Chapitre 5

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— Gabriel, surtout ne ferme pas les yeux mon ange.

Allongé, la tête sur mes genoux alors que je le tenais fermement, Gabriel crachait du sang. Il retira non sans peine l'épée de Lucifer qui avait laissé une blessure béante en plein milieu de son torse. Sa chevelure blanche, éparpillée autour de lui comme des fils d'argent, se trempait dans la souillure écarlate. Mes larmes ne voulaient pas s'arrêter de couler mais jamais elles n'auraient pu le nettoyer.

— Non Gabriel, ne me laisse pas.

Les yeux presque clos, il me regardait. Sa main se levait vers moi, se posant sur mon visage. Alors il sourit. Gabriel ne souriait jamais.

— Tu es d'une telle beauté, Reine des Succubes. Cesse de me tenter.

— Te tenter sera toujours l'un de mes devoirs, Gabriel.

Les yeux se fermèrent, ne laissant qu'un visage en paix tandis que la main retombait mollement.

— Non, non...

Ça ne pouvait pas finir comme ça. Pas alors que Gabriel venait de me sourire pour la première fois depuis longtemps. Pas alors qu'il venait de me faire un compliment.

Je n'avais pas le choix.

— Viviane !

Comprenant ce que j'allais faire, la fée déploya ses ailes pour arriver à moi alors que je murmurais quelques paroles. Il ne fallut pas longtemps avant qu'un cercle de lumière, composé de multiples symboles, n'apparaissent autour de nous. Un chant s'éleva, faisant hurler de douleur les anges et les démons alentours.

Lezia me salua de la main avant de partir avec l'aide de l'une de ses clés. Et tandis qu'elle partait, l'environnement autour de nous changea.

L'instant d'après, bien loin du parc, nous nous trouvions dans une clairière, au milieu d'un cercle de pierre et de terre. L'herbe fraîche et les fleurs magnifiques s'épanouissaient tout autour de nous en toute liberté.

Le vent soufflait, laissant chanter les arbres des forêts qui enveloppait le lieu enchanté. Ici, même le regard de Dieu n'aurait su nous retrouver. Les prières destinées aux êtres célestes ne sauraient arriver à destination. Ce domaine n'était consacré ni aux anges, ni aux démons. Il était isolé de tout et de tous, à l'abris des étrangers et des menaces, protégé par la magie.

Et tandis que la lumière du cercle disparaissait, je soulevais Gabriel pour poser l'un de ses bras autour de mes épaules.

— Viviane, va chercher de quoi l'aider.

Et elle ne se fit pas prier, déployant ses ailes pour partir en direction de la forêt. De mon côté, je traînais mon ange jusqu'à une petite maison non loin, empruntant un chemin de terre tracé. Arrivant devant la porte de l'habitat, j'entrais dans la maison sans difficulté, installant Gabriel sur le canapé du salon se trouvant à côté de l'entrée. Il n'était pas mort, il respirait encore. Mais les blessures causées par les armes angéliques faisaient des dégâts.

Puis Viviane revint avec des plantes dans les bras. Nous accourions dans la cuisine non loin. Sortant les bols en bois, j'écrasais les plantes pour ensuite mesurer les doses avec une balance.

— Viviane, va chercher de l'eau, continuais-je de donner mes ordres.

Et elle s'exécuta tandis que je mélangeais les ingrédients, murmurant quelques mots dans un langage qui aurait été inconnue pour la plupart des créatures du monde.

Viviane m'apporta de l'eau fraîche que je versais doucement dans mon mélange. Puis, prenant un couteau, j'ouvris une veine de mon poignet, laissant le sang se déverser dans la potion. Sa teinte rouge semblait parsemée de reflets étranges. Et lorsque la blessure se referma naturellement, ce fut avec des vertiges que je revins auprès de Gabriel, le forçant à avaler ce liquide. Il ne fit pas le difficile, entrouvrant même les yeux lorsque tout fut avalé.

Alter Ego (Tome 4) - La Compagne éternelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant