Morsures

306 20 16
                                    

     Mon corps se déchire. La douleur me torture.

Respire....respire...

Ça passe toujours, tu le sais.

     Ma poitrine se serre, je ne parviens pas à réprimer une quinte de toux. Le sang rougit mes doigts. Je vois rouge. Mes yeux se reflètent sur le miroir de la chambre. Leur lueur pourpre me traverse.

     Dix jours. J'ai tenu dix jours. Une pulsation traverse mon corps, je peine à rester debout. Je me plie en deux sous la douleur, haletant. Je parviens tant bien que mal à respirer de nouveau. Je titube vers la porte et sors dans le couloir. Je m'appuie sur le mur, la respiration sifflante. Le couloir danse sous mes yeux. J'ai des sueurs froides, je frissonne misérablement. Je crois avoir déjà connu pire, mais cette crise est particulièrement violente. Il est hors de question que l'on me voit dans cet état. Je dois trouver quelqu'un, n'importe qui...

     Les battements de mon cœur me blessent. Je peine à réfléchir et à me contenir. Je me dirige difficilement vers le dortoir des filles. Tout le monde dort déjà. La soif me guide et je me retrouve sans le savoir, sans y penser, sans vraiment le comprendre, devant la chambre de Lucy. Je saisis lentement la poignée mais la lâche brusquement, saisi d'une autre pulsion vampirique horriblement douloureuse. Je tombe presque à genoux. Mon corps tout entier hurle de douleur, et je me retiens de hurler avec lui. Je peux encore contrôler mes cordes vocales. Chaque inspiration de ma respiration saccadée et sifflante et le moindre mouvement me sont une épreuve. Des poignards s'enfoncent dans ma peau à chaque seconde.

     Cette satanée malédiction...

     J'attends, pantelant dans le couloir, que la douleur s'apaise un peu. Je me relève lentement, difficilement, et j'ai l'impression que la moindre de mes cellules crie de douleur. Ma peau me brûle ou me pique tour à tour. Je saisis la poignée pour la deuxième fois et ouvre la porte. Je pénètre dans la chambre où flotte doucement l'odeur florale de Lucy. Une autre pulsion me tord les entrailles et la poitrine. Ça ne peut plus durer. Mes mains se crispent sur mon ventre et mon torse. Je sers le tissu de ma veste à le déchirer. J'avance vers le lit, où elle repose, après avoir poussé la porte. Lucy est allongée sur le dos, les yeux clos, la respiration paisible.

     Pourquoi elle ? Serait-ce parce que j'en ai envie depuis que je l'ai vue ?

     Cela n'a pas d'importance.

     Je pose un genou à terre, à son chevet. Je ne me contrôle plus qu'à moitié. Je décale la couverture et me penche vers sa nuque...

..............................................

     Je me suis finalement endormie, j'ai plongé dans un sommeil sans rêves. Pourtant, je finis par me réveiller. Je ne comprends pas tout de suite pourquoi. J'ouvre lentement les yeux. Il fait toujours nuit. J'ai cru sentir un picotement au cou. C'est ce qui a du me réveiller, mais j'ai du rêver. Je me sens bien, j'ai l'impression d'être allongée sur un nuage. Je ferme les yeux et soupire d'aise. Je suis fatiguée, mais je me sens si bien...

     J'entends alors un gémissement de douleur, tout près de moi, et cette sensation de plaisir et de douceur disparaît. J'ouvre brusquement les yeux. Un autre picotement aigu au cou m'arrache un cri de douleur. Je sens un poids sur mon corps, une présence, et la lune me permet de voir une silhouette au-dessus de moi. J'aperçois des cheveux roses. J'écarquille les yeux avant de comprendre ce qu'il m'arrive.

     Je le sens.

     Je sens mon sang quitter mes veines et couler dans sa gorge. Je frissonne d'une douce horreur. Je me sens m'affaiblir dans une torpeur à laquelle je ne dois surtout pas m'abandonner. Je dois réagir. Je tente de me débattre mais il ramène brutalement mes bras derrière mon dos et se presse contre moi. Un gémissement m'échappe. Je ne peux plus bouger. J'essaye de lui porter un coup mais son poids m'en empêche. Je ne peux retenir un gémissement de douleur.

Légende d'un vampire vagabondOù les histoires vivent. Découvrez maintenant