De retour à l'école lundi, je me sens aussi mal en point que vendredi chez Rose. J'ai pleuré toute la fin de semaine et je n'ai pratiquement rien mangé. Je suis restée en pyjama, les cheveux attachés sans dire un seul mot de la fin de semaine. J'ai pleuré dans ma chambre, dans mon bain et j'ai écouté des films.
Les paroles de vendredi se sont jouées en boucle dans ma tête et je n'arrive plus à les enlever. J'ai mal. C'est comme si un train m'avait passé sur le corps. Mes yeux brûlent à force d'avoir pleuré et je ne fais que repenser aux beaux moments que Thomas et moi avons partagés cet été.
Ma mère se demandait vraiment ce que j'avais lorsqu'elle est venue me chercher le samedi matin chez Rose. Je n'étais juste pas en mesure d'en parler.
Je redoute cette journée depuis deux jours. Je ne veux juste pas aller à l'école aujourd'hui et c'est à peine si j'ai dormi cette nuit.
Je me suis réveillée ce matin avec cette boule immense dans l'estomac. J'ai respiré, manger une demi-tranche de pain, mais l'appétit ne s'est pas présenté. Je me dis que je me reprendrai au dîner.Couchée dans mon lit avant de partir, dans le noir, je vois le visage de Thomas en boucle dans ma tête.
Son visage à la plage, humidifié par l'eau. Ses yeux brillants à cause du soleil et sa bouche souriante. Ses cheveux mouillés qui envoyaient vers l'arrière d'un un coup de tête.
Avec le recul, je crois sincèrement que c'est à ce moment où mon cœur a failli. Qu'il a réalisé l'ampleur des sentiments que j'avais pour lui ! Il a franchi la carapace "anti-garçons" qu'on se fait enfants. Il a piqué ma curiosité et changé complètement ma perception de petite fille pour laisser place à l'expérimentation amoureuse.
Des larmes coulent sur mes joues et je tremble de partout. Je donne tout ce que j'ai pour me lever de mon lit et je m'habille pour aller prendre mon autobus.
Onze heures.
Mes cours sont peu intéressants et de toute façon je n'écoute rien.Je n'arrête pas de penser à ce qu'elle a que je n'ai pas?
Ma gêne ?
Mon maquillage absent ?
Je me vois physiquement, mais au-delà de ça, je n'ai aucunement confiance en moi.Camille, elle, en a. Elle est confiante et assume son style. Elle n'a pas peur de dire ce qu'elle pense même si ce n'est pas toujours gentil à dire. Tous les jours, son maquillage est fait et elle se définit par son linge. Généralement, du jaune comme chandail avec des motifs ainsi que du rouge pour ses souliers. Nos amis sont portés à aller vers elle à cause de sa forte personnalité.
Tout le contraire de moi.
Mais... C'est mon amie... Je n'arrive juste pas à me réjouir pour elle.
Et Thomas ? Je ne sais même pas comment je me sens face à lui. Je suis juste heureuse de ne pas l'avoir croisé encore.
- Audrey! Attends!
Alexandre Proulx, l'un de nos amis, se dirige vers moi lorsque je marche la tête baissée dans les corridors.
- Salut Alex.
Je n'arrive même pas à le regarder et d'amener la conversation plus loin. Je suis en mode survie.
- Ça va ?
- Oui et toi ?
Je n'ai même pas la force d'en parler ou de dire la vérité.
Au début de l'année, Alexandre aimait beaucoup Camille. Ils se parlaient tous les jours et la minute où s'est devenu plus sérieux, Camille a simplement cessé de le fréquenter. De ce que j'ai entendu, c'est parce qu'Alex ne sait pas comment embrasser. Pauvre lui!
Honnêtement, si j'étais à sa place, je ne serais pas plus à quoi faire ? C'est quoi "bien embrasser?" N'ayant jamais posé mes lèvres sur une autre bouche, je ne pourrais dire le vrai du faux.
