Le faucheur.

II. Chapitre 11 : empoisonné.

     Reeve avait finalement réussi à le mettre sur le côté, l'allongeant sur le dos et s'était relevé. Anaka sentait que ce n'était pas normal, tout son corps se paralysait et il en perdait même la parole. Impossible de bouger ou de parler. Il vit son lié se baisser et ramasser le couteau.

— Le poignard, il est empoisonné, lâcha-t-il. 

Le chevalier comprit beaucoup mieux sa paralysie, désormais, mais cela augmenta davantage sa crainte et connaissant Reeve, il n'était pas prêt d'être sauvé. 

Son camarade revint près de lui et s'accroupit pour être plus proche. 

— J'aimerai beaucoup te laisser crever de cette manière, tu ne peux pas savoir à quel point, mais si tu meurs, tu m'emmènes avec toi, alors je vais trouver ce putain de remède et tu vas continuer à me servir, annonça-t-il. 

Le salaud, il en profitait pour lui parler mal. Le chevalier noir aurait trouvé aussi la situation drôle, si sa vie dans le jeu n'en dépendait pas. 

Reeve se pencha sur lui et posa une main sur sa joue, un sourire sadique aux lèvres. 

— J'espère que tu vas pas claquer entre temps, ça serait dommage, murmura-t-il. 

Si le faucheur avait eu la parole, il aurait éclaté de rire en lui disant que s'il claquait, lui aussi. Malheureusement, seules ses paupières pouvaient bouger. Il aperçut son coéquipier se relever et partir, il allait probablement chercher une malle pour savoir comment le sauver. 

    Il avait l'impression d'attendre depuis plusieurs heures, mais il se disait que ce n'était pas possible, il serait mort si c'était le cas. Le temps était interminable et il se demandait même si le poison pouvait le tuer ou non, ou s'il avait seulement le pouvoir de paralyser. Le chevalier priait pour que Reeve revienne bientôt avec le sérum. Sans compter sur le fait que si quelqu'un le voyait là, il se ferait tuer pour sûr. Reeve aurait dû le déplacer pour le cacher. 

Anaka priait désormais pour que personne ne passe par là, au milieu des décombres. Il avait cette horrible sensation de ne plus rien contrôler et de devoir dépendre d'une personne. Reeve était très bon dans l'attaque, mais quand il s'agissait de réfléchir sur une chose qu'il n'avait pas prévu... 

Il paniqua en attendant des bruits de pas et des voix qui se rapprochaient de lui. Il ferma les yeux et espérait qu'ils le prennent pour mort. 

— Les gars, regardez ! lança un des hommes. 

Anaka était frustré de ne pas pouvoir voir qui ils étaient et combien ils étaient. 

— Oh putain, c'est le faucheur ! s'exclama un autre. Il est mort ? 

— Je sais pas, on dirait.

Le chevalier noir entendit un bruit et l'assimila à un coup de pieds. Sûrement l'homme qui lui avait donné un coup pour voir sa réaction, mais il était paralysé et ne sentait plus ses membres, alors il ne ressentait rien. Des rires se firent entendre. 

— Je veux savoir qui a réussi à buter le chevalier ! 

— Reeve doit être en train de pleurer, pouffa une voix qu'il n'avait pas entendu jusque là.

Mais combien étaient-ils, à la fin ? 

— Pourquoi ? 

— Je connais le gars qui joue Reeve et aussi celui qui joue Anaka dans la vraie vie, et je peux te dire qu'Anaka est l'obsession de Reeve, il passe son temps à parler de lui ou à vouloir savoir des choses sur lui, expliqua-t-il. 

Anaka était choqué par ce qu'il entendait. Était-ce vrai ? 

— Jure ? 

— Yep, je sais pas pourquoi, honnêtement.

— Trop chelou. Moi ça me ferait flipper. 

Le chevalier noir n'arrivait pas à en croire à ses oreilles. Reeve s'intéressait à lui. Encore mieux, Sinan s'intéressait à lui et ça, c'était complétement hallucinant. Jamais il n'aurait pensé que Sinan lui accordait de l'importance, lui qui passait son temps à l'insulter et à être dans le conflit. D'ailleurs, qu'entendait-il par " une obsession " ? Il aimerait tellement lui demander plus d'informations, ce type semblait proche de Sinan, mais malheureusement, il ne savait pas du tout qui se cachait derrière cette voix. Ils étaient plusieurs de son lycée à jouer avec eux, alors comment le retrouver ? 

—  Oh putain, les gars ! s'exclama soudainement un des types. 

Il entendit le bruit de sa lame sortir de son fourreau et se sentit défaillir. Non ! Ca ne pouvait pas se terminer de cette manière ! Il fut tenté d'ouvrir les yeux, mais le son d'un coup de feu l'intima de les garder closes. Anaka priait pour que ce soit Reeve qui vienne à sa rescousse. Tout ce qu'il put faire, c'est espérer et écouter attentivement ce qu'il se passait. Il entendait des cris, des respirations saccadées, ainsi que des soupirs de douleurs. Il savait qu'ils étaient en train de se battre et il était tellement frustré de ne rien voir, ni rien pouvoir faire. 

Après plusieurs minutes, plus aucun son ne lui vint aux oreilles et il se demandait s'ils étaient tous mort. Il se risqua à ouvrir une paupière et pâlit en voyant un homme, penché au dessus de lui. Celui-ci eut un grand sourire en le voyant ouvrir les yeux. 

—  Je me doutais bien que tu n'étais pas mort, le faucheur. 

Anaka se demandait qui était cet homme et qu'est-ce qu'il lui voulait. Allait-il le tuer ? Après tout, à la dernière partie, il s'était vanté d'avoir gagné auprès de tous les joueurs, c'était évident qu'ils souhaitaient prendre une revanche. 

Il s'accroupit à ses côtés et regarda son corps figé. Il passa une main sur son ventre, recouvert d'un sweat imbibé de sang. Le jeune homme ramena ses doigts vers lui et observa ceux-ci. 

—  T'as été empoisonné, découvrit-il. Et je suppose que ton chevalier galant est parti chercher un remède ?  

Le faucheur aperçut un sourire en coin se dessiner sur ses lèvres. Il souleva ensuite son sweat pour voir la blessure et grimaça. 

—  Aie, c'est bien profond. Au fait, je suis San et t'en fais pas, je ne vais pas te faire de mal, enfin, pour le moment. Je suis le meilleur-ami de Reeve, et j'ai lu vos fiches, je sais que vous êtes liés. 

Anaka fouilla dans sa mémoire et se rappela d'une petite tête blonde au lycée, souvent collé à Sinan. Il ne l'avait même pas vu avant le jeu, à vrai dire, il n'avait fait attention qu'à Sinan. 

San arracha un bout de sa manche, tout en continuant de parler. 

—  C'était super dangereux de ta part, de vous lier. Ca vous rend vulnérable. Mais bon, vous êtes toujours obligés de vous chercher et de vous trouver, pouffa-t-il. 

Il appuya le bout de tissu contre sa plaie et remerciait le poison de faire effet et de ne rien ressentir. 

 — Enfin, c'est dangereux pour les gens intelligents, mais tous les joueurs sont trop bêtes pour lire les fiches et en tirer avantage. 

Le chevalier noir était d'accord avec lui. Ici, les joueurs pensaient plus à gagner et à décapiter des têtes. San lui semblait conscient et intelligent. Il l'aimait bien, mais il devait le garder à l'œil.

 —  Bon, on a plus qu'à attendre le prince charmant !