august miller.

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AUGUST MILLER
ou chapitre vingt-quatre.

passez un bon réveillon de Noël !
ce chapitre est le dernier, et je publierai l'épilogue demain ~

June cligne des yeux sans trop comprendre ce que son amie – ancienne amie – veut dire. Comment ça, « d'August » ? Il est mort sous ses yeux. Et cela ne peut pas avoir été une mise en scène. Dans ce cas…

Son regard se pose sur le carton qu'Éléanor tient dans ses mains, sur lequel est inscrit au marqueur un mot qu'elle ne déchiffre pas bien, l’obscurité autour d'elles étant trop marquée. Elle attire la jeune fille dans son entrée, où une petite veilleuse illumine les alentours dans un minuscule périmètre.

Les deux jeunes filles se dévisagent en silence quelques instants, puis Éléanor reprend la parole :

« Mon oncle est chargé de superviser la vente des objets personnels d'August. »

June a presque oublié que lorsqu'un marqué est assassiné, la coutume veut que les croque-morts emportent les affaires du défunt et choisissent entre les vendre ou les donner à des associations.

Elle regarde le carton, et le mot inscrit dessus, puis écarquille ses yeux qui se remplissent doucement de larmes. Dessins. C'est ce qui est inscrit.

« J'ai subtilisé ça. Personne ne le remarquera, et de toute façon, c'est trop précieux pour être vendu je pense. » Elle tend son chargement à son interlocutrice qui le saisit, et chancèle, surprise par le poids. « Il n'y a que des carnets, précise Éléanor avec un petit sourire. August dessinait tout le temps a priori. »

June ne le sait que trop bien. Elle pose le carton par terre, et prend un carnet au hasard, avant de le feuilleter. Il y a tellement de dessins, avec des techniques différentes, des exercices d'expressions et de positions. Ils sont tous superbes, songe-t-elle douloureusement.

« J'ai pensé que tu voudrais les voir. » termine Éléanor. June finir par reposer le carnet et par lever vers elle un regard d'incompréhension.
« Pourquoi ? » Elle ne comprend pas ce geste de la part d'Éléanor, qui devrait pourtant être la première satisfaite de ce déroulement, elle qui n'a pas souhaité s'engager dans le sauvetage d'August.
« Je ne peux pas imaginer ce que tu ressens. Et je ne sais pas si cela t'aidera mais je pense que ces dessins sont mieux entre tes mains que dans un carton poussiéreux. »

D'une certaine façon, le geste touche June. Elle sait qu'Éléanor ne comprend probablement pas ce qui a poussé June à protéger August comme elle l'a fait, mais elle essaye à sa façon d'apporter du réconfort â son amie. Même si les choses sont probablement irréparables entre elles, ce sont de petits détails comme ceux-ci qui font que June regrette l'amitié d'Éléanor.

« Merci. » finit-elle par murmurer. L'autre hoche la tête doucement et accepte ses remerciements.
« Bonnes fêtes de fin d'année June. » chuchote-t-elle avant de partir, laissant la jeune fille seule sur son palier, une multitude de questions dans l'esprit.

Elle remonte silencieusement dans sa chambre, et s'allonge sur son lit, avant de commencer à ouvrir les carnets d’August pour les détailler. Il y en a une bonne dizaine, tous noircis de A à Z, et elle sait qu'elle en a pour des heures à tout regarder. Elle ne dormira probablement pas de la nuit, mais peu lui importe. Elle sent qu'elle a besoin de les regarder tous, ces dessins, ces dernières traces d'August sur Terre. Même si cela ne sera pas aisé, et sûrement très douloureux.

Elle ouvre un premier carnet, celui qu'elle a attrapé tout à l'heure. Les dessins semblent plutôt récents, et elle suppose qu'ils ne datent que de quelques mois. Son intuition se confirme lorsqu'elle découvre des paysages visibles depuis le toit de leur lycée, et des esquisses de professeurs probablement effectuées pendant les cours. 

Ils sont majoritaire d'un style très réaliste, mais June en repère certains qui semblent être des essais dans différents styles. Elle trouve de tout, des styles les plus contemporains comme le manga aux mouvements artistiques comme le cubisme. August semblait plus en apprécier certains que d'autres, car ils sont plus représentés et travaillés.

Certains dessins touchent particulièrement la jeune fille, comme des esquisses de son frère et lui plus jeunes, probablement réalisés en l'absence du plus âgé. Elle découvre aussi toute la famille du garcon au fur et à mesure des carnets, des gens qu'elle n'a jamais vu et ne verra sûrement jamais mais qu'elle finit par bien connaître. 

Après une série de portraits de famille, June fait une pause dans sa lecture un peu particulière et s'allonge sur son lit, son regard fixé au plafond. Elle ne sait toujours pas si elle va aller à l'enterrement d'August. Elle ne s'en sent pas la force, honnêtement, mais elle a envie de lui faire des adieux propres. 

Elle soupire avant de prendre un autre carnet. Celui-là est rempli de dessins faits aux pastels. Les traits semblent particulièrement doux dans ce style, et elle constate avec surprise qu'elle figure parmi les portraits, entre deux dessins du club de natation. 

Elle continue pendant de longues heures encore, à passer toutes les pages en revue, et regarder tous les dessins qui y figurent. Elle peut presque retracer son évolution en dessin, de ses premiers bonhommes bâtons à ses superbes portraits réalistes. 

Lorsqu'elle achève de tous les observer, la nuit est très largement entamée, le carton est vidé de ses carnets qui traînent sur le lit défait, et la jeune fille ne sent aucune différence entre son état avant et après. Elle est toujours aussi triste, toujours aussi vide. 

Elle se laisse de nouveau tomber sur son lit, et soupire en se pinçant l'arête du nez. Elle ne sait pas quoi faire. Elle se sent perdue, son cœur est trop meurtri et son esprit trop épuisé par toutes ses larmes et sa tristesse. June ne veut pas arrêter de vivre, mais la douleur est encore grande. 

Alors qu'elle pousse le carton dans un coin de la pièce, son pied heurte quelque chose au fond du carton. Elle se penche pour ramasser l'objet qu'elle a heurté, et découvre avec surprise un bout de bois qui s'est mystérieusement retrouvé tout au fond du carton.

Il est assez gros, et semble de bonne qualité, observe-t-elle avec son œil de sculpteuse de bois. Elle le fait tourner doucement entre ses doigts, avant de prendre sa décision. 

Elle ferme bien sa porte, s'installe à son atelier de sculpture et pose le bout de bois dessus. Il est un peu petit par rapport à ceux qu'elle utilise d'habitude, mais elle se sent capable d'en faire quelque chose. Elle espère juste du fond du cœur ne pas rater...

Pendant le reste de la nuit, sans vraiment prêter attention au bruit qu'elle fait et qui réveille sa famille, elle travaille. Lorsque le soleil se lève tardivement, elle a des cernes sous les yeux mais son œuvre est terminé.e 

Sur le plan de travail est désormais posé un petit bonhomme aux cheveux en bataille. Il n'est pas très ressemblant, mais elle compte malgré tout l'offrir au frère d'August.

En souvenir.

sous les pétales dorésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant