1 La fuite

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Cette fois était la bonne, sa décision était prise, et il en allait de sa survie, elle le savait à présent.


 Victor Cattivo s'était enfin endormi, assommé par les litres de whisky qu'il avait avalé plus tôt avant une énième dispute avec Olympe, elle attrapa un sac qu'elle avait caché dans le cellier. Il contenait quelques vêtements et le peu d'argent liquide qu'elle avait réussi à dissimuler. Elle allait abandonner tout le reste avec regret mais par nécessité.


Elle prévoyait sa fuite depuis des mois, sans jamais oser se résoudre à quitter cet homme qu'elle avait aimé, et qu'elle aimait encore malgré tout. Petit à petit, il avait brisé tout confiance en elle,en lui répétant jour après jour qu'elle ne valait rien, qu'elle ne saurait jamais se débrouiller seule et que personne d'autre que lui ne voudrait d'elle.

Sournoisement il avait prit le contrôle sur sa vie, surveillant ses sorties, ses tenues, réduisant à néant le nombre de ses amis. Alors comment aurait-elle pu trouver le courage de s'en aller? Ni même la première claque, ni les suivantes, ni les bousculades ne l'avaient décidé à partir. Il faisait ça avec intelligence, jamais trop fort, toujours suivi d'excuses et de larmes qui semblaient sincères. Olympe finissait toujours par pardonner ce qu'elle ne percevait que comme des disputes qui allaient trop loin. Elle refusait de se voir comme une victime.

Mais ce soir tout avait changé. Pour la première fois elle avait eu peur de mourir de ses mains. Et lorsqu'elle se releva dans la salle de bain, le cou endolori par son emprise récente, elle se jura de ne plus jamais le laisser lever la main sur elle.


Dans la nuit, sans un bruit, elle se glissa hors de la maison, son bagage sous le bras, pour rejoindre sa petite voiture verte. Elle jeta un dernier regard nostalgique vers la bâtisse avant de s'engouffrer dans le véhicule garé le long du trottoir.


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Elle roulait aussi vite que la limitation de vitesse le lui permettait,sans un regard en arrière, lorsque la sonnerie de son portable l'a fit sursauter. Un rapide coup d'œil sur l'écran qui affichait le prénom qu'elle redoutait lui apprit que sa fuite était découverte. Elle se gara rapidement sur le bas côté, les yeux rivés sur son téléphone. Sa détermination vacilla. Son corps tout entier tremblait comme une feuille d'automne secouée par une violente bourrasque, prête à s'arracher de sa branche pour s'envoler Dieu sait où. Si elle rentrait tout de suite peut-être lui pardonnerait-il sa folie passagère? Mais elle ne pouvait pas faire marche arrière, elle ne pouvait pas retourner auprès de lui.Elle hésita un moment, et la sonnerie se tut avant qu'elle ait décidé quoi faire. Il allait être très en colère qu'elle ait osé ne pas répondre.

Une petite notification annonça l'arrivée d'un message vocal. Alors elle appuya sur la touche pour composer le numéro de son répondeur.

― Tuas du bol, dit une voix calme et froide qu'elle ne connaissait que trop bien. Je suis de bonne humeur alors je te laisse une chance de rentrer, de te faire pardonner, et peut-être que je ne serai pas trop fâché. Tu sais que ça ne sert à rien de te cacher, j'ailes moyens de te retrouver où que tu ailles. Si tu m'obliges à venir te chercher je te promets que tu vas le regretter.


Olympe observa une minute le reflet que lui renvoyait le rétroviseur. Son visage était plus pâle que d'habitude, marqué par la fatigue, ses yeux et tout le tour de ceux-ci étaient couvert de points rouges,ses cheveux châtains étaient ternes et ils frisottaient. Sa bouche était sèche, ses mains moites et son cœur semblait sur le point d'exploser.

Elle ferma ses yeux émeraude un court instant, le temps de se remémorer les raisons de son départ. Plus jamais elle n'accepterait de se soumettre à l'angoisse qu'il lui inspirait, plus jamais elle ne lui obéirait. Puis elle les rouvrit plus résolue que jamais, malgré la peur qui lui tiraillait encore le ventre. Elle se rappela alors que son téléphone risquait de trahir sa position, alors elle ouvrit la fenêtre et le jeta au milieu de la route. Lorsqu'elle réussit enfin à calmer les tremblements qui agitaient ses membres, elle réajusta le foulard autour de son cou, et reprit la route.


Les kilomètres et les heures défilaient rapidement et même si la fatigue la gagnait peu à peu, elle refusait de s'arrêter prendre une pause qui la ralentirait.


Suivant scrupuleusement les indications des panneaux, elle quitta l'autoroute. Après le péage elle s'engagea dans un rond point sur lequel était disposé d'étranges statues de métal représentant des animaux de la ferme. Elle prit la deuxième sortie. La route prenait rapidement de l'altitude et serpentait à travers la montagne avec des virages de plus en plus serrés, sans autre lumière que les phares de la voiture. Olympe n'avait jamais conduit qu'en ville,aussi fut-elle très prudente, préférant rouler bien en deçà de ce que la limitation légale permettait.

Elle atteignit le col avec plus de temps qu'elle n'avait imaginé, et commença à se demander si elle ne s'était pas tout simplement perdue. Mais l'entrée d'un tunnel sombre devant elle l'a rassura;Olympe se souvenait parfaitement l'avoir vu sur la carte, et elle savait que la ville se trouvait juste à sa sortie. Elle n'aimait pas les tunnels, ils lui faisaient peur, et elle s'y sentait oppressée, comme prise au piège.


Alors qu'elle empruntait prudemment ce passage creusé à même la roche,la lumière faible du jour qui se levait lui parvint marquant la sortie toute proche de cette interminable galerie. Elle se surprit à soupirer bruyamment pour extraire l'air qu'elle avait gardé dans ses poumons sans même s'en rendre compte.

La route s'élargissait dévoilant sur le côté un parking et un belvédère permettant d'admirer le paysage que l'on ne voyait pas depuis la route. Un grand panneau coloré souhaitait la bienvenue aux visiteurs à "Val-Régis, la plus belle ville du monde".Curieuse de vérifier la véracité de ce slogan, Olympe se gara sur l'une des places qui étaient toutes inoccupées et sortit lentement de la voiture. Son corps tout entier était endolori par le voyage.Elle étira chacun de ses muscles, fit craquer quelques une de ses articulations puis se dirigea vers le promontoire, découvrant un paysage spectaculaire dissimulé en contrebas. La ville était composée de bâtiments de toutes formes et de toutes tailles, et d'un grand lac que l'on distinguait au loin, dont la surface paisible et limpide reflétait le bleu du ciel. L'ensemble semblait avoir été délicatement posé là par une main gigantesque, dans une vallée au creux des montagnes verdoyantes, qui se dressaient fièrement pour protéger les lieux. Un petit paradis dans un écrin de verdure, se dit-elle.

Olympe reprit la route, se demandant bien comment elle trouverait sa destination exacte

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Olympe reprit la route, se demandant bien comment elle trouverait sa destination exacte. Elle ne connaissait rien de la ville et n'avait que peu de chance de tomber par hasard sur la bonne rue. Aussi espérait-elle que ses notes étaient correctes. Elle avait griffonné sur un bout de papier quelques indications trouvées sur internet pour l'aider à se repérer. "entrée nord de la ville, 1,2 km, prendre à droite rue Curie, droit jusqu'au supermarché puis à gauche pendant 4 km, un rond-point prendre la 1ere sortie, compter 4 rues et prendre la 5ème, bâtiment sur la droite."



La fin du pardonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant