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- A nous ! Bonjour s'écria le procureur. Après vous, ajouta-t-il, leur faisant signe d'entrer dans son bureau.
Fanny-Eve et Laporte se levèrent, elle entra en premier suivie par les deux hommes. Fanny-Eve ne sut comment elle a fait pour avancer, tellement ses jambes tremblaient.
La voix du procureur s'éleva à nouveau.
- Prenez place, j'espère que votre séjour se passe bien dit-il en contournant son bureau.
Ils s'assirent tous. Dans la tête de Fanny-Eve, plusieurs pensées se bousculaient. « Le monde est vraiment petit » pensa-t-elle. « Qu'est-ce qu'il foutait à l'hôtel ? Ça ne pouvait pas être une simple coïncidence ». Elle étudia le procureur et remarqua qu'il portait des lunettes, contrairement à l'autre soir. « Dommage » se dit-elle, il était vraiment mieux sans lunettes. Sa tenue vestimentaire avait par ailleurs complètement changé, « exit » le look décontracté, place au costume-cravate.
La voix de Laporte la ramena à la réalité.
- Cela se passe bien, merci dit-il au procureur en guise de réponse.
- Tant mieux dit ce dernier, avez-vous parlé à votre client ajouta-t-il en fixant Fanny-Eve.
- Non pas encore répondit-elle, nous avons rendez-vous cet après-midi. Merci de nous avoir fait parvenir le dossier aussi rapidement.
- Ne me remerciez pas, je n'ai fait que mon boulot. Le juge s'est montré clément envers lui poursuivit-il. Si cela ne tenait qu'à moi, il serait derrière les barreaux. J'ai décidé de combattre le tourisme sexuel qui sévit dans mon pays. Des personnes, parce qu'elles ont le pouvoir et l'argent, viennent dans ce pays pour s'adonner à des activités ...
- Excusez-moi monsieur Sall, dit Fanny-Eve, lui coupant la parole, j'entends ce que vous dites, mais que faites-vous de la présomption d'innocence dans le cas qui nous concerne. Nous avons d'un côté, une fille qui prétend avoir été violée et de l'autre, mon client qui assure n'avoir rien fait. Je pense que, si effectivement vous aviez assez de preuves monsieur Bernard serait en détention provisoire. La question est simple et est la suivante « qu'est-ce qu'on fait ».
Fanny-Eve jubilait intérieurement, après sa tirade. Elle aimait vraiment son métier.
Le procureur plongea ses yeux dans les siens comme s'ils étaient seuls, la tension entre eux était à son paroxysme. Laporte bougea sur son siège, mal à l'aise.
Le procureur reprit la parole.
- Mme Diop, sachez qu'il n'y a pas de « on ». Faites votre travail et je ferai le mien. Je connais personnellement l'inspecteur de police en charge de l'enquête. Je peux vous assurer d'une chose, quoique votre client cache, cet homme le trouvera. Espérons pour lui qu'il soit vraiment innocent, dans le cas contraire, il croupira en prison le restant de sa vie.
- Très bien répondit Fanny-Eve, l'esprit combattif. Vous dites que le juge s'est montré clément, mais c'est parce que mon client a été très coopératif. Il a accepté de rester sur le territoire le temps de l'enquête. Je pense que c'est un signe de bonne foi.
- Ça, c'est vous qui le dites, dit le procureur. En tout cas, je suis ravi que vous soyez là, vu que votre client n'a rien voulu dire en l'absence de son avocat. J'ai d'ailleurs programmé une confrontation entre la victime et votre client.
- Présumée victime, corrigea Fanny-Eve.
Sa remarque fit sourire le procureur Sall. « Oh mon Dieu ! Il est vraiment très beau » pensa-t-elle. Avec la lumière du jour, elle pouvait mieux voir ses traits fins. « Mais pourquoi se comportait-il comme s'il la voyait pour la première fois. Peut-être qu'il ne l'a tout simplement pas reconnue ». Cette dernière pensée lui fit plus mal qu'elle ne l'aurait voulu.
La sonnerie du téléphone la ramena à la réalité. Le procureur décrocha.
- Oui, dit-il. Très bien dites-lui que je le rappelle dans cinq minutes ajouta-t-il avant de raccrocher.
Puis s'adressant à Fanny-Eve et Laporte, il dit :
- Je crois bien que nous avons terminé.
- Je pense aussi répondit Fanny-Eve en se levant, imitée par Laporte et le procureur. Je vous laisse nos coordonnées ici à Dakar en sortant une pochette de son sac et en la posant sur le bureau. N'hésitez pas à nous contacter s'il y a des nouveaux éléments et encore merci pour l'accueil.
Après avoir dit « au revoir » au procureur en lui serrant la main, Laporte sortit sans attendre Fanny-Eve.
Cette dernière prit la main que lui tendait le procureur. Elle le regarda pendant quelques instants droit dans les yeux, en se demandant s'il fallait qu'elle revienne sur leur rencontre à l'hôtel ou pas. « Un peu de dignité ma pauvre, il ne t'a pas reconnue, ce n'est pas la fin du monde », pensa-t-elle amère. Elle retira sa main.
- On se revoit dans 10 jours pour la confrontation dit le procureur.
- Oui, répondit Fanny-Eve, à moins que je vous apporte la preuve de l'innocence de mon client avant. De toute façon...

Entre deux feux!Où les histoires vivent. Découvrez maintenant