Les jours se suivaient et se ressemblaient. Chaque nuit je faisais ce même et terrible cauchemar, dans lequel je mourrai, engouffré dans la bouche du monstre. Je me sentais de plus en plus fatigué : je voyageais beaucoup, mes journées de travail étaient interminables, mes recherches me prenaient beaucoup de temps et je ne parvenais pas à trouver de nouveaux éléments. Cependant un jour où j’effectuai des recherches à la bibliothèque, je tombai par hasard sur un extrait d’article du journal local de 1867, rapportant des disparitions mystérieuses :
« Disparitions en ville. Aujourd’hui, 23 février 1867, les personnes disparues n’ont toujours pas été retrouvées. La police cherche toujours et lance un appel à témoins. Le nombre de disparus s’élève aujourd’hui à cinquante, dont le boulanger Monsieur Thomas Mooney, la femme du maire Madame Sierra Roy et le médecin Alfred Montgomery. Si vous possédez une quelconque information, merci de … ».
Alfred Montgomery. Ce nom résonnait dans ma tête. C’est à cet instant que je compris ; Alfred Montgomery était A.M ! Puisque je vivais dans son cabinet, certaines réponses à mes questions devaient forcément se trouver sous mes yeux !
Cela faisait plusieurs heures que je fouillais le vieux cabinet, mais je ne trouvais rien. Il ne restait qu’une pièce à vérifier ; ma chambre. Il ne s’agissait pas d’une pièce extraordinaire ; elle était de forme carrée, plutôt petite et parvenait à peine à contenir mon lit et mon bureau. Les murs étaient sombres et le plancher en bois craquait dès que l’on marchait dessus. La seule chose qui sortait de l’ordinaire dans cette pièce était ma petite plante de chamaemelum nobile, qui me permettait de me fabriquer des décoctions pour lutter contre mes maux de tête incessants. Je cherchai partout dans la petite pièce mais je ne trouvai toujours rien. J’étais désespéré et je sentais monter en moi une fièvre colérique. Pris d’un coup de folie, je dévastai toute la pièce qui me servait de chambre. Je me souviens avoir pris une chaise et l’avoir fracassée contre le mur face à mon lit.Je m’assis sur ce même lit, silencieux, l’air grave, face au mur. Je remarquai cependant que la chaise avait fait une légère fissure sur ce même mur. Je m’approchai, et peut-être par instinct, je me mis à battre le mur avec mes poings, jusqu’au sang. Une horrible puanteur émanait du trou que j’avais formé. Je me couvrais le visage, et découvris un petit coffre de bois délabré. Il semblait contenir un objet à en juger par la sonorité métallique. J’ouvris le coffre, et un étrange phénomène se produisit. Du coffret, sortit un épais brouillard suivi d’une abominable odeur de cadavre. Je courrai à la fenêtre pour respirer de l’air frais, mais je m’arrêtai, stupéfait : le ciel était devenu sombre, il n’y avait plus aucune lumière, le temps semblait s’être arrêté. Je pressentis que quelque chose d’épouvantable allait se passer.
Je revins près du lit et ouvris la boîte avec précaution ; une colonie d’insectes tous plus répugnants les uns que les autres en sortirent en flot continu. Je jetai la boîte au sol. Lorsque enfin il n’y eut plus d’insectes, je parvins à jeter un coup d’œil dans le petit coffre. À l’intérieur de la boîte ensanglantée, se trouvaient un couteau, et un papier plié en quatre, qui, à en juger par son aspect, était plutôt ancien. Je m’intéressai d’abord au couteau : la lame en acier était recouverte de traces de sang, et notamment d’empreintes. Sur le tranchant de celle-ci se trouvait une écriture qui m’était inconnue et que je ne parvenais pas à traduire. Cependant, quand je vis le manche, je me mis sérieusement à douter de ma santé mentale.
En effet, il semblait que sur le manche était entouré de trois restes de doigts squelettiques. Grâce à mes connaissances en anatomie et d’après la position des doigts, je pouvais affirmer qu’il s’agissait de l’index, du majeur et de l’annuaire. De plus, chacun des doigts était bien composé de trois phalanges blanches, ensanglantées. Mais quel était cet objet démoniaque et horrifique que je tenais dans mes mains ? À quoi pouvait-il servir ? Comment Alfred s’était-il procuré ce couteau ? À présent, je prenais soin de déplier le papier, et je fus déconcerté lorsque je lus les quelques phrases griffonnées. Je me souviens encore de ces mots troublants, qui auraient fait douter tout le monde de la santé mentale de l’auteur : « les pestiférés ont la marque du démon, ils ont été choisis par Gol-goroth », « la servitude est dans notre nature », « Moi, Alfred Montgomery, renie le serment d’Hippocrate, me voue à un seul Dieu, l’Unique, et tourne le dos aux faux dieux ! », « Vive le Dieu Noir de Bal-Sagoth ! ». Qu’était-il arrivé à mon prédécesseur ?...Je ne comprenais absolument rien des propos que tenait le docteur, mais une chose était certaine, il était devenu fou. Alors que j’étais face au couteau démoniaque et aux écrits du docteur, je sentis que quelque chose en moi n’allait pas. Je ne m’attendais pas à ce que cette boîte bouleverse ma vie.
