Chapitre 3:3

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Torr restait de marbre devant l'ordre de Balian, était-il donc devenu fou ?
—Qu'est-ce que tu as fais !? L'orc était sans défense et Elena ne te faisait aucun mal !
Balian était revenu de l'armurerie avec deux bouts de cordes d'une épaisseur étonnante. Il jeta un regard à Torr en haussant les épaules.
—Pour Thruz tu n'as pas à t'inquiéter, il résiste à tout. Quant à Elena, sache qu'elle essaye de me tuer depuis plus de deux ans... je me demande d'ailleurs comment a-t-elle fait pour me retrouver...

Après que Thruz et Elena furent solidement ligotés, les mains dans le dos, Balian vit ses bras prendre une teinte spectrale et traina Thruz sur le sol sans aucune difficulté vers l'extérieur.
De son côté, Torr s'était assuré qu'Elena était toujours vivante, et il avait préféré suivre Balian la portant, galamment, sur son dos.
Ils firent le tour du couloir circulaire de l'arène orc jusqu'à trouver une brèche dans le mur et s'extirpèrent du corridor.
Ils gravirent les marches, Torr peinant sous le poids de l'humaine, puis ils arrivèrent dans le campement, où toujours aucun signe de vie n'avait été détecté. Balian s'arrêta pour laisser Torr souffler un instant. Il jeta un regard satisfait au camp.
—Parfait ! Je vois que les Démons ont fait un bon travail, il ne reste plus rien debout.
—Je croyais que tu détestais les Démons ? Rétorqua Torr, surpris.
—C'est exact, mais quand les orcs tuent des Démons ou inversement c'est toujours ça de gagné : ils le font beaucoup plus rapidement que moi !
Après cette courte pause, ils reprirent leur chemin, Torr ne savait pas où Balian voulait aller mais il le suivait sans broncher. Ils pénétrèrent dans la forêt, tandis que le soleil se couchait derrière les montagnes des Minesombre.
Après qu'ils eurent parcouru plus d'un mille dans la forêt, Balian se stoppa net. Il regardait les alentours et humait l'air tel un loup qui avait senti l'odeur d'une proie. Il se tourna vers Torr arborant une expression étrange.
—Le village de Kal-Join est loin d'ici ? demanda-t-il.
—À un quart d'heure de marche je dirais... pourquoi cette question ?

Balian ne prit même pas la peine de répondre, il lâcha Thruz et s'enfonça dans la forêt en courant. Torr hésita, se demandant si il devait le suivre ou non. Il finit par se décider, il posa Elena près de l'orc en priant pour que ni l'un ni l'autre ne se réveille, puis il parti en trottinant dans les taillis.
Balian avait fait tellement de dégâts dans les buissons que Torr pouvait suivre son chemin sans difficulté, en essayant encore de comprendre ce qu'il s'était passé dans la tête de Balian pour qu'il détale si vite comme un lapin.

Enfin, il sentit qu'il approchait de l'endroit où Balian s'était arrêté et il ralentit le pas. Mais une chose ne tournait pas rond et il savait maintenant pourquoi Balian l'avait laissé en plan : l'air de la forêt empestait le brulé.

Après une minute de marche dans la nuit et parmi l'odeur âcre qui saturait les taillis, Torr trouva enfin Balian, debout sur la colline adossé à un arbre, contemplant la vision d'horreur qui s'offrait à ses yeux. Dans la plaine, en bas, le petit village de Kal-Join était en proie aux flammes, partout des hommes couraient, ordonnant d'aller chercher de l'eau et même des armes. En entendant cela, Torr se demanda pourquoi des armes seraient-elles efficace contre le feu.

Mais c'est alors qu'il les vit, des dizaines courant dans les rues, éventrant au passage les malheureux qui passaient sur leur chemin : les Démons.

Balian avait sûrement remarqué la présence de Torr main il ne fit aucun geste. Il se contenta simplement de dire :
—Je m'étais trompé sur ce point, les Démons ne sont pas allés bien loin finalement.

