Je le regarde. Il me regarde. Je le regarde. Il me regarde.
Publication du mariage
Devant être célébré à la mairie de Champigny sur-Poitou
Entre : Ludwig André Yun Touillot
Et : Maëlle Véronique Ingrid Blanchard
Affiché le 30 juin 2020 conformément à l'article 63 du code civil...
« Alors ? ça y est, on ne peut plus reculer ? »
Je glapis lorsque j'entends ces mots derrière moi, assortis d'une grande tape dans le dos qui me propulse presque à travers le minuscule bureau que j'occupe à la mairie du village. Il faut croire que l'existence de ce petit papier affiché sous mes yeux, pile en face de moi, me tend un peu plus que prévu. En temps normal, l'unique journée de la semaine où je suis censée travailler à la mairie pour remplacer ma mère se déroule toujours dans un ennui mortel. Pourtant, aujourd'hui, ce papier officialisant la cérémonie supposée m'unir à Ludwig aux yeux de la loi me rappelle cette vieille photo de la tante Jeanne que l'oncle Pouillot garde sur son buffet ; une photo horrible, qui donnait l'impression de me suivre des yeux en permanence. Brrrrr.
« Eh oui, ça fait ça, un ban de mariage ! ça doit te faire tout drôle, non ? Regarde-toi ! On dirait moi avant mon premier match contre Bressac-les-Forges ! »
La personne qui vient de faire cette comparaison douteuse n'est autre que Marianne, qui a passé sa tête par la fenêtre de « mon » bureau. La mairie de Champigny-sur-Poitou n'est composée que deux salles : le bureau du maire, que ma mère et moi occupons en semaine pour gérer les très peu trépidantes affaires du village, et une minuscule salle des mariages qui n'a pas servi depuis pratiquement une décennie et sert désormais de salle des archives – enfin, jusqu'au 26 juillet prochain...
Lorsque ma mère prend son unique jour de congé de la semaine, je prends sa place dans le bureau à peine plus grand que la salle de cérémonie, seule puisque Ludwig travaille dans le restaurant de ses parents. Je passe la journée sous le regard du portrait du président de la République que ma mère nettoie religieusement au plumeau une fois par semaine – le portrait, pas le président. Je trie des dossiers, je joue à Tetris, je retrie des dossiers, puis je chasse les chiens de chasse puants du père Jacques, le maire élu, lorsqu'il daigne parfois se montrer dans sa mairie. Leur odeur, délicat mélange de sanglier crevé et de boue fraîche, est parfois tellement prenante que je garde la fenêtre dans mon dos ouverte pour éviter de vomir sur les grands-mères qui viennent parfois renouveler leur carte d'identité.
Mais aujourd'hui, jour où ma mère a décidé de publier officiellement les bans de mon mariage avec Ludwig, c'était très clairement une erreur.
« Ils rendent bien, pas vrai ? s'enthousiasme Marianne.
-Tu trouves ? je réponds d'un ton grinçant. Ça tombe bien, Ginette trouve aussi. Ah, et Kaspar, ma sœur, la mère Truchot, le père Jacques, et le grand Dédé à qui Ginette a envoyé une photo !
-Quoi, je suis la dernière ? gémit la rugbywoman, tout à fait insensible à mon ironie. Désolée, j'aidais mon père avec le blé... »
Elle passe une main dans ses cheveux blonds, aussi dorés que les épis que son père ramasse avec sa moissonneuse batteuse, tandis que je me laisse retomber contre le dossier de ma chaise de bureau. Je ne devrais pas être aussi mauvaise envers Marianne. Après tout, c'est grâce à elle que j'ai pu bénéficier d'un jour de repos avec ce barbecue qu'elle a improvisé pour Ludwig et moi. Mais depuis, la valse des préparatifs a repris de plus belle : choix des musiques, plan de tables, finalisation de la liste des invités... Et maintenant, les bans.
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Le mariage archi-faux de Ludwig et Maëlle
ChickLitFaire venir une Kardashian à Champigny-sur-Poitou, trou perdu de 50 habitants ? Impossible ! Pourtant, Maëlle, vingt-et-un ans et reine des arnaqueuses, pourrait bien changer la donne. Après avoir envoyé une invitation à son faux mariage à une des s...