Jeunes longtemps

Chapitre huit

Les semaines passent. Mes bobos se tolèrent, mais d'autres se créent. J'ai vidé toute l'eau salée de mon corps et je ne crois plus en avoir. J'ai cessé de manger. J'ai appris à tolérer cette douleur dans mon ventre qui me donnait des nausées et j'écoute de la musique à chaque occasion que je peux pour me changer les idées.

Chaque chose que je mange ressort immédiatement et j'ai envie d'arracher ce ventre défectueux. Au début, je faisais ce genre de crises aux mois, mais maintenant, je les affronte aux deux jours.

De plus, c'est à peine si je parle encore à Rose et Sophie. En fait, ELLES ne me parlent presque plus à cause de Camille. Comme si c'était moi qui avais fait quelque chose. Au final, c'est Camille qui a décidé de devenir méchante sans raison. Au début, elle a graduellement cessé de me parler et ensuite, elle riait de moi lorsqu'elle me croisait dans les corridors et maintenant, elle ne peut s'empêcher de m'insulter et de m'intimider à chaque occasion qu'elle a. Ce qui fait le plus mal dans tout cela, c'est que Thomas ne me défend même pas et qu'il ne me parle plus non plus. Je me sens tellement seul et trahi, car je ne comprends fondamentalement pas ce que j'ai fait.
J'ai envie d'être inexistante. Je regrette tellement d'avoir dépensé du temps à être leurs amis. Je suis constamment frustrée et triste.

Malgré tout, je me réjouis en me disant que d'ici une heure, ce sera ma dernière après-midi d'école pour les deux prochaines semaines. C'est les vacances du temps des fêtes et je suis certaine de les avoir bien méritées.

Lorsque la cloche sonne pour le dîner, je me retrouve seule. Tania est déjà partie, car sa mère est venue la chercher. J'ai faim, mais je n'ai aucune envie d'aller manger à la cafétéria. Je me convaincs moi-même d'aller m'installer dehors et prendre de l'air un peu. Il fait beau malgré cette neige blanche au sol.

Une fois sortie, les rayons du soleil me remplissent d'une chaleur intérieure rassurante. J'adore l'été et de voir ce soleil me rappelle que l'hiver ne durera pas éternellement. Je prends quelques minutes pour profiter de ce bon moment lorsque, du coin de l'œil, j'aperçois Camille qui me dévisage avec le reste de nos amis. Quelques-uns font comme elle, d'autres sont mal à l'aise et Joey et Will me font signe de la main.

Je leur adresse un sourire et passe devant eux pour m'asseoir sur un petit banc plus loin. Inconsciemment, une larme coule sur ma joue et je m'empresse de l'essuyer. Ne les laisse pas te voir souffrir, me dis-je. Je me sens seule. Je me sens comme si je n'étais rien. Je ne comprends tout simplement pas.

Même si je fais tout pour ne pas les regarder, Camille rit si fort. Selon moi, ce n'est pas si drôle que ça, elle cherche simplement mon attention. Sans m'en empêcher, je croise son regard. Elle se retourne vers Thomas et l'embrasse langoureusement devant moi. Sans retenue. Sans aucun respect. Connaissant Thomas, malgré qu'il ait dû apprécier le baiser intense de Camille, je sens son inconfort jusqu'ici. Une fois fini, il baisse ses yeux par terre pour regarder ses pieds.

Je reste immobile. Je n'ai plus faim et j'ai l'impression que je vais m'évanouir.

Je prends mes choses, me lève et marche pour aller vers l'école.

- On ne se sent pas bien ma belle Audrey? Dis Camille avec un sourire mesquin si fière de son commentaire dégradant.

Toute l'attention que je ne lui donnais pas la rendait visiblement folle, ce qui rendait ses commentaires de plus en plus blessants. De toute façon, elle avait ce qu'elle voulait: être le centre de l'attention.

Rendue à l'intérieur, je me dirige immédiatement aux toilettes et m'enferme dans l'une d'elles. Quel cauchemar ! Assise par terre, les mains posées sur mon visage, je travaille sur ma respiration. Je me force à manger au moins une collation et je mets mes écouteurs pour entendre autre chose que ses paroles jouant en boucle dans ma tête. Je souhaite simplement que le dîner passe lentement, car je ne suis pas prête à sortir d'ici...