☼ John Murphy ☼

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☼ John Murphy ☼


« Bordel Murphy qu'est-ce qui t'a pris ? On est ici depuis moins d'une semaine et tu tires sur le premier autochtone qu'on croise ! » Bellamy était furieux contre moi, et je dois avouer que je n'étais pas vraiment fier non plus. J'ai paniqué et j'ai tiré, ça arrive à tout le monde. « Elle allait nous tirer comme du gibier, je t'ai sauvé les miches je te signale. » Malgré l'aplomb que j'avais mis dans ma réponse, son regard noir me fit perdre en assurance. Une fois passé le choc de découvrir que la planète était habitée, venait la honte d'avoir fait feu sur une gamine. Et voilà que Bellamy me faisait la misère. Il avait endossé le rôle de chef car il était le plus âgé d'entre nous et que sur l'Arche – ce monstre d'acier flottant dans l'espace où nous sommes tous nés – il suivait une formation de gardien. Du haut de ses 24 ans Bellamy gérait la situation avec méthode et autorité. Aucun incident grave n'était survenu depuis notre atterrissage mais j'avais l'intime conviction que les choses allaient se gâter. Sans parler du fait que nous nous pensions seuls sur une Terre soi-disant ravagées par l'apocalypse nucléaire survenue 97 ans auparavant, et que nous nous retrouvions finalement sur une planète pleine de ressources et visiblement habitée. J'observais notre prisonnière inconsciente, que Bellamy avait embarqué sur son épaule. J'avais participé à un nombre incalculable de bagarres sur l'Arche mais je n'avais jamais vu personne se battre de cette manière. Elle avait maîtrisé Bellamy, bien plus lourd et plus grand qu'elle, en quelques instants. Nous lui avions attaché les mains dans le dos avec un de nos collets, mais elle serait bien capable de nous échapper même ligotée. 

Maintenant, à bien y regarder, elle n'avait pas seulement l'air féroce, elle était aussi jolie, mais d'une beauté sauvage, celle de la femme qui se bat pour sa survie et n'aurait pas hésité à nous transpercer le cœur d'une flèche. Elle avait un corps athlétique, et je dois dire, agréable à regarder même si elle n'était pas aussi charnue que les femmes dont je raffolais. Elle avait des cheveux bruns et tressés contre son crâne qui descendaient jusqu'entre ses omoplates, ornés de petits anneaux de fer et... d'os ? Elle était vêtue d'habits sûrement hérités de l'ancien monde, un jean très abîmé, effiloché et troué au niveau des genoux, et maintenant gorgé de sang. Elle portait aussi des bottes de cuir et un débardeur d'une couleur qui rappelait la vase et que l'on n'imaginait pas neuf. Je lui donnais mon âge, peut-être un peu moins. Malgré ses airs de combattante tapie dans la forêt, maintenant qu'elle était inconsciente et attachée, elle me paraissait vulnérable et cette pensée avait quelque chose d'excitant. Je venais de m'embarquer dans le genre d'aventures que j'aimais imaginer. J'avais récupéré son arc, son carcois et les quelques couteaux et lames qu'elle avait sur elle. Ses flèches avaient une odeur âcre et je les reposais dans leur cocon en me demandant si elles n'étaient pas empoisonnées.

« - Rappelle-moi pourquoi on la kidnappe ? demandais-je nonchalamment.

- Elle est armée jusqu'au dent et ce n'est même pas une adulte. Dis-moi ce que tu penses qu'il va se passer si elle rentre chez elle en racontant que des hommes qu'on avait jamais vu dans la région l'ont attaquée ? T'as envie de voir un groupe de sauvages nous tomber dessus et raser le campement ?

- Donc tu la ramènes chez nous pour la tuer c'est ça ? Ça n'a aucun putain de sens, sa disparition risque de remplir la forêt de natifs à la recherche d'une des leurs. J'aurais pas dû tirer, ouais j'ai pigé, mais on peut pas la descendre. Tu vas faire quoi ? L'étrangler ? Tu te vois toi, lui mettre une balle dans le crâne ?»

Bellamy venait de nous faire passer de la « petite boulette de Murphy » au « grand merdier de Blake » et ça ne sentait pas bon pour nous.

The 100 : Mauvaise tournureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant