Fanny-Eve ouvrit les yeux, totalement désorientée. Elle était allongée sur un canapé, dans le bureau du procureur. Malick était là avec un verre d'eau à la main, il avait l'air vraiment inquiet. « Qu'est ce qui s'était passé ? ». « Oh mon Dieu, maman », pensa-t-elle en se levant d'un coup et cherchant son téléphone comme une malade.
- Mais il est OÙ mon portable dit-elle criant comme une hystérique...
- Calmez-vous, je vous en prie dit alors Malick...
- Comment voulez-vous que je me calme ? dit-elle, les yeux pleins de larmes, c'est ma mère, je suis sûre qu'il lui est arrivé quelque chose de grave. Dites-moi la vérité, je suis une grande fille. Elle ne put retenir plus longtemps ses larmes.
- Ecoutez, ne vous mettez pas dans cet état dit Malick en lui tenant la main. Quand vous vous êtes évanouie, j'ai parlé avec votre frère et il s'en veut beaucoup de n'avoir pas su utiliser les bons mots. Votre maman est malade, mais rien de grave. Alors vous vous calmez et vous rappelez votre frère ou votre papa, ils étaient ensemble.Fanny-Eve n'arrêtait pas de pleurer en silence, Malick prit un mouchoir dans la boîte qui était sur la table et lui essuya délicatement les joues. Il lui tendit son téléphone et sortit du bureau pour lui laisser un peu d'intimité. Elle composa le numéro de son père, le cœur battant.
- Allo dit son père à la première sonnerie. Fanny-Eve ça va, dit-il d'une voix où perçait une certaine inquiétude. Le procureur nous a dit que tu t'étais évanouie.
- Papa dit-elle dans un sanglot, maman est...
Elle ne put terminer sa phrase tellement la douleur qui lui perçait le cœur était trop forte.
- Tu arrêtes ça tout de suite dit alors son père d'une voix autoritaire. Ta maman a fait un AVC, mais elle va beaucoup mieux.Il commença à lui expliquer le déroulement des faits.
« Ils étaient en train de diner, quand son père vit le visage de sa mère s'affaisser d'un côté. En tant que médecin, il sut exactement ce que c'était et ce qu'il fallait faire. Il lui enleva de la bouche, le morceau de pain qu'elle mangeait, pour éviter tout risque de fausse route et donc de s'étouffer. Il la fit s'asseoir sur le canapé et appela le SAMU, qui envoya une ambulance et les aiguilla vers le bon hôpital. D'après les médecins. Elle a eu vraiment beaucoup de chance, son AVC a été pris à temps. Elle n'eut besoin que d'une injection en IV, pour fluidifier le sang et ainsi dissoudre le caillot qui bouchait son artère. »Son père se tut.
- Papa, je peux lui parler dit Fanny-Eve. Je veux juste entendre le son de sa voix. Et Ibrahima il est au courant?
- Ce n'est pas possible ma chérie, elle est très fatiguée. Ils lui font des examens en ce moment pour essayer de trouver l'origine de son AVC. Ibrahima était à un congrès à Poitiers. Il a réussi à avoir un TGV. Il sera là d'un instant à l'autre.
- Je vais essayer de trouver un vol pour ce soir.
- Non pas besoin, ta maman est entre de bonnes mains. Tu as confiance en moi, n'est-ce pas ?
- Oui évidemment, dit Fanny-Eve.
- Alors, reste à Dakar et termine ton travail, maman va bien vu les circonstances. Demain tu pourras lui parler. Appelle Fatou Binetou et demande-lui de rester avec toi ce soir si tu veux. Je t'aime. Je te passe ton frère.
Avant qu'elle puisse dire à son père qu'elle l'aimait aussi, son frère avait pris le téléphone.
- Allo Fa dit-il d'une petite voix. Je suis désolé, je ne voulais pas te faire peur. Je suis sûr que maman va me tirer les oreilles quand elle se sentira mieux ajouta-t-il.
- Et à mon retour, j'en ferai de même dit-elle en rigolant. Sachant à quel point Habib était sensible, elle ajouta, ne t'inquiète surtout pas, je ne t'en veux pas. Il faudra juste te trouver un bon coach en communication.
Le rire de son frère à l'autre bout du fil effaça presque la peine qu'elle avait ressentie quelques minutes plus tôt. Après lui avoir dit au revoir, elle raccrocha.
Fanny-Eve vouait une grande admiration à ses frères. Ils étaient beaux, brillants et savaient se montrer élégants et courtois. Ibrahima, l'ainé de la fratrie, aimait croquer la vie à pleines dents. Chirurgien en médecine générale, il avait gravi les échelons jusqu'à devenir chef de service d'une clinique privée, très réputée. Célibataire endurci, il enchainait les relations amoureuses sans lendemain, ce qui désespérait leurs parents. Leur maman le traitait de tous les noms, l'engueulait comme un enfant de cinq ans, mais c'est parce qu'elle savait que son fils lui pardonnait tout. Ils entretenaient une relation très fusionnelle.Habib, 35 ans, quant à lui est le plus sensible des trois. Elève brillant, toujours premier de la classe, il avait fait des études en informatique et travaillait dans une banque depuis maintenant 10 ans. Marié depuis 5 ans, il avait 2 adorables petites filles, Marianne et Soukeyna. Il était malheureux dans son ménage, tout le monde le savait, mais personne n'osait rien dire. Il avait épousé une métisse franco-sénégalaise, Dior, qui faisait tout ce qu'elle pouvait pour l'éloigner de sa famille. Il restait marié pour ses filles.
On toqua à la porte du bureau, ramenant Fanny-Eve à la réalité. C'était Malick.
- Alors ? ça va mieux demanda-t-il, avec une voix calme.
- Ça pourrait aller mieux. Mon père a su trouver les mots pour me rassurer. Je veux juste que cette affaire se règle au plus vite, que je puisse rentrer. Tant que je ne verrai pas ma mère, je ne serai pas rassurée.
- Je comprends, mais dites-vous que c'est en France et que la prise en charge est bonne là-bas.
- Oui je sais, dit-elle dans un souffle. Bon je vais partir ajouta-t-elle en se levant. Encore merci.
- Vous êtes venue comment ? je peux demander à mon chauffeur de vous raccompagner.
- Non, non ne vous inquiétez, je suis avec Laporte et notre chauffeur.
- OK, je vous raccompagne jusqu'à la voiture, insista Malick.
- Ecoutez, vous êtes vraiment très sympa, mais ça va aller dit Fanny-Eve. Mille mercis et à bientôt.
Il la fixa quelques instants, avant de capituler.
- Très bien, à bientôt !Quelques minutes plus tard, Elle était confortablement installée sur le siège de la voiture. Après avoir informé Laporte de l'état de santé de sa mère, elle allait envoyer un message, quand son téléphone sonna. C'était Fatou Binetou.
- Allo ma poule, ça va ? Maman m'a appelée et m'a dit pour tata Marianne. Tu tiens le coup.
- Je me sens tellement inutile dit Fanny-Eve, je voudrais rentrer et être auprès d'elle.
- Je sais ma chérie, il faut que tu sois forte, elle est entre de bonnes mains. Ecoute, je finis ma garde à 20 heures, le temps de faire un saut chez moi, je suis à toi.
- Tu sais, tu n'es pas obligée, et puis...
- Je ne veux rien entendre, la coupa sa cousine. Je resterai avec toi le temps qu'il faudra. Bisous, et à tout à l'heure conclut-elle avant de raccrocher.Il était 21h30, Fatou n'allait pas tarder. Elle lui avait envoyé un message, lui disant de l'attendre pour diner et qu'elle apporterait des chawarmas. On toqua à la porte, c'est sûrement elle.
Fanny-Eve alla ouvrir et se retrouva nez à nez avec Elimane.
- Bonsoir, dit-elle en croisant les bras sur sa poitrine, mal à l'aise avec son T-shirt et son pantalon pyjama.
- Bonsoir répondit Elimane, nerveux. Je peux entrer ajouta-t-il avec sa voix grave.
- Je ne pense pas que ça soit une bonne idée répliqua Fanny-Eve. Vous voulez quoi ? En plus j'attends quelqu'un.
- Je suis désolé de débarquer ainsi, mais j'étais inquiet dit-il en se massant la nuque.
Fanny-Eve n'en croyait pas ses oreilles, « lui, inquiet pour elle ». Elle plongea son regard dans le sien, comme pour sonder son âme.
- C'est mon frère qui m'a dit que votre mère est malade, et que vous aviez fait un malaise dans son bureau.
- Et vous avez éprouvé le besoin de venir ici, pour voir comment j'allais, dit-elle caustique. Je vois que monsieur sait être élégant quand il le faut.
Elimane soupira profondément, il avait l'air blessé dans son amour propre. Il était toujours dans le couloir, il se rapprocha doucement et posa son coude sur l'embrasure de la porte. « Oh mon Dieu, son parfum, il devrait être interdit de sentir si bon », pensa Fanny-Eve. Il était en T-shirt et bermuda et portait des baskets. Même fringué ainsi, il était vachement canon.
- Je vais faire comme si je n'avais pas entendu, ce que vous venez dire. Alors comment allez-vous ?
- Ecoutez, je vais bien. C'est vraiment très gentil d'être passé, mais là vous devez partir, j'attends quelqu'un.
- Sûrement, votre mec dit Elimane d'un ton sec.
- Cela ne vous regarde pas, répondit Fanny-Eve sur le même ton.
Ils se défiaient du regard. Elimane se rapprocha encore un peu plus, et dit.
- Vous êtes snob, vous êtes maladroite, vous êtes une vraie pipelette. Vous êtes tout ce que je déteste chez une femme. Vous n'êtes pas du tout mon genre... Et pourtant, c'est comme si vous m'aviez jeté un sort. Je n'arrête pas de penser à vous et je n'aime pas ça. Alors dites à votre client de coopérer, qu'on en finisse avec cette histoire et que vous retourniez chez vous rapidement.
Son visage était à quelques centimètres de celui de Fanny-Eve. Cette dernière se sentit défaillir, elle ferma les yeux, incapable de faire le moindre mouvement. Elle avait totalement perdu son sens du réparti et cela ne lui ressemblait pas du tout.
- Sur ce, je vous souhaite une bonne nuit.
Fanny-Eve rouvrit les yeux, Elimane la fixait avec un sourire aux lèvres. Il tourna les talons et partit, la laissant totalement abasourdie.
« Mais quel crétin » pensa Fanny-Eve. Elle était furieuse. Mais était-ce parce qu'il lui avait mal parlé ou parce qu'il ne l'avait pas embrassée. Elle referma la porte et s'y adossa. Pour sa santé physique et psychologique, elle ferait mieux de rester loin de l'inspecteur Sall.
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Entre deux feux!
General FictionFanny-Eve jeune avocate parisienne, d'origine sénégalaise est envoyée à Dakar par son cabinet pour défendre un client arrêté pour une sombre histoire de moeurs. Cette affaire qui semblait facile à gérer va s'avérer plus complexe puisque mêlant chant...