessaire pour l'appréhender. Le fossé d'incompréhension entre ma mère et moi s'était transformé en abysse de non-dits. Et peu avant mon départ pour Seattle, lorsqu'une fois de plus elle avait pris le parti de Sean, pour moi ça n'avait été ni plus ni moins qu'une trahison.
Après tous ces mois passés sans presque jamais répondre à ses appels, me rendre à ce dîner, c'était accepter sa main tendue.
Sans doute j'aurais dû m'abstenir...
J'étais persuadé que revoir Sean et Kendra ne me ferait absolument rien.
Je m'étais trompé. Cependant, ce n'était pas de la douleur ou du ressentiment que j'avais éprouvé, mais uniquement de la colère et de l'incompréhension.
J'étais arrivé à l'heure de l'apéritif et j'avais immédiatement réalisé que venir ici avait été une erreur. Après avoir sacrifié au rituel des échanges cordiaux avec les trois amis de la famille invités pour l'occasion, je m'étais posté un peu à l'écart près de la baie vitrée. Face à moi, la forêt où j'avais marché des heures lors de randonnées avec mon père s'étendait jusqu'à la mer en contrebas. Mes yeux avaient couru sur ce magnifique panorama. Le soleil finissant inondait l'horizon dans une époustouflante palette de jaunes, d'oranges et de violets.
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Près de toi : Love in L. A. 1
Roman d'amourRachel : Une originale. C'est comme ça qu'on m'a toujours définie. J'aurais pu apprécier ce qualificatif, et même l'aimer vraiment. Seulement, je crains que pour la plupart « originale » ne soit un terme plutôt édulcoré pour parler de ce petit truc...