Chapitre XII Le prix de la liberté

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Si mes cycles veille-sommeil ne sont pas trop erronés, cela fait déjà un mois que je suis retenue ici. Petit à petit, ma santé mentale se dégrade, je le sens très bien, j'en suis venu à développer des TOC. Dès mon réveil, je fais des va-et-vient le long de ma cellule tout en touchant chaque carreau de la même ligne de mur un à un du bout des doigts. Pour garder le compte approximatif des jours, j'en suis venu à gratter ma peau avec un ongle cassé jusqu'à avoir une marque qui tienne dans le temps. Je suis tombée dans un cercle vicieux, le traitement que je vie ici me rend folle, je développe des troubles du comportements qui me rendent folle et me fond me sentir encore plus mal, et donc alimentant mon mal-être. Je suis épuisée, je n'en peux plus de cette situation, d'autant plus qu'ils arrivent doucement à me briser psychologiquement, parfois je me dis qu'il faut que j'arrête d'essayer de me battre, que ça ne sert à rien, que je vais rester là toute ma vie, et je passe des jours entiers sans essayer de contrôler mon pouvoir, mais par chance j'arrive encore à remonter la pente et réfléchir à des méthodes d'évasions.

Aujourd'hui, je sors d'une de mes périodes « sans » qui a duré trois jours, et commence donc par checker où en est le retour de mon pouvoir. Je n'ai pas besoin de me concentrer beaucoup pour me rendre compte que je peux déjà déplacer l'eau, et même la geler, alors que la dernière flèche date de moins d'une heure. Je trouve ce retour beaucoup trop rapide quant à mon activité, mais c'est une aubaine pour moi. Les hypothèses quant à cette précocité sont que soit mon corps commence à créer une immunité au sérum, soit qu'une nouvelle formule a été mise en place et qu'elle est moins efficace, mais dans tous les cas si ce n'est pas un retour exceptionnel, c'est une chance inespérée. J'essaye donc d'accumuler un maximum d'eau dans mon dos et de la geler, tout en la compactant au maximum pour qu'elle prenne le moins de place possible. Au fil des heures, ma capacité à transformer la vapeur en eau revient également, ce qui me facilite grandement la tache même si c'est bien plus épuisant que lorsque je n'ai rien qui coule dans le sang. Dans tous les cas, il faut vite que je trouve un plan pour m'échapper, car la prochaine prise de sang risque de révéler la faille dans leur sérum.

Alors que je compacte encore plus de glace au creux de mes omoplates, je sens la petite boule émettre un battement. Je cesse immédiatement de compacter, cette sensation est vraiment étrange, ça ne ressemble pas du tout à une sensation de glace qui craquelle, vraiment comme un battement de cœur. J'essaye de ne rien transparaitre, de toute façon la quantité de glace que j'ai à présent devrait largement être suffisante pour créer des piques, ou pour toute autre utilisation que j'en aurais, et puis maintenant la formation de glace se fait encore plus rapidement et facilement, il me sera plus aisé d'en créer à nouveau si jamais je perdais la glace que j'ai accumulé.

J'entends le verrou de ma porte faire du bruit, et l'instant d'après l'un des hommes du Renard entre dans ma cellule, avec le classique bandeau et les menottes. C'est ma chance. Je me laisse faire bien docilement, comme les dernières semaines, et le laisse me conduire à l'extérieur pendant que d'autres entrent pour tout nettoyer et vérifier. Mon cœur palpite, aujourd'hui, soit je sors, soit je meurs, c'est tout ou rien. Sur le chemin pour aller à l'air libre, j'utilise discrètement de la glace pour venir crocheter la fermeture des menottes. C'est plus compliqué que prévu, mais je sens que ce n'est pas impossible. Nous nous asseyons comme d'habitude sur un banc, j'hume le parfum de la forêt et profite un peu du chant des oiseaux. Il me reste qu'environ dix minutes avant qu'on ne me fasse rentrer à nouveau de force pour me diriger vers la salle de prise de sang.

Alors que je m'affaire à déverrouiller mes menottes, une alarme retentie dans l'enceinte du bâtiment. Je sens l'homme à mes côtés se relever brusquement, tandis que je sens le verrou céder. Je me libère des menottes, retire mon bandeau et plante un pic de glace dans la gorge de l'homme. Je peux enfin détailler l'endroit où je me trouve, il s'agit d'une cour intérieure. Je peste intérieurement, car cela signifie que je vais devoir rentrer dans le bâtiment pour trouver une autre sortie, mes ailes ne pouvant pour l'instant pas apparaître. A cet instant, je sens mon pouvoir revenir d'autant plus vite, pour une raison qui m'échappe, et j'arrive à nouveau à sentir l'eau qui m'entoure. En me concentrant, je vais pouvoir définir où se trouvent la plupart des hommes du Renard, et prendre le chemin le moins risqué, c'est une aubaine. Dans ma recherche d'itinéraire, je tombe sur une forme qui ne m'est pas inconnue : un loup. Haïku est ici, ça doit être lui qui a causé la sonnerie de l'alarme, et le retour plus rapide de mes pouvoirs. Je dois aller à sa rencontre.

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