Il avait perdu son air goguenard et affichait une mine sombre.
Torr fut pris d'un élan de compassion pour les habitants de Kal-Join.
—Mais enfin allons les aider ! Allons combattre les Démons avec eux !

Balian secoua la tête en signe de dénégation.

—Il n'y a rien à faire, ils sont bien plus fort que moi, et il ne feront qu'une bouchée d'un nain, dans tous les sens du terme. Je peux facilement combattre trois orcs en même temps et les tuer main je ne peux affronter plus d'un Démon à la fois et c'est à peine si je peux lui trancher un bras...

Ils restèrent donc là, impuissant, jusqu'à ce que toutes les maisons fussent détruites et que tous les habitants fussent tués. Ce qui ne pris qu'une heure. Ce faisant les Démons repartirent droit devant eux et disparurent dans les hautes herbes de la plaine.

Après ce bien triste spectacle, tout deux retournèrent à l'endroit où ils avaient laissés Thruz et Elena qui, par chance, ne s'étaient toujours pas réveillés.
Ils décidèrent de passer la nuit ici et ils firent un feu. Torr, armé de son fusil, tenta d'aller chasser deux ou trois lapins pour qu'ils puissent manger. Mais en réalité c'était un prétexte pour repenser à la journée qu'ils venait de passer. Balian se faire emporter par des orcs, la rencontre avec Elena, le ravage du campement orc, le Thruz et Elena fait prisonniers, la marche dans la forêt et les Démons réapparaissant à Kal-Join, jamais il n'avait vécu autant de choses en un laps de temps aussi court.
Il parvint enfin à dégotter un couple de lièvres qu'il abattit sur le champ. Il ramena ses proies à Balian qui les écorcha et les fixa sur une broche afin de les faire cuire. Balian n'avait pas dit un mot depuis qu'ils étaient parti de la colline mais il brisa enfin la glace.
—Je devrais peut-être respecter les volontés de l'orc finalement...

Torr parut interloqué.

—De quelles volontés parles-tu et puis de toute façon à quoi bon puisqu'il n'est même pas mort ?

—L'orc...enfin... Thruz voulait que je le venge des Démons, je devrais peut-être le faire...

Torr réfléchit longuement, une cuisse de lapin dans la bouche, puis déclara enfin :

—Il est vrai que pour une seule journée, les Démons ont causés beaucoup, voir énormément de dégâts mais ils font cela depuis que le Démoniste les a créé alors je ne comprend pas pourquoi tu veux venger Thruz maintenant.

Balian secoua la tête.

—Ils n'ont pas fait beaucoup de dégâts, mais à l'instant ils en ont fait trop ! Rappelles-toi bien aussi qu'ils ne sont jamais descendus aussi bas dans les TerraMania. Et aujourd'hui je veux mettre un terme à cette menace. Les hommes, les nains et mêmes les orcs ont créés des milices pour les arrêter au fil des années mais cela n'a servi strictement à rien et je veux, moi, les détruire une bonne fois pour toutes !

"Idée stupide" pensa Torr. Balian avait parcouru toutes les TerraMania certes. Mais il n'avait jamais eu à faire aux Démons qui, d'après les récits, étaient redoutables. Pire que les antiques géants de pierre, que les légendaires dragons. Néanmoins il comprenait ce que ressentait Balian en ce moment.

—Mais en serais-tu seulement capable Balian ? Même tes pouvoirs ne pourraient pas te permettre de les vaincre et de plus, les Démons sont presque partout sur les TerraMania, il te faudrait parcourir plus d'une centaine de fois ce que tu as jamais parcouru pour tous les éliminer et cela pourrait te prendre des vies entières !

—Marcher ça ne me dérange pas, des vies je les aies, en revanche tu as raison, même le Spectre qui me possède ne pourrait me donner un pouvoir suffisant pour tous les vaincre...

À cet instant précis, une voix rauque retentit près du feu.

—C'est la seule bonne idée que tu aies jamais eu Spectre.

TerraMania : T1 :AubeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant