Chapitre 21 : Course-poursuite et soutien-gorge

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J'ai vu assez de comédies romantiques pour savoir que le moment où l'on empêche in extremis son âme-sœur au cœur brisé de s'enfuir très loin est de loin la scène clé du film. Le héros se rue à l'aéroport à toute vitesse grâce à un chauffeur de taxi conciliant qui veut bien enfreindre tout le code de la route pour lui ; il saute par-dessus les barrières de contrôle de l'aéroport sans se prendre un coup de Taser par un policier mal luné ; puis il rattrape juste à temps sa dulcinée qui s'apprête à prendre son avion pour Trétréloincity, et il lui avoue ses sentiments. Cela étant, il l'embrasse sous les vivats des autres voyageurs et le film s'arrête là. Fin ; générique avec une chanson de Maria Carey.

Problème : je vis dans ce triste monde qu'on appelle « la vraie vie ». Dans cette dimension, le chauffeur de taxi conciliant n'est autre que Maëva avec sa Twingo ; et le public de la scène clé du film tient absolument à monter dans la voiture. Second problème : l'antique Twingo aux couleurs de la boulangerie tolère déjà difficilement deux passagers, ce qui donne lieu à un vif débat sur qui jeter par-dessus bord pour aller récupérer Ludwig.

« Pourquoi est-ce que vous tenez tous à venir ? On ne tiendra jamais à tous dans la voiture ! je grogne.

-Je suis ton invitée d'honneur, réplique la Kardashian.

-Je suis l'agent de l'invitée d'honneur, fait Spike.

-Je suis ton frère, ajoute Alphonse.

-Je suis ta sœur, renchérit Annie qui s'est incrustée, et si tu ne me laisses pas venir, je dis tout à Maman.

-Wouf ! fait Kartoffel le Terre-Neuve – pourquoi il est là, lui ?

-Je suis... hésite Marianne, qui prend facilement les trois-quarts du petit habitacle de la voiture. Heu, ben je suis là, quoi ! »

Je réprime un nouveau grognement de frustration. J'ai beau fouiller dans ma mémoire, je n'ai pas le souvenir d'une seule comédie romantique où le héros reste coincé à la gare routière sans pouvoir se rendre à l'aéroport.

« Bon. J'ai compris. Tout le monde dehors ! On va trouver un autre moyen ! »

Réfléchis, Maëlle, réfléchis. Puisque tu ne peux pas mettre qui que ce soit dehors, il va falloir trouver quelque chose de plus grand... Je fais signe à la troupe de m'attendre, avant de courir chez l'oncle Pouillot qui laisse toujours sa porte ouverte. A cette heure-ci, il doit traitre les chèvres, il doit donc y avoir logiquement...

« Ma clé de pick-up ? »

Je tressaille en entendant la voix de mon grand-oncle dans sa cuisine, alors que je pousse sa porte d'entrée – mais ça n'a rien à voir face au bond de surprise que j'effectue lorsque j'aperçois que l'oncle Pouillot n'est pas tout seul dans la pièce.

« Tu comptais encore me la voler, pas vrai, gamine ? Je te connais comme si je t'avais faite !

-Tonton ! Ginette ! Kaspar ! Et... Jia ? »

J'ai l'impression d'halluciner. La très discrète créatrice des deux inventions qui ont révolutionné ma vie – à savoir les raviolis vapeurs et Ludwig -, Jia, est tranquillement assise à côté de Kaspar et me sourit.

« Ce n'est pas du tout ce que vous croyez... J'étais... Enfin... je bafouille, prise sur le fait.

-Tiens. »

L'oncle Pouillot me lance quelque chose et je le réceptionne par réflexe. J'écarquille les yeux en voyant le porte-clé « Foire au pâté de mouton 2005 » représentatif du pick-up de chasse de mon grand-oncle. Je tente de me remettre du choc que cela me fait – après tout, ça fait bien huit ans que je tente une fois par an de chiper ces clés pour conduire le pick-up -, quand la mère de Ludwig se lève et me fourre quelque chose d'autre dans les mains.

Le mariage archi-faux de Ludwig et MaëlleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant