les frères miller.

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LES FRÈRES MILLER
ou chapitre vingt.

le repas de Noël de mon lycée était hier, mais je ne me remets toujours pas du fait qu'ils ont entièrement décoré la cantine avec des guirlandes lumineuses et un sapin, et qu'ils ont proposé à des anciens élèves de jouer de la musique pendant les trois heures de repas banalisées.
(quand je pense que l'année dernière, y avait deux guirlandes et de l'huile aux patates...)

Ensuite, les événements s'enchaînent. Alors que les statistiques de l'article explosent, son sujet s'ébruite, et il est bientôt sur toutes les lèvres. Les petites chaînes d'information, puis les plus grandes font des reportages dessus dans un premier temps – pour meubler l'actualité certes mais toujours des reportages quand même.

Milo, Adriel et Erin continuent d'aller au lycée, et là-bas tout le monde en parle. June payerait cher pour voir Ulysse et se moquer de lui et de ce qu'il a fait à August, mais c'est trop tôt pour le moment. Le gouvernement et les croque-morts font rapidement de leur mieux pour étouffer l'affaire au niveau médiatique, mais elle se répand malgré tout sur Internet.

June et ses amis ont appréhendé la réaction de l'opinion publique, mais elle leur manifeste finalement son soutien, en grande partie. Étrangement, les médias ne font que des reportages pour rappeler l'importance des lois Victor, et n'interviewent que de fervents défenseurs de celles-ci. Les hommes et femmes politiques parlent aussi en public, tous pour rappeler l'importance de respecter ces décisions.

Mais ils ne font qu'inciter de plus en plus de personnes à partager l'article et la vidéo, et afficher leur soutien. En deux jours, près de cinq mille personnes soutiennent August. En une semaine, des manifestations et blocages s'organisent, et June en croit à peine ses yeux.

Les exécutions de marqués ont toujours été courantes, et rythment chaque jour de la vie des Français. Pourtant, aujourd'hui, ils sont si nombreux à s'élever contre elles. La jeune fille a même du mal à comprendre pourquoi ce changement, mais plusieurs lectures des commentaires parviennent à l'aider à cerner les raisons de tous.

J'ai vu ma grand-mère se faire poignarder par son facteur. Les lois sont injustes, il faut les abolir !

Vous me donnez espoir qu'on peut changer les choses.

Grâce à vous, je trouve la force de me lever chaque jour depuis la mort de mon conjoint, pour voir ce que vous avez enclenché.

Ce ne sont que des mots volontairement flatteurs, mais ils les aident à tenir le coup, malgré les rondes des croque-morts qui s'intensifient dans la ville, malgré le fait qu'ils gèlent le soir dans leurs chambres, malgré la peur de se trouver face à des hommes en noir un matin en se réveillant.

Bien évidemment, il y a aussi ceux qui critiquent vivement. June lit aussi leurs protestations, leurs critiques vives et cruelles de ce qu'ils demandent.

On a besoin des lois Victor pour réguler la population mondiale.

Vous ne comprenez rien. C'est cruel certes, mais on ne peut pas faire autrement.

Arrêtez de vous croire supérieurs aux adultes et retournez au lycée pour essayer de comprendre que ce qui a été mis en place est juste.

La solution viable qu'ils vont devoir proposer en remplacement des lois Victor devient une urgence, songe June en lisant ces mots. Malheureusement, ils n'ont que des ébauches irréalistes, et rien de concret. Certains de leurs soutiens anonymes donnent des idées, plus ou moins vraisemblables, sur des forums ou dans les commentaires de leurs publications. Mais rien ne transcende pour le moment, à leur grand désespoir.

August est de loin le plus stressé par toute cette agitation autour de sa personne. Leur isolement dans le manoir Girard les contraint à se déconnecter d'Internet lorsqu'Adriel, Milo et Erin sont absents. Ils viennent une fois par jour, inventant diverses excuses et chemins pour éviter d'être repérés par les croque-morts. Ils varient aussi les horaires et évitent d'être trop répétitifs - on dirait des agents du FBI, plaisante Milo, qui se souvient un peu trop des séries policières qu'il regarde avec son père.

June, pour sa part, trouve presque cette absence d'incident louche. Peut-être s'est-elle juste trop habituée à ce que la situation aille de mal en pis. Pourtant, elle n'est pas tranquille. Elle a le sentiment que tout va déraper vite, trop vite. La situation tourne doucement à leur avantage. Et l'ultimatum symbolique qu'elle s'est fixé se rapproche.

Ils sont le quatorze décembre lorsqu'Erin arrive avec une nouvelle qui ne fait que les stresser davantage : il y a du mouvement du côté de chez August. Les croque-morts restent aux alentours, et ce comportement les surprend.

« Ils s'imaginent qu'August va tranquillement rentrer chez lui pour les fêtes ? interroge Ophélie, dubitative.

– Je ne sais pas trop, répond Erin. C'est très étrange...

– C'est peut-être à cause de Ian. » souffle le principal concerné en jouant avec une mèche de cheveux secs et en bataille. Ils ont réduit leurs passages à la salle de bain au strict minimum permis par les réserves d'eau apportées par leurs amis.

« Ian ? répète la plus jeune en le dévisageant.

– Mon grand frère, précise le rouquin. Il doit revenir de Chine pour les fêtes, je ne sais pas quand il a prévu son retour exactement.

– Dans ce cas, ils pensent peut-être que tu comptes essayer de le voir... » comprend Erin.

August et June échangent un regard inquiet. C'est effectivement leur idée... Mais contacter l'aîné Miller risque de ne pas être une mince affaire, s'il est surveillé par les agents du gouvernement. Erin continue de les inquiéter :

« Et je pense qu'ils nous soupçonnent, Milo, Adriel et moi. On essaye de faire comme si de rien n'était, mais ils doivent bien se douter que vous ne vous en sortez pas seuls.

– Il faut que vous soyez prudents, s'alarme June. Sinon vous allez courir un grave danger à cause de nous...

– T'inquiète pas pour nous. Tu es dans une situation pire. » lui fait observer son amie.

Certes... mais s'il y a bien une chose que June refuse, autre que l'assassinat d'August, c'est que ses amis voient leur vie impactée également par ses décisions à elle. C'est pour cela qu'elle ne voulait pas leur en parler, et qu'elle regrette parfois qu'ils l'aident ainsi.

« Je dois voir mon frère, finit par souffler August, à la stupéfaction des deux filles qui ignoraient ce fait.

– C'est trop dangereux, objecte Ophélie. Tu vas te faire prendre.

– Je veux lui parler, insiste le jeune homme. Je préfère mourir en l'ayant revu que survivre sans jamais le revoir. » Il baisse ensuite les yeux.

« Je sais que c'est égoïste de ma part car vous essayez à tout prix de me sauver. Mais j'ai besoin de lui reparler, de lui dire quelque chose. »

Les trois jeunes filles échangent des regards inquiets, puis June appuie d'une voix hésitante la demande de son camarade :

« C'est vraiment important, il faut qu'on essaye.

– Mais comment faire ? fait remarquer sa sœur. Il doit être hyper surveillé, on ne pourra jamais trouver un endroit où lui parler tranquillement.

– Pas besoin, commente une voix masculine inconnue derrière elle. Je suis déjà là. »

sous les pétales dorésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant