les premiers flocons de neige.

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LES PREMIERS FLOCONS DE NEIGE
ou chapitre quatre.

big up aux deux superbes personnes de mon entourage qui célèbrent leur anniversaire aujourd'hui, vous êtes les rayons de soleil du mois de décembre ♡

Lorsque June remonte dans sa chambre un peu plus tard, après avoir dîné avec sa famille qui n'a cessé d'essayer de la distraire et de lui faire oublier la mort de Calliope, elle est toujours aussi confuse. Ses idéaux et sa raison entrent en collision, sans lui permettre d'y voir plus clair. Elle oscille sans cesse entre laisser August se débrouiller seul – et donc l'abandonner à une mort certaine car les croque-morts finiraient inévitablement par le rattraper – ou lui venir en aide – et se mettre en danger, ainsi que sa famille.

Juste avant d'entrer dans la pièce, elle hésite un instant avant de l'ouvrir doucement. Elle repère tout de suite son invité clandestin, qui n'a pas l'air d'avoir bougé d'un pouce depuis qu'elle est partie. Il a cependant un livre dans les mains, il a donc bien dû se déplacer pour le prendre. Il a l'air perdu dans ses pensées, et ne la remarque pas jusqu'à ce que qu'elle s'approche de lui.

Ses yeux s'arrondissent de surprise lorsqu'ils se posent sur le livre qu'August tient dans ses mains, qui n'est en fait pas un livre mais un carnet qu'il a dû amener avec lui. Les pages sont couvertes de dessins tous plus beaux les uns que les autres, des dessins qui semblent représenter le quotidien du lycéen : des visages, des lieux, des objets.

« C'est superbe, ne peut-elle s'empêcher de souffler.

– Tu dois être la première personne extérieure à ma famille à les voir. » June en est flattée, il suffit de voir la façon qu'a August de regarder ses dessins pour comprendre que ce ne sont pas que des gribouillis pour lui, mais bien quelque chose de plus important. « Je voulais aller aux Beaux-Arts, ajoute-t-il d'un ton triste. C'était mon rêve, et celui de ma famille. Mais maintenant... »

Son air désemparé et le tremblement de ses mains ravivent en June tous ses sentiments contradictoires. En le voyant ainsi, elle ne parvient même pas à s'imaginer le laisser mourir. Mais n'est-ce pas un combat perdu d'avance ? Une fois que les croque-morts seront sur la piste du jeune homme, leur échapper sera une tâche plus qu'ardue, et se soldera probablement par un échec. Personne n'a jamais survécu plus de quatre jours après avoir reçu sa marque.

« J'ai entendu le téléphone sonner tout à l'heure, reprend le rouquin. Je sais que ce ne sont pas mes affaires mais...

– Ce n'était pas pour toi, le rassure immédiatement June. C'était Erin. Mon amie aux cheveux décolorés. »

Le regard d'August n'exprime que perplexité, il ne voit visiblement pas de qui il s'agit mais n'insiste pas. La lycéenne hésite un instant à lui expliquer les raisons de cet appel, mais elle songe que cela ne ferait que jeter un froid. August doit déjà suffisamment angoisser sur ce qui va se passer pour lui maintenant, elle n'a pas besoin d'en rajouter en lui racontant qu'une de leur camarade est morte pour les mêmes raisons que celles pour lesquelles il est obligé de fuir sa maison.

« Je t'ai apporté à manger. » déclare soudainement June pour changer de sujet. Elle tire de sous son pull plusieurs paquets de biscuits qu'elle a dérobés discrètement dans son placard. « Ce n'est pas grand-chose, s'excuse-t-elle, je t'apporterai quelque chose de plus consistant demain matin. » Elle sera la dernière à partir de la maison demain, elle pourra donc en profiter.

« C'est déjà beaucoup, merci. » s'exclame le jeune homme avec gratitude.

Il s'empare des boîtes et les ouvre rapidement ; il semble affamé, et June ne peut s'empêcher de sourire devant son enthousiasme débordant pour juste quelques biscuits. Il en avale quelques uns avant de déclarer d'un ton plus sérieux :

« Je me sens mal d'abuser à ce point de ta gentillesse. Tu m'offres un endroit où rester, tu me caches et tu prends des risques, tu me donnes à manger... Je n'ai rien à t'offrir en retour, à part un danger constant.

– Je te l'ai dit. Pour moi, tuer quelqu'un juste parce qu'une fleur est apparue sur lui, ce n'est pas juste. » Elle dit ça, pourtant quelques instants plus tôt, elle avait les mêmes inquiétudes. Elle ne gagne rien à protéger August, si ce n'est être en paix avec sa conscience.

« Quand même... Je ne vais pas rester, lâche-t-il brusquement.

– Quoi ?

– Je ne veux pas te faire prendre des risques inutiles. Je vais me débrouiller seul.

– Tu ne tiendras pas longtemps ! proteste June, avec un pincement au cœur causé par la cruauté de ses mots. Dès que les gens verront que tu as une marque, ils appelleront les croque-morts. Et alors tu... »

Mourras. Le non-dit flotte un instant dans la pièce. Intérieurement, June nage en pleine confusion. August vient de lui proposer une solution qui ne la met pas en danger, pourtant elle ne se voit pas le laisser partir ainsi. Sa propre contradiction l'agace, pourquoi est-elle incapable de prendre une décision et de s'y tenir ? Dès que son esprit penche vers une solution, tous les mauvais côtés lui reviennent instantanément en tête.

« Tu es adorable June, vraiment, lâche August, mais... » Sa phrase est coupée par le cri d'excitation d'Ophélie, qui provient du rez-de-chaussée.

« IL NEIGE ! » hurle la collégienne d'une voix haut perchée.

Les regards d'August et June se déportent immédiatement vers la fenêtre de sa chambre. De gros flocons sont en effet en train de tomber, et recouvrent doucement les trottoirs, les arbres, les jardins. Ils s'approchent tous deux de la fenêtre pour admirer le phénomène, et June remarque alors que les grands yeux d'August brillent d'excitation eux aussi.

« C'est bientôt Noël ! » s'exclame-t-il. La lycéenne jette un regard perplexe à la date figurant sur son calendrier mural – le 22 novembre. C'est dans un mois, certes, mais bon... August surprend son regard sceptique et explique :

« Avec mon grand frère, on dit toujours ça quand il y a de la neige. Même si c'est vrai ou non. On adore Noël. » ajoute-t-il avec un rire un peu gêné. Il s'arrête un instant, avant de reprendre, sur un ton plus triste : « Il vit en Chine maintenant. Depuis deux ans. Il doit venir pour le réveillon et... » Sa voix se brise. « J'avais hâte de le revoir. »

Ses yeux brillent de nouveau, cette fois de tristesse et de larmes. June pose une main qui se veut réconfortante sur son épaule, et sent de nouveau un sentiment de révolte face à l'injustice des chrysanthèmes la gagner. August ne mérite pas de mourir. Il doit aller aux Beaux-Arts. Il doit revoir son frère.

Alors, elle prend sa décision. D'une voix ferme, elle murmure :

« Tu le reverras. Je te le promets. » Devant la mine ahurie d'August, elle ajoute avec toujours plus de détermination : « Je ne te laisserais pas mourir avant Noël. Et comme ça, tu reverras ton frère. »

sous les pétales dorésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant