Chapitre 12.

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[Rue ; East Orange, New Jersey ; fin d'après-midi]

Temps écoulé depuis le début de l'épidémie : 5 mois et 23 jours.


Survivre dans un monde apocalyptique n'était pas qu'une question de force et de volonté, c'était aussi de savoir faire preuve de patience. Parce que ce n'était que cela : une longue et interminable attente. Attendre que tout s'arrange et que cela aille mieux. Attendre que le gouvernement fasse quelque chose, trouve un solution. Attendre d'avoir des nouvelles de ses proches, de les retrouver en vie et saufs. Attendre que les militaires établissent des campements sécurisés et les emmènent. Attendre qu'une horde passe, caché dans une position si inconfortable que tout son corps crie de souffrance mais avoir la maîtrise de ne pas bouger afin de passer inaperçue. Attendre une meilleure opportunité de s'enfuir. Attendre un jour de plus avant de manger pour économiser ses réserves. Attendre un secours, une aide. Puis attendre sa propre fin. Attendre, toujours attendre. Et se cacher.

Le front appuyé sur le bitume de la route et les paupières résolument fermées, Sasha écoutait d'une oreille distraite le groupe d'une dizaine d'infectés descendre la rue et passer tout proche de la voiture sous laquelle elle avait rampé pour se cacher. L'espace était étroit mais suffisant pour qu'elle s'y faufile tant bien que mal, elle se sentait oppressée. Comme si un étau compressé son corps, et son cœur. Était-ce réellement la voiture au-dessus d'elle ou la peur ? La nuit n'allait pas tarder à tomber sur la ville et la jeune femme s'était retrouvée une nouvelle fois à devoir se cacher parce qu'elle était trop affaiblie par la soif, la fatigue et la douleur pour combattre des infectés -qu'ils soient dix ou deux. Tout ce qu'elle voulait c'était retrouver son groupe mais son état ainsi que le besoin constant de se cacher des rôdeurs la ralentissaient. À bout de nerfs, Sasha se sentit partir dans une crise de larmes. Une de ses mains fermement pressée sur sa bouche pour retenir tout son, elle commença à sangloter si fort que ses épaules tressautaient. Elle se sentait si seule et abandonnée. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas ressenti quelque chose de semblable. Depuis qu'elle avait trouvé Winnie puis Echo et les frères Matthews. Ensemble, ils formaient une véritable petite famille qui se souciait les uns des autres. Elle n'aurait jamais imaginé qu'ils prennent une telle place dans sa vie et ce n'était qu'aujourd'hui qu'elle réalisa à quel point ils étaient devenus importants pour elle.

À bout de force, elle ne s'extirpa pas immédiatement de sous la voiture tandis que les infectés continuaient leur route sans avoir la moindre idée de sa présence. Quand elle finit par ramper hors de sa cachette après de longues minutes, ses larmes s'étaient taries mais ses joues en étaient toujours maculées et ses yeux étaient légèrement rouges et gonflés. Elle se frotta le visage avec la manche de son pull pour les essuyer, remit son sac sur son dos et reprit sa route comme si de rien était. De temps à autre, elle jetait des coups d'œil à la carte pour vérifier qu'elle prenait bien le bon itinéraire. Tout ce qu'elle savait était qu'au moment où le groupe avait été séparé il ne se trouvait pas si loin de Main Street alors c'était là qu'elle se rendait.

Finalement, au détour d'un virage tandis qu'elle ne s'y attendait pas, elle tomba sur une scène familière : un pick-up accidenté. Le soulagement fut tel qu'elle recommença à pleurer instantanément mais en silence cette fois et de joie. Enfin elle avait retrouvé son chemin, elle était sur la bonne voie pour retrouver les siens. Avec excitation, elle se dirigea vers la voiture en boitant à toute vitesse afin d'être sûre que c'était bien celle à laquelle elle pensait mais se figea net quand elle aperçut du mouvement de l'autre côté. Dans l'éclairage déclinant de la journée, elle voyait deux silhouettes vaciller légèrement de gauche à droite. Elle ne pourrait pas repousser des rôdeurs, il fallait de nouveau qu'elle se cache ou qu'elle se dépêche de les dépasser. Alors qu'elle s'apprêtait à courir le plus discrètement possible pour les éviter, Sasha remarqua quelque chose qui l'arrêta net. Ces visages, elle les connaissait.

Le lendemain, le monde existait encore.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant