Chapitre 16 (partie 2) : Michel Sardou & sentiments

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L'expression de Ludwig ravive en moi des vieux automatismes.

« Kaspar arrive par la gauche pour faire des retouches à mon costume, mes parents par la droite pour me parler du restaurant. Ça faisait trop, j'ai prétendu que je devais aller t'aider.

-Qu'est-ce que je dois faire ? je demande, reprenant en un instant mes réflexes de survie de fille s'étant beaucoup trop faite courser avec une fourche dans son enfance.

-Fais comme si tu m'attendais. »

Faire diversion. Ça me connait. J'attrape la main de Ludwig sur mon épaule, avant de brandir mon autre poing en l'air.

« Bon ! Que pensez-vous d'un peu de Patrick Sebastien, après le gâteau de mariage ?

-Et la Chenille ?

-Et la Tribu de Dana ?

-Quid des lacs du Connemara, dans ce cas ? »

Quinze secondes plus tard, à la réclame de Zoe Kardashian toujours plus soucieuse de découvrir la culture locale, toute la foule sous la tente braille en chœur sur du Michel Sardou, hurlant son amour pour le Connemara – et la, lala, lala, lalalalala... - dans une enceinte connectée à l'ordinateur. Même l'oncle Pouillot et la mère Truchot ont délaissé leurs bêches pour danser comme deux adolescents, tandis que Zoe filme le tout pour ses stories Instagram, décrétant que ce morceau se devait d'être le prochain à faire danser le festival de musique archi-select de Coachella.

Ludwig et moi nous mêlons à l'attroupement et je lui pince discrètement la main pour lui faire passager le message qu'il n'a plus rien à craindre. Ses parents ne pourront plus nous interrompre, Kaspar non plus. Ses épaules se détendent et il se prend même à chantonner sur Sardou, comme les autres.

Prise dans l'enthousiasme générale, je grimpe sur son dos et alors que la chanson continue, Ludwig et moi nous retrouvons à chanter avec les autres. Enfin, surtout Ludwig : moi, je me retrouve à l'écouter au bout de quelques vers.

Il chante bien. Naturellement bien.

Mes bras se resserrent naturellement autour de ses épaules. Ce n'est pas la première fois que Ludwig me porte sur son dos, mais depuis quelque temps, à chaque fois que nous faisons quelque chose que nous avons toujours fait, j'ai l'impression de redécouvrir de nouveaux détails que j'avais manqué : une griffure de chat près de son oreille gauche, la façon dont son dos vibre quand il parle, la facilité qu'il a de me porter alors que ça fait deux semaines que je fais office de goûteuse pour tous les plats qui seront servi au mariage. Son minuscule sourire, bien plus agréable à voir que la mine amère qu'il a à chaque fois qu'il parle du restaurant qu'il est supposé reprendre.

Quel gâchis. Toutes ces années à manquer ces détails pour ne m'en rendre compte que maintenant. J'ai envie de partir, mais je ne veux pas laisser Ludwig. Ludwig veut partir, mais il ne peut pas. Et moi, dans tous les cas, je ne veux pas que Ludwig me laisse. Aucune option ne va.

J'en viens à penser que ce serait bien que nous préparions ce mariage pour toujours.

« La bague ne te plait pas ? »

Ludwig s'est arrêté de chanter, alors que les rugbymen – et Spike – sont désormais en train de livrer leur meilleure version de la chanson « Le cul de la boîteuse » à Zoe Kardashian. Je redescends de son dos, prise de court, et il désigne mes mains, vierges de tout bijou.

« N-Non. Elle est très jolie. Elle me plaît énormément, je réponds en tapotant ma poche, où je garde encore la bague dans son écrin.

Le mariage archi-faux de Ludwig et MaëlleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant