Chapitre 2.

1K 64 26
                                    

[Rue ; quelque part dans le Colorado ; fin d'après-midi]

Temps écoulé depuis le début de l'épidémie : 3 mois et 9 jours.


Sasha se cogna la tête contre le bitume et grimaça à la douleur qui irradia dans son crâne. Dans un reflex qu'elle avait acquis au cours des derniers mois, elle avait levé les mains pour retenir le poids qui lui était tombé dessus. Celui-ci remuait dans tous les sens et rendait difficile de le maintenir loin d'elle. Repoussant la douleur en second plan dans son esprit, la jeune femme ouvrit ses yeux qu'elle ne savait pas avoir fermé et se retrouva nez-à-nez avec le visage défiguré d'un infecté. Son cœur, dont les battements ne s'étaient pas calmés, accéléra encore plus alors qu'elle essayait d'amener un de ses avant-bras au niveau de la gorge du mort pour retenir sa mâchoire claquante loin d'elle. Ses oreilles étaient remplies des grognements au-dessus d'elle et des cognements contre la vitre provenant de la voiture.

L'adrénaline sembla se diffuser dans son sang alors qu'elle réussit à maintenir un bras sous la gorge de l'infecté et à replier tant bien que mal ses jambes pour les pousser contre la taille. Elle arriva à la repousser assez loin d'elle pour tordre le haut de son corps sur le côté, tendre son bras libre et attraper le couteau qui était tombé plus loin sur le sol. Sans attendre, elle enroula ses doigts autour du manche et, dans un même mouvement, ramena son corps droit et planta la lame dans le crâne de son adversaire. Le corps devient mou. Sasha le laissa tomber à côté d'elle et prit un instant pour inspirer et commander à ses muscles épuisés de bouger. Il ne fallait pas qu'elle reste ici.

Elle se releva difficilement et récupéra son couteau qui se délogea avec un bruit écœurant. Alors que l'adrénaline repart aussi vite qu'elle était arrivée, la douleur dans son crâne réapparut et battit en même temps que son cœur paniqué. La nuit était presque là, elle n'avait pas le temps de vider une maison surtout avec sa fatigué et sa souffrance. Elle se décida à aller passer la nuit dans une des voitures qu'elle avait préalablement essayé de démarrer. Elle se traina vers la plus proche et s'engouffra sur la banquette arrière. Dès qu'elle y fut enfermée, Sasha posa son sac au sol, rangea son couteau et amena une main à l'arrière de sa tête. Elle sentit ses doigts devenir humide d'un liquide épais et poisseux.

‒ Merde, marmonna-t-elle en ramenant ses doigts devant ses yeux pour vérifier qu'il s'agissait de sang.

N'ayant aucune connaissance médicale, Sasha ne savait pas si c'était grave ou si des points étaient nécessaires. Elle supposa avoir une commotion cérébrale mais n'avait rien pour le vérifier. Quant à se soigner, tout ce qu'elle avait dans son sac était un pauvre désinfectant en spray qu'elle sortit et des compresses stériles. Elle releva ses cheveux dans une queue de cheval haute, grimaçant quand cela tira sur son cuir chevelu et sa blessure, et appliqua à l'aveugle le spray sur la zone douloureuse. Elle rangea précautionneusement son matériel et sortit un gâteau et sa gourde qu'elle avait réussi à remplir la veille. Alors qu'elle buvait et mangeait lentement, la jeune femme constata que son cœur s'était un peu calmé. Elle s'installa alors pour la nuit, bien quelque chose au fond de son esprit lui intimât qu'elle ne devait pas dormir.

Son jeune frère était tombé fortement un jour en faisant du skate dans le quartier, il s'était cassé le poignet, coupé la lèvre et le front et avait eu une commotion cérébrale. Sasha se rappelait l'état dans lequel était sa mère qu'elle allait demander à monsieur Cohen d'emprunter les clés de sa voiture pour amener Alec à l'hôpital. Elle l'avait laissé seule à la maison pour la première fois de sa vie, tout juste âgée de douze ans, et lui avait ordonné d'aller chez leur voisin si elle avait le moindre problème. Quand ils étaient revenus des heures plus tard, Sasha était sagement en train de faire ses devoirs dans le salon. Son frère était venu vers elle et lui avait fièrement montré son plâtre vert et s'était vanté que l'infirmier qui lui avait fait les points au front avait dit qu'il avait été très courageux. Le reste de l'après-midi leur mère et elle avaient chouchouté le petit garçon et, après que Marcela lui ait expliqué pourquoi Alec ne devait pas s'endormir alors qu'il avait un commotion, Sasha et elle s'étaient assurées qu'il ne s'endorme pas.

Le lendemain, le monde existait encore.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant