Chapitre 36.

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Héloïse appréhendait son retour à la maison. Son après-midi avec Raphaëlle avait été des plus agréables. Elle était arrivée au lac avec une nappe et des tuperrwares pleins à craquer de nourritures qu'elle avait cuisiné elle-même. Elle avait avoué qu'elle aurait préféré l'emmener dans un petit restau de la ville, mais sa mère et elle avaient du mal à joindre les deux bouts ce mois-ci et elle ne pouvait donc pas se le permettre. Chose à laquelle Héloïse avait répondu qu'elle préférait cent fois un pique-nique au lac pour lequel Raphaëlle avait mis tous ses efforts et des plus intimes plutôt qu'un rendez-vous dans un lieu public où, malgré son désir d'affirmer qui elle était, elle serait trop effrayée d'embrasser sa petite-amie devant des gens qu'elle craignait juges de leurs actes.

Retourner chez elle était un supplice. Mais elle devait le faire. Pour son père. Et elle ne le ferait que pour lui. Elle l'avait prévenu, et lui l'avait prévenu des menaces qu'il mettrait en place si sa femme refusait de laisser Héloïse parler ou si elle restait aussi fermée d'esprit. Après tout, Héloïse avait toujours été leur perle rare. Leur unique enfant. Et il pensait que tous deux l'aimeraient, peu importe ses choix de vie. Et dans ce cas, ce choix de vie n'en est pas un. Car on ne peut choisir de qui nous tombons amoureux et avec qui cette connexion se faisait. Parce que c'était lui, parce que c'était moi. Héloïse, en pensant à cette phrase, ne put s'empêcher de la modifier dans sa tête. Parce que c'était elle, parce que c'était moi. La Boétie lui-même l'expliquait. On ne comprend pas toujours pourquoi nous ressentons ce que l'on ressent pour cette personne en particulier. Et si pour lui, cette citation s'appliquait à son amitié avec Montaigne, elle fonctionnait tout aussi bien lorsqu'il s'agit d'amour.

Héloïse arriva devant son immeuble et leva les yeux vers la fenêtre de son appartement d'où elle voyait les cheveux blonds de sa mère l'observer. C'est le moment. Mais elle ne voulait pas voir ce moment arriver. Elle voulait le passer. L'esquiver. L'ignorer. Mais elle savait qu'au fond, c'était un passage obligé.

Elle monta les escaliers, lentement, avant d'arriver devant la porte qui s'ouvrit à la volée.

"- Héloïse !

- Carine, s'il te plaît."

La jeune rousse vit arriver son père derrière sa mère qu'il convint de retourner à l'intérieur. Elle avait la gorge nouée quand elle rentra enfin dans l'appartement. Son père joua les médiateurs et demanda à ce qu'elles s'assoient toutes les deux.

"- Bien. Je pense qu'il est temps que nous discutions."

Héloïse s'assit à table alors que sa mère prit place en face. Elle inspira un grand coup et posa ses prunelles bleues dans celles de sa mère.

"- Pourquoi tu me rejettes ?"

C'était dit. Lâché. Elle sentait un poids dans sa poitrine s'envoler parmi tous les autres.

"- Quoi ?"

Mme. Bolton ne semblait pas avoir compris.

"- Pourquoi tu me rejettes ? Je croyais que tu tenais à moi. Que tu étais ouverte d'esprit. C'est ce que tu n'arrêtais pas de me répéter, encore et encore. Que jamais tu ne me jugerais pour quoique ce soit. Mais il a suffit que je me rende compte que j'étais amoureuse d'une fille et que tu le sache pour que tes belles paroles se transforment en mensonges. Tu voulais quoi exactement si ce n'est pas mon bonheur ?

- Chérie, je... C'est complètement ridicule enfin. Tu ne peux pas aimer une fille, c'est... C'est contre-nature ! Comment je vais faire pour avoir des petits enfants, moi ?

- T'as déjà entendu parlé de l'adoption ? Où des IAD, des PMA ? Y a plein de moyens pour que t'aies des petits-enfants si c'est la seule chose qui t'inquiète !"

Viens on s'aime.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant