𝑫𝑬𝑽𝑰𝑳'𝑺 𝑾𝑯𝑰𝑺𝑷𝑬𝑹. (JIKOOK)

quinzième acte ; petit lapin | pt2

En grandissant, les problèmes de Jimin ne s'étaient pas arrangés. Arrivé au lycée, il ne souvenait toujours pas de ce qu'il s'était passé la nuit de Halloween, mais cette soirée était encrée dans sa mémoire à jamais. D'ailleurs, le garçon qui s'était trouvé à ses côtés lors de son réveil ne s'était plus jamais montré, mais les voix dans sa tête, elles, continuaient de temps en temps. Jimin mettait ça sur le compte du stresse et de la fatigue. Néanmoins, il avait remarqué que lorsqu'il ressentait une grande rage ou une immense tristesse, ou même lorsqu'il se trouvait juste en état de choc, quelque chose faisait qu'il ne se souvenait pas de la suite des événements. Il se rappelait juste de ce fort sentiment de peur, de colère, d'incompréhension, puis tout était flou, embrouillé dans sa tête, comme s'il perdait conscience à chaque fois qu'il ressentait quelque chose que son corps ne pouvait pas supporter.

Au fil des années, il avait apprit à vivre avec tout ça, ces pertes de mémoires, ses difficultés à rester concentré, à comprendre certaines choses, à être vraiment présent. Il avait apprit à accepter cette impression étrange qu'il avait parfois de quitter son propre corps, de l'abandonner à quelqu'un d'autre, quelqu'un capable de mieux gérer les situations que lui, capable de le protéger de ses propres sentiments. Et au fil des années, rien n'avait vraiment changé.

Jimin pensait qu'au lycée, les gens allaient être matures et se mêleraient de leurs propres affaires au lieu de faire attention à lui. Mais il s'était trompé. De toute façon, il était habitué à ça : espérer, encore et encore, pour finalement être déçu, encore et encore.

Alors que Jimin marchait tranquillement dans le couloir principal de son lycée pour rejoindre son casier, il pouvait sentir les regards pesants sur lui. Il se sentait oppressé, chaque regard transperçait sa zone de confort, alors il serra les doigts autour des lanières de son sac à dos, il baissa la tête, pinça les lèvres, et accéléra le pas. Il avait l'impression que tout le monde, absolument tout le monde le fixait. Il entendait son nom courir sur les lèvres des autres lycéens, glisser de bouche en bouche, de rire en rire. On le pointait du doigt, de longues griffes acérées griffant son dos. On se moquait de lui avec des rires sombres teintés de rouge. Et alors qu'il attrapait ses affaires dans son casier, il pouvait sentir des bras entourer son corps, l'empêchant de respirer, faisant trembler ses jambes.

Il ravala ses larmes puis ferma d'un coup sec la porte de son casier avant de s'enfuir à grands pas en direction des toilettes. Heureusement pour lui, il n'y avait personne. D'un geste rapide, il laissa son sac s'échouer sur le sol dans un bruit qui résonna dans la grande pièce sale empestant l'urine. Il se jeta sur le lavabo le plus proche et laissa l'eau remplir le creux de ses mains pour s'asperger le visage, espérant se réveiller de ce cauchemar. Sa respiration rapide se calmait doucement, permettant à son cœur de reprendre un rythme à peu prêt régulier. Le visage trempé et quelques gouttes d'eau s'enfuyant de ses mèches sombres, il releva les yeux pour les poser sur le miroir rouillé en face de lui. Son reflet lui semblait si... étrange, inconnu. Dans ses yeux brillait une lueur effrayante, une lueur de noirceur, de mort. Ses lèvres rouges contrastaient avec son teint pâle, un rictus éclairait son visage. Il avait l'impression faire face à une toute autre personne, une autre version de lui, plus forte. Il s'observa attentivement, tournant le visage pour s'assurer que c'était bien lui dans le miroir, et non une hallucination. Ses doigts se posèrent délicatement sur la surface froide.

« Park Jimin, quelle surprise ! »

Son autre main serra d'elle même sur le lavabo et son rictus s'effaça, laissant place à une expression froide, impassible, comme s'il n'était plus vraiment là.

« Ne te laisse pas faire, cette fois-ci. Ou je vais encore devoir intervenir. Pas que ça me déplaise. »