Légende d'un vampire vagabond

Menace

Je regarde les parois de la grotte dans laquelle on m'a enchaîné sans les voir. Mon corps tout entier me lance. J'ai du me retenir de tuer tous ces inconscients, mais eux ne se sont pas donnés cette peine. Voulaient-ils me tuer ou m'affaiblir ? La réponse m'importe peu, mais elle se pose. Ils sont bien entraînés. Suffisamment pour avoir réussi à me blesser. Mais ils ne le seront jamais assez pour m'affaiblir. Si je ne m'étais pas retenu, encore... Je n'aurais pas eu une égratignure. Et aucun d'entre eux ne serait vivant.

Je sens mon sang bouillir dans mes veines.

Ils m'ont forcé à me mettre à genoux, ces insectes. Ils m'ont enchaîné comme un vulgaire animal. Je leur ferai payer bientôt. Je dois être patient, encore un peu. Mon plan n'est pas compromis, malgré tous ces imprévus.

Ils le regretteront amèrement.

J'observe la forêt au loin. Mes oiseaux familiers se relaient pour me communiquer des informations sur la guilde. Ils ont déjà emmené les dépouilles de leurs camarades morts. C'est parfait. Un exorciste est toujours posté devant la grotte. Ils y sont à tour de rôle, et comme ces imbéciles sont prudents, ce sont toujours des hommes.

J'esquisse un rictus empreint d'une joie sombre. J'ai baissé ma garde, je n'aurais jamais du la croire. J'ai pu voir dans ses pensées, dans ses yeux, qu'elle ne voulait pas ce qui est arrivé. Mais j'aurais du m'en douter. J'ai manqué de prudence. Après tout, ce n'est pas plus mal, le vieux Helsing devrait venir discuter bientôt. Je doute qu'ils souhaitent me laisser captif indéfiniment.

Je relève la tête. Mon intuition sent une présence avant que je n'entende des pas. À ma grande surprise, il s'agit de Wendy, accompagnée de l'exorciste chargé de surveiller l'entrée. Elle tient un plateau chargé de pots et de bandages et s'agenouille près de moi.

- Ne t'approche pas autant de lui, Wendy. Il est dangereux.

- J'ai voyagé avec lui pendant presque deux jours et je suis toujours vivante, répliqua-t-elle. Je ne peux pas le soigner si je m'éloigne trop, répondit-elle doucement.

Je hausse les sourcils devant sa réponse si franche et lance un sourire narquois au jeune homme, Max si mes souvenirs sont exacts. Il grimace et me lance un doigt d'honneur. C'est décidé, il sera le premier que je vais étriper.

- Je vais vous soigner, monsieur Dragnir.

...Comment m'a-t-elle appelé ? J'ai perdu l'habitude de tant de respect, visiblement.

- Tu n'est pas obligé de m'appeler ainsi. Appelle-moi comme il te plaira, mais épargne-moi les formules de politesse.

Elle me regarde, une lueur de surprise et d'incompréhension dans le regard, avant de se détourner pour tremper une serviette dans un liquide verdâtre. Je me retiens de réagir lorsqu'elle la pose sur une plaie à mon bras. Je vois l'autre imbécile sourire. Tu souriras moins bientôt, crois-moi.

- Je vais devoir vous demander d'enlever votre cape...et votre veston, dit-elle en rougissant.

Son innocence me donne envie de souiller la moindre parcelle de son être. Mais ce serait lassant, et elle n'est pas du genre à se laisser dicter sa conduite, malgré les apparences. Et puis, cela ne lui irait pas du tout. Sa pureté lui sied à merveille...

L'idée d'ôter mes vêtements devant l'exorciste ne me séduit guère, même si je peux garder ma chemise. Je fixe le jeune homme et grogne :

- Je le ferais avec plaisir s'il retourne à son poste.

- Et bien, je ne pensais pas que les vampires faisaient autant de caprices. On dirait que nous ne sommes pas les seuls, répliqua-t-il d'un ton acerbe en croisant les bras. Je ne bougerai pas.