Un jour, elle m'a dit « Je ne te reconnais plus. ». J'étais d'accord avec elle. On ne me connaissait plus, ni elle, ni moi. On ne me connaissait pas.
Le lendemain, elle avait réuni sa petite vie dans deux valises et s'en était allée. Elle n'a pas claqué la porte. Quelques centimètres d'espoir auraient pu s'y immiscer alors je ne l'ai pas refermée.
Plusieurs jours sont passés sans que mon appartement ne soit jamais verrouillé. Mes voisins n'avaient pas l'habitude de fermer la porte du hall par laquelle le vent s'engouffrait agilement dans les escaliers et poussait ma porte, doucement, chaque jour un peu plus. Après de nombreuses nuits, je pouvais prendre mon petit-déjeuner en souhaitant une bonne journée aux travailleurs matinaux qui descendaient au parking. Après de nombreux jours, je pouvais profiter de la lumière du corridor pour lire ces publicités postales aux mille promotions consuméristes. J'eus le regret de constater que rares étaient les semaines où les céréales étaient en soldes ; que de télévisions, de boîtes de thon ou de paquets de chips format familial.
Est arrivé un moment pénétrant, après d'innombrables heures, où l'obèse espoir eut la place d'entrer. Le mien ressemblait donc à ça... à rien. Il a murmuré, comme le sifflement du vent qui s'allonge dans les marches en bois de l'escalier :
Tu te gênes, seul dans ta peine. Va, gamin ! et ne reviens avant d'avoir trouvé ton chemin.
Alors, je suis allé, mais je n'ai pas fermé la porte. Qui sait, peut-être qu'elle reviendra...
Grand rien, petit tout. Grand tout, petit rien.
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Grand rien & Petit tout
Short StoryQuand la nuit est tombée mais que mes paupières tiennent, je vois les projecteurs stellaires briller, la scène numérique s'éclairer et c'est mon solo de piano que je joue à coup de lettres. Petites phrases, grandes histoires, à vous simplement d'en...