Par exemple, Alexandre est vraiment gentil. C'est toujours le premier à demander si la personne va bien. Je ne le connais pas encore assez, mais de ce que je sais, il est très attentionné et à l'écoute des autres. Depuis l'histoire avec Camille, il a pris beaucoup ses distances avec la gang. Je ne sais même pas s'il sait la vraie raison du pourquoi Camille ne voulait plus rien savoir de lui.
- As-tu entendu pour Camille et Thomas?
Je n'ai d'autre choix que de répondre oui.
- Les filles m'ont dit que tu avais eu beaucoup de peine...
Elles auraient pu au minimum garder ça pour elle. Je bouillonne un peu.
-En fait Camille. (roulant les yeux vers le ciel)
Sans surprise.
- Et toi ? Tu te sens comment face à elle ?
Je veux juste rediriger la discussion vers lui.
- Correcte. Je m'y attendais en fait, car Thomas en parlait souvent dans les vestiaires.
Je ne sais même pas quoi répondre à ça.
- En tout cas, si tu veux, on peut s'écrire plus tard ?
- Ouais! Pourquoi pas ?
Il sourit et il replace ses cheveux châtains d'un coup de tête vers l'arrière. Alexandre à lui aussi les cheveux un peu longs.
- Cool! À tantôt dans ce cas!
Je fais seulement un sourire et lui envoie la main.
Je range mes mains dans mes poches et marche vers le complexe sportif. Je les vois au travers de la porte, rires et avoir du fun. Je soupire et continue mon chemin.Tout le reste de la journée, je me sens sensible et à fleur de peau. J'ai le regard vide, les yeux rouges à force d'avoir pleuré et je suis plongée dans une solitude intérieure extrême. Je respecte le fait que j'ai besoin de temps pour assimiler la situation et peut-être que si je sens en avoir la force plus tard, j'irai rejoindre les autres.
J'aurais tant aimé que Tania soit à mes côtés en fin de semaine. Elle m'a consolée toute la journée. Nous avons respiré ensemble dehors. Nous avons parlé. Ça m'a permis de relâcher cette grosse pression énorme dans mon corps.
Dans mon cours de Science, je griffonne plus que je note. En fait, je pleure et mes pages sont mouillées de larmes incontrôlables.
À la fin du cours, William vient me voir.
Il ne m'a ni fait rire. Il ne m'a ni agacé. Il m'a pris dans ses bras sans dire un mot et je me suis effondrée.
C'est l'un des plus grands contacts masculins que j'ai reçu de toute ma vie. C'est comme si la douleur qui m'envahissait se dissimulait à petite dose. C'est comme s'il me comprenait. Comme s'il aspirait ma douleur à petit feu.
Il a collé son menton sur ma tête et il m'a incité à suivre sa respiration. Nous avons soufflé en symbiose.
Ses mains appuyées contre ma colonne vertébrale me font frissonner.
Ma tête sur son thorax m'a hypnotisé. Les battements de son cœur étaient forts. Très forts.
Il dépose ses paumes sur mes épaules, retirant mon corps collé au sien et me regarde droit dans les yeux.
- C'est juste une journée. Tu es belle, bonne et capable.
Il me fait un grand sourire et part.
Mes pieds cloués dans le plancher de la pièce. Pendant deux minutes, je le vois s'éloigner dans les corridors.
Qu'est-ce qui vient de se passer ?
Dès qu'il disparaît de mon champ de vision, la boule dans mon ventre revient, mais elle est à la fois engourdie d'un sentiment nouveau que je n'arrive pas à détecter.
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Jeunes longtemps
RomanceJEUNES LONGTEMPS "Coeur amoureux, tête mélangée, corps destabilisé" Ellie Adams est une jeune fille sensible, timide et plutôt introvertie qui vient tout juste d'aménager dans la grande ville de Montréal avec sa mère et son petit frère. Elle fît la...