𝖈𝖍𝖆𝖕𝖎𝖙𝖗𝖊 𝖉𝖊𝖚𝖝

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Le regard du prof parcourt la salle et s'arrête sur moi. Il doit lire ma détresse et me demande :

« comprenez vous monsieur Chabroud ? »

J'hoche la tête, pas du tout convaincu par moi même.

« venez donc nous montrer en nous faisant l'exercice huit page 394 au tableau.
― o-oui. »

Je me lève difficilement et rejoint le tableau, sentant le regard des autres se pointer sur moi. J'en rougit. Il me tend un feutre et me lance un regard impatient.

« je....euh....pas fait l'exercice....
― les autres non plus, il n'était pas à faire ça tombe bien. »

J'enlève le bouchon de ce feutre et réfléchit. Je le porte au tableau, ma main fait que trembler. J'écris fébrilement « 8 p394) ».

« vous ne savez pas ?
― je réfléchis.
― avez vous compris l'exercice monsieur Chabroud ? Comprenez vous votre leçon ? »

Je baisse la tête. Bien sûr que non je ne comprend pas. J'ai beau la connaître par cœur je ne comprend pas. Alors, comme un idiot, je me met à la réciter, la classe se marre, ils se foutent tous de ma gueule. Ou du moins presque tous. Après mon monologue, le prof reprend :

« vous connaissez très bien votre leçon monsieur Chabroud, mais la comprenez vous ?
― o-oui bien sûr..
― de quoi parle-t-elle ? »

Et je me remis à la réciter.

« est ce que vous vous moquer de moi, Chabroud ? dit-il, impatient.
― bien sûr que non monsieur !
― j'ai bien l'impression que si. Retournez à votre place vous m'avez fait perdre assez de temps comme ça. »

Je rebouche son feutre et le laisse tomber à terre, regagnant ma place au fond, la tête baissée.

« je pense que, d'ailleurs si vous n'êtes pas foutu de comprendre votre leçon votre place serait mieux devant, monsieur Chabroud. Mettez vous à côté de monsieur Palun. »

Je n'ajouta rien, changeant mon sac de place avec la voisine de Valentin. C'est d'ailleurs un des seuls qui ne s'est pas moqué de moi. Je m'assoie lourdement sur la chaise, ressortant mes affaires, les yeux rivés au tableau. Le professeur ré-expliquait une énième fois la leçon. Il avait beau faire tous les efforts du monde, je ne comprenait rien à rien.

« trop facile... » souffla mon voisin, les yeux dirigés vers le tableau.

Je l'enviait tellement à comprendre, à réfléchir sans aucune difficultés, à avoir des facilités.

Je décidai de lui répondre indirectement, tout en regardant le tableau par :

« tsss j'pige rien. »

Il dût m'entendre car sa tête se tourna vers moi, je l'observait sur coin de l'œil et reporta mon attention sur le prof quand ses pupilles bleus croisèrent mes yeux.

« c'est simple. » répondit-il toujours en chuchotant avant de gribouiller quelque chose sur son cahier.

Sa main tapota mon épaule désignant son schéma. Il commença à m'expliquer le plus gros, faisant attention de ne pas parler trop fort. Et c'est drôle parce qu'en une fraction de seconde, j'ai cru comprendre ce qu'on me racontait.

« merci.. » murmurai-je.

Je venait vraiment de comprendre quelque chose, pas tout mais une petite chose c'est déjà bien.

La sonnerie retenti, j'attrape mon sac que je bascule sur mon épaule et me lève.

« merci. » dit-je à mon voisin qui rangeait ses affaires.

Il releva la tête vers moi, tout doucement.

« de ?
― m'avoir expliqué, j'ai presque compris ce que tu m'as dit. »

Il me regardait avec un air qui voulait dire : « duh qu'est ce que t'as fumé gros, c'est normal de comprendre des choses ?! »

« mais t'as compris ce que j'ai dit ou pas ? demanda-t-il.
― presque !
― donc t'as pas compris ?
― non. »

Je lui souris et il me le rendit.

« je peux t'aider si tu veux.
― si tu veux !
― moi j'm'en fout c'est à toi de voir.
― oui s'il te plaît. »

Il hoche la tête puis reprend :

« t'habite dans c'te ville ?
― ouaip.
― on peut se rejoindre au parc du centre ville vers 19h si tu veux. proposa-t-il.
― d'accord ça me vas. À ce soir ?
― ouais à ce soir. »

Je sort de la salle et rentre chez moi tout sourire, pour une fois.

𝖗𝖊𝖉 𝖑𝖎𝖐𝖊 𝖙𝖍𝖊 𝖋𝖎𝖗𝖊Où les histoires vivent. Découvrez maintenant