VIII

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- Et voilà, deux embuscades ! Dit Guillaume en posant maladroitement les pintes sur la table du bar éponyme où il se trouve avec Claude.

- Merci ma poule ! Tu vas voir, on ne peut se dire caennais qu'après une cuite à l'embu ! C'est ton baptême ce soir !

Guillaume le regarde en riant avant de tremper ses lèvres dans le verre débordant de mousse tout en s'asseyant. C'est la deuxième tournée de la soirée et déjà, il sent les effets dévastateur du cocktail normand qui porte très bien son nom. Fruité, ambrée, sucrée elle vous frappe le crâne au moment où vous ne vous y attendez le moins.

- Putain ! Alors y a pas ça à Cergy j'imagine mon pote !

- Nan, c'est clair... Ça fait du bien de sortir un peu... Ca m'était pas arrivé depuis super longtemps.

- T'es pas sorti depuis que t'es arrivé ici ?

Claude le regarde, un peu choqué puis boit une gorgée généreuse d'Embuscade. Guillaume rit doucement devant son air ahuri et se sent obligé de se justifier.

- Nan mais... J'ai pas trop réussi à rencontrer du monde alors, c'est... j'sais pas...

- Bah putain mec, je vais te faire sortir moi, t'en fais pas. On va te trouver un beau p'tit cul à ramener chez toi, parce que c'est clair qu'au taff, c'est un peu mort.

Guillaume avale une poignée de çacahuète tout en écoutant d'une oreille distraite le programme que Claude à prévu pour le faire sortir plus. Franchement, son arrivée au cabinet pour remplacer Martine qui partait à la retraite était vraiment bienvenu. Ils s'étaient tout de suite entendu comme larrons en foire et le plus vieux avait embarqué le fraîchement caennais dans ses aventures nocturnes.

*

Une autre pinte plus tard...

- Et lui, t'en penses quoi ? Dit Claude en désignant un beau blond qui buvait un verre de blanc en terrasse avec ses potes.

- Ouais, ouais pas mal mais... ouais...

- Putain mais t'es ultra difficile ! J'suis sûr il est dep en plus, il sent l'poppers jusqu'à là mon pote !

- Non, mais c'est pas ça...

- C'est quoi alors ?

Ne sachant que faire d'autre que dire la vérité à Claude, Guillaume soupira et se redressa devant son ami qui scrutait le moindre de ses faits et gestes de ses yeux pétillants.

- Y a quelqu'un, un mec... Mais...

- Mais..?

Intéressé, Claude ouvre grand les yeux en attendant d'en savoir plus. Guillaume esquisse un petit sourire doublé d'un rire fort charmant et se décide une fois de plus à se livrer, lui qui d'ordinaire garde ses sentiments pour lui.

- Mais, mais, mais c'est un de mes patients voilà, y a rien à dire de plus...! lâcha t-il, agacé d'être tombé amoureux de la personne qu'il ne fallait pas.

- Ah ouais... Y aurait moyen, sinon ?

- Je pensais au départ puis... il s'est trouvé quelqu'un, un connard qui je suis sûr le rend même pas heureux ça me saoule putain !

- Ah ah t'es amoureux toi non ?

- Pire, j'pense qu'à lui, j'pense qu'à son sourire, son rire, sa mèche blanche qui me fait craquer et surtout... il me donne envie de le protéger, j'ai juste envie de l'prendre dans mes bras et de l'aimer si fort qu'il aura plus peur de rien, putain j'suis qu'un putain de fragile, putain...

Guillaume s'apprête à reprendre une gorgée de sa boisson mais Claude la lui substitue.

- Eh mec, t'as assez bu pour ce soir, j'crois... Tu parles d'Adrien ? Le p'tit brun qui ressemble à un chaton abandonné sur le bord de la route ?

- Il s'appelle Aurélien et... Oui, c'est lui, pourquoi ? Tu l'connais ?

- Je l'ai aperçu une fois ou deux, et j'crois que les autres en parlaient au coin fumeur... Ils ont pas l'air de l'apprécier.