En effet, j’entendis une sorte de bourdonnement qui devenait de plus en plus intense dans ma tête, jusqu’à devenir insupportable. Je lâchai le couteau pour pouvoir couvrir mes oreilles, mais rien n’y faisait, je criai de douleur. La lumière du jour me réveilla. Elle était intense, lumineuse, rayonnante. Je sentais une douce chaleur sur mes joues. Lorsque j’ouvris les yeux, je n’étais pas chez moi. Je me trouvais sur une plage abandonnée, près d’un phare. Je ne me souvenais de rien, et de plus, ma tête me faisait énormément souffrir, j’avais l’impression d’avoir reçu un coup sur le crâne.J’effectuai une auto-inspection : mes vêtements étaient déchirés et tâchés d’un mélange de sang et de boue. Je parcourus la moindre parcelle de peau de mon corps, à la recherche d’une blessure qui pouvait expliquer la présence de sang sur mes vêtements. Mais à part le goût de sang dans ma bouche et mes mains qui me faisaient souffrir à cause de l’événement de la veille, je n’étais pas blessé. Ce sang ne m’appartenait pas. Mais que s’était-il passé cette nuit ? Pourquoi n’en gardais-je aucun souvenir ? Dans ma main droite, je tenais toujours ce maudit couteau, source de mon malheur. Je devais rentrer chez moi le plus discrètement possible prendre une douche et réfléchir calmement à cet horrible événement. C’est ainsi que cet épisode ne cessait de se reproduire chaque matin, durant plusieurs semaines.
Les jours passèrent, chaque nuit se ressemblait, et me menait à ce maudit phare. Pour ne plus vivre ce cauchemar, j’avais décidé de ne plus dormir la nuit, et de me concentrer sur mes recherches. J’avais caché le terrible couteau sous une latte du plancher de ma chambre, pour que personne ne puisse subir le même sort que moi. Cela faisait plusieurs semaines que je ne ressentais plus la sensation de faim, et que je n’avais pas fait de consultations. Cependant, lors de mes nombreuses nuits, j’étais parvenu à trouver un ingrédient capable de réduire la douleur que provoquait la maladie. Ainsi, je décidai un matin de me ressaisir. Je réouvris le cabinet, et commençai mes consultations par le cas d’une fillette : Aria Mays. Elle devait avoir huit ans, et était profondément affectée par cette mystérieuse maladie. Je l’auscultai : la moitié de son visage était rempli de cloques rougeâtres, sa peau était sèche, sa température était élevée. Je pris mon stéthoscope ; j’entendais son cœur battre lentement, son souffle était lent et douloureux. J’étais tellement triste de voir une enfant si jeune et innocente en proie à cette maladie cruelle. Elle ne cessait de me sourire tendrement. Je voyais bien dans ses yeux qu’elle croyait en moi. La fin de la consultation étant arrivée, je lui prescrivis des concoctions à base de plantes orientales ainsi que la potion destinée à réduire la douleur. Elle partit avec sa mère, une lueur d’espoir brillante dans les yeux.
C’est ainsi que je continuai toute la journée mes consultations, jusqu’au coucher du soleil. Je terminais enfin ma dernière consultation, j’étais exténué. Je montai donc dans ma chambre afin de me reposer. Je me jetai sur mon lit, mais à peine fermais-je les yeux, que j’entendis quelque chose tomber sur ma fenêtre. Je me levai, et vis un gros impact, causé par la chute mortelle d’un corbeau. Je regardai par la fenêtre : d’autres corbeaux s’étaient jetés sur les maisons voisines. Cela ne présageait rien de bon. Le ciel était noir, menaçant ; on aurait pu croire que les Cavaliers de l’Apocalypse allaient apparaître. Le tonnerre grondait, les habitants fuyaient en courant et cherchaient désespéramment un abri. La pluie commença à s’abattre violemment, puis laissa place à une pluie de grêlons. Je voulus me barricader dans la maison afin de me protéger, mais à peine commençai-je à cloîtrer ma fenêtre, qu’une horrible odeur nauséabonde s’immisça dans la pièce. Les fenêtres s’ouvrirent brutalement ; la tempête se trouvait à présent dans ma chambre. Cependant, alors que j’essayai de fermer la fenêtre, un gigantesque tentacule apparu. Je tombai, stupéfié et terrifié. J’essayais de fuir lorsque je fus pétrifié : une énorme forme monstrueuse était apparue. Je ne parvenais qu’à distinguer ces horribles yeux rouges, fixés sur moi, qui brillaient dans la nuit. Je n’en vis pas davantage, sous le choc, je perdis connaissance.
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LE PHARE D'OUTRE TOMBE
ContoDans les années 1930, un jeune médecin diplômé de l'université de Miskatonic part sur l'île de Nantucket pour soigner la population d'une importante et inconnue épidémie.. La vie du jeune homme va alors être bouleversée pour toujours.. Bienvenue dan...