Obscure Caverne, que je t'aime

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J'adore ma caverne. Vous aurez l'occasion d'y faire un tour mais lorsque cela arrivera, pensez à lever haut les pieds ! Je vous préviens avant l'excursion, il y fait plutôt nuit et quelques débris jonchent encore le sol, oui, je n'ai pas eu le temps de tout ranger...

Oh, vous voilà ! Vous êtes prêts ? Bien.

Entrez, je vous en prie. Après quelques pas, sur votre droite, vous trouverez mon album photo sur le bureau. Il y a principalement des images de la maison de ma grand-mère, c'est la seul chose qui a subsisté de mes souvenirs d'enfance. Pour le moment, vous pouvez encore voir le sol, il fait plutôt clair car... Attention ! Ne tournez pas les pages si brusquement..! Vous avez remarqué ? Je suis seul dans le jardin. En effet, ma grande sœur était restée chez ma mère.

Je vous invite à avancer plus loin. Vous voyez une étagère ? Avancez vous, allez-y ! Sur les deux premiers étages ce sont mes souvenirs d'école, mes bonnes notes et mes copains. Celui qui est juste en dessous, vous le voyez ? Si, juste là ! Oui, je l'ai caché car ici se trouvent les séjours chez ma mère. Il y a des portraits d'hommes aux pupilles dilatées et à l'haleine alcoolisée. Non, je ne les connais pas, ils étaient avec ma mère tandis que je restais dans ma chambre. Surtout, n'ouvrez pas cette boîte ! Elle contient des bandes sons criardes que l'on n'écoutera pas aujourd'hui. Je suis désolé mais ça risquerait de fragiliser la voûte de la caverne ! Non non, ce n'est pas qui hurle sur ces cassettes... Bon continuons, pour l'instant on peut encore voir la silhouette des objets mais c'est en passe de changer !

Pour le capharnaüm qui va suivre, je tiens à m'excuser d'avance ! Par contre, prenez garde il y a quelques souvenirs sur le sol ; ce que je fais lorsque je veux passer c'est que je les pousse sur le côté délicatement avec mon pied. Faites le avec douceur, c'est important car si vous aviez le malheur de les casser je devrais me les remémorer pour savoir dans quel ordre les refixer. Vous me direz que quoiqu'il arrive, pour les ranger à leur place je devrais les regarder, les yeux grands ouverts, mais c'est une autre histoire que je repousse à d'autres jours..! Pour le moment ils sont quelques uns sur la bibliothèque. Le peu déjà rangé c'est les premiers coups que les copains de ma mère m'ont assenés, enfin ceux que j'ai retrouvé. Je dois encore vérifier si il n'y en a pas qui traîne quelque part avant. Ah oui ! ce tas là, c'est mes années lycée.. ! Ce qu'il y a sur le sol est assez démesuré, je sais... J'aimerais appeler du renfort pour le ranger mais je ne trouve personne d'assez désespéré et minutieux pour revoir tout ça avec moi, et puis il n'y comprendrait rien de toute manière !

Ah vous voulez aller plus loin ? Et bien à vrai dire... je ne m'y suis moi-même jamais aventurée, certes il y a de la lumière et une sortie mais je ne sais pas... Je pense qu'il faut déjà dégager le passage jusqu'ici, procéder méthodiquement !

Oh non non ! Je n'ai jamais pensé à illuminer tout cela, j'apprécie m'asseoir dans le noir et m'entourer de toutes les bribes d'âmes qui jonchent le sol pour refixer les souvenirs entre eux. Non je vous dis ! Je ne veux pas avancer vers la lumière ! Partez partez, allez vous en avec vos idées de renouveau !

Et une fois de plus, quiconque entre dans ma caverne ne veut que fuir l'obscurité et me mener vers la lumière inconnue. Je veux rester dans l'ombre, elle me rassure. J'aime rester dans le confort des regrets, de la tristesse et la nostalgie. N'essayez pas d'y changer quelque chose, ne m'ouvrez pas le champ des possibles. Laissez moi dans ma caverne. Laissez ma réalité l'emporter sur celle que vous voulez me donner à voir. Formé par l'habitude, mon quotidien dans l'obscur ne changera pas. Je regarde au devant et vois une vie qui délaisse ce qui me poursuit incessamment dans la caverne. Je regarde au devant et vois une vie plus qu'incertaine, qui plus est, aux antipodes de ma routine sombre. Je ne veux pas. Laissez moi ici, s'il vous plaît... Je m'assieds par terre et recommence à saisir quelques cris, quelques larmes pour les assembler à des visages, des lieux. Je ne veux pas de la lumière, je range ma caverne dans le noir et je verrais si ensuite je veux être éblouie par la lumière.

Grand rien, petit tout. Grand tout, petit rien.


(Texte écrit il y a un certain temps)

Grand rien & Petit toutWhere stories live. Discover now