- Les autres c'est des cons, c'est tout. Aurélien est adorable, il est intelligent, cultivé, un cul à tomber parterre...

- Et ultra hypocondriaque aussi...

- C'est pas une raison pour ne pas tomber amoureux d'lui, c'est pas parce qu'il est comme ça qu'il mérite pas qu'on prenne soin de lui au contraire et ça me tue que personne veuille voir à quel point il... oh... Salut Aurélien...

- Bonsoir, Guillaume, désolé je voulais pas déranger...

Les yeux de Claude se posèrent sur le jeune brun qui se tenait devant eux, une pinte de bière dans une main et un mojito dans l'autre. Un petit sourire éclaire son visage aussi enfantin qu'adorable. Heureusement qu'avec le bruit ambiant, il n'ait rien entendu de leur conversation. L'ironie de la situation amuse beaucoup Claude qui se cache derrière sa pinte presque vide. Guillaume se lève maladroitement, un peu -beaucoup- sous l'emprise des quelques verres qu'il a maintenant dans le sang et c'est les joues un peu rouges qu'il le prend dans ses bras pour lui dire bonjour.

- Vous dérangez jamais Aurélien, vous l'savez, hein, vous l'savez ? Venez vous assoir avec nous, hein, Claude, ça te gène pas ?

- Non, pas du tout !

Au contraire, Claude est ravi d'en savoir plus sur le jeune homme qui fait battre le coeur de son récent ami. Bien que cette douce accolade soit terminée, Guillaume ne retire pas sa main de la taille d'Aurélien, ce qui ne semble vraiment pas le déranger... Il est toujours presque collé au corps de son médecin, un petit sourire timide aux lèvres.

- J'aurais adoré mais... Julien m'attend... Alors...

- Oh... Vous êtes vraiment obligé de le rejoindre, il est tellement sinistre, vous trouvez pas ?

A ce mots, Claude juge qu'il est temps pour Guillaume de rentrer chez lui, visiblement, il n'y a que les caennais pure souche qui puissent supporter trois pintes d'embuscade. Il est le dernier à se lever et pose ses grandes mains sur les épaules d'un Guillaume souriant bêtement à son crush. Il offre à Aurélien un petit sourire amical et prend la parole :

- Bon, Guillaume, j'te ramène ? Allé, viens ma poule...

Guillaume et Aurélien ne semblent pas pouvoir se quitter des yeux, bordel de merde ils s'aiment c'est évident !! Et pourtant c'est au bras de Julien que ce dernier va repartir, au grand damn du jeune médecin. Alors avant de s'en, le plus vieux l'attire dans ses bras, dans un dernier câlin. Aurélien se laisse faire, il voudrait même passer la soirée blottit tout contre Guillaume mais il ne peut pas, il est promis à d'autres projets. Pourtant, la main de son médecin au niveau de ses reins, juste au dessus de ses fesses ne le laisse pas indifférent. Surtout que cette dernière le tient fermement, rapprochant inconsciemment leurs deux entre-jambes. Ses joues se mettent à chauffer et son coeur palpite bien trop vite. Ce changement soudain d'état le panique un peu, mais ouf, il n'a pas mal à son bras droit. Relax, Orel, tu fais pas une crise cardiaque, tu bandes c'est tout !

- Vous sentez si bon, vous sentez les fleurs... j'adore... murmure Guillaume à l'oreille du jeune homme qui à enfoui son visage dans son cou.

- Julien m'attend, Guillaume...

Le coeur du médecin se serre à l'entente de ces mots et c'est à regret qu'il se détache du plus jeune qui replace une mèche derrière son oreille. Mais ses yeux profonds le trahissent, la façon dont il regarde Guillaume ne trompe pas, c'est avec lui qu'il veut passer la soirée, pas Julien. Mais ça, le grand brun ne le voit même pas, tant son esprit critique est embué par l'alcool. Un dernier regard échangé puis il observe l'homme qu'il aime malgré lui rejoindre son c.... de petit-ami. En tout cas, Claude remarque à quel point le sourire d'Aurélien est tellement plus sincère lorsqu'il est pour Guillaume que pour Julien...

Cure my heart - TERMINEEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant