Partie 1 : prologue

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Je suis dans une petite rue sale et la nuit est froide. Il fait sombre et je viens ici pour me tailler les veines.

Au début, je me suis assise en faisant gaffe où je posais mes fesses, parce là, c'est grave sale,c'est de la vieille graisse qui se colle aux fringues, merde, c'est un endroit à se chopper toutes les maladies du monde.

Et puis, après, j'ai vu que ça n faisait rien de plus que d'être assise sur un chaise au lycée. C'est vrai ! Tu sais pas si celui qui a posé son cul avant toi c'est pas un gros porc, genre, ou pire, une pouffiasse qui a pas de culotte.

Alors, je me suis appuyée contre la poubelle en plastique, j'ai essuyé mes larmes d'un revers de la main et j'ai sorti le couteau du mec de ma mère.

C'est pas mon beau-père ! C'est un connard de plus qui couche avec ma mère. Quand je suis partie, elle l'engueulait parce qu'il ne savait pas la faire jouir. Elle a reçu une baffe et je l'ai entendu taper contre le mur à peine plus épais que du carton qui sépare nos deux chambres, et elle avait le souffle coupé.

Mais pas pour longtemps.

Elle s'est mise à gueuler et je pense qu'elle a voulu lui rendre sa gifle. Sauf qu'il l'a giflé une seconde fois et que ce coup-ci, elle s'est pas relevée.

Mon père la frappait aussi. À croire qu'elle aime ça.

J'avais l'intention de me tailler les veines dans mon lit, mais j'ai eu peur que le mec vienne dans ma chambre et me viole. Il a la gueule de l'emploi. J'ai remarqué que ma mère aime ces gueules-là : tous ses mecs se ressemblent.

Je suis sortie par la fenêtre. Quand je suis arrivée dans la rue, je me suis retournée pour voir une dernière fois la maison et quelqu'un a éclairé ma chambre. Le connard s'est approché de la fenêtre, il a regardé dehors mais il ne pouvait pas me voir. Il est resté quelques secondes comme ça, déçu de pas pouvoir me baiser, je pense, et il a refermé la fenêtre. Il est sorti de la chambre sans même éteindre. Et la planète ! Fils de pute !

Après, j'ai marché dans les rues,la nuit. C'est pas les mêmes rues, la nuit, que quand j'y passe le jour. Y a personne et elles font pas de bruit. On voit rien sauf sous les lampadaires. C'est vrai que ça fait comme des flaques de lumière. J'avais lu ça dans un bouquin et je trouvais que c'était idiot : ça éclabousse pas, la lumière ! Eh ben, si ! Ça éclabousse parce que ça éclaire petit à petit, comme si ça montait sur les jambes et la jupe, et après, ça sèche pareil, en descendant de la jupe puis des jambes et des baskets. Gros délire.

J'étais pas rassurée mais j'avais surtout pas envie de retourner chez ma mère. Alors, je suis allée vers la lumière, la ville, pas loin, y avait pas grand monde non plus et je suis arrivée dans cette rue sordide, comme on en voit dans les films. Sauf que dans les films, quand on les voit et qu'on se dit que ça doit être chouette de vivre ça parce que ça nous changerait de ce qu'on subit au quotidien, eh ben, on se le dit en mangeant des chips, avachie sur le canapé, au chaud.

Alors, voilà. En ce moment, je préférerais être dans le canapé miteux avec comme seul problème la gestion de mon envie de pisser sans rater la scène clé de l'épisode que je mâte.

Pour me motiver, je repense à ma vie de merde. J'ai 15 ans et j'ai tué des gens. Deux. J'ai un mec mais j'ai pas envie de l'entraîner dans cette histoire. Je sais que si je reste chez moi, le flics ne vont pas tardé à m'arrêter. Et partir, seule, à quoi ça servirait.

Avec une vie comme ça, pas la peine de se lever le matin.

Je passe la lame du couteau sur mon poignet, tranchant vers le haut, pour ne pas me tailler.

Je teste.

C'est froid et j'ai des frissons dans le dos. Je regarde la lame que je passe et repasse sans cesse. Au bout, d'une minute, peut-être, je sens plus rien, je me suis habituée à cette sensation.

Je retourne le couteau, tranchant vers la peau.

Je sens rien de plus mais j'ai des frissons quand même. J'ai peur.

J'appuie sur le manche et je sens une brûlure sous la lame. J'appuie un peu plus fort et je me force à garder ma bouche fermée, sinon, je gémirais, je crois.

C'est à la fois douloureux et jouissif.

Je vois couler le sang et je sens la chaleur qui coule dans la paume de ma main. Encore une flaque. Je crois que c'est assez profond.

Sans y aller par quatre chemins,cette fois, je passe directement le tranchant sur mon autre poignet, sans l'habituer avec le contact de l'acier. J'appuie plus fort, je crois et ça fait mal. Le sang coule aussi.

Alors, je jette le couteau à mes pieds, je m'adosse un peu plus contre la poubelle et je ferme les yeux.

J'ai pas envie de dormir, je veux mourir éveillée.

Un chat passe en me suspectant d'être un ennemi. Il ne me quitte pas du regard, marche à pas calculés,fait un détour pour ne pas trop m'approcher et il s'arrête à deux ou trois mètres de moi. Il veut assister à mon agonie, je crois. Il est sur son cul, tranquille. Il ne lui manque plus que les pop-corn et il est au ciné, le con.

Bon, en même temps, il me tient compagnie.

Je ferme les yeux.

Quand je les ouvrirai, dans la partie deux de ce bouquin, bah, en fait, je ne serai pas morte. Bien sûr, puisque j'ouvre les yeux. Je serai dans un squat, ayant été ramassée par un mec dont j'aperçois l'ombre projetée sur un mur, là-bas. Je serai allongée sur un matelas crasseux, pire que la poubelle, je crois et quand le mec viendra devant moi, je...

Non, mais avant, je vais vous raconter ma vie jusque-là, sinon c'est pas du jeu.

Maintenant que je suis morte, je peux vivre comme je veux.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant