Chapitre 22 : La despote et l'endormi

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Je me demandais pourquoi Ludwig n'a pas réagi lorsque j'ai déboulé dans son wagon, ni même avant, lorsque ce dernier s'est vidé à l'arrivée de Marianne et de Zoe dans le train. En fait, il a ses écouteurs, et regarde par la fenêtre, les yeux mi-clos.

Dans la lune, en somme. Bref, c'est du Ludwig tout craché. Fâché ou pas, il reste fidèle à lui-même.

Bon. Cette fois, on y est. Hugh Grant, Colin Firth, et tous les autres héros de comédie romantique – prêtez-moi votre force !

Arrivant par derrière, je pose une main sur son épaule. Ludwig, sans détourner le regard de sa fenêtre, sursaute légèrement, sortant d'un coup un billet de TER validé à la hâte.

« Je sais que mon billet indique que je dois descendre ici, mais je cherche à... commence-t-il.

-Ludwig, je lance du ton le plus assuré que je suis capable de sortir – autant dire pas des masses.

-...Maëlle. »

Je sais que Ludwig n'exprime jamais grand-chose, mais bizarrement, le ton neutre qu'il emploie me fait plus mal que s'il s'était mis en colère ou s'il s'était mis à pleurer. On dirait que je viens de le tirer d'une de ses rêveries pour lui dire qu'il est en retard pour son service au restaurant.

Les yeux de mon ami d'enfance glissent brièvement sur moi avant de retourner vers leur fenêtre.

« Je ne savais pas que tu t'étais reconvertie dans le métier de contrôleur SNCF, lance-t-il platement.

-Je ne suis pas... Quoi, tu n'as pas vu ni entendu tout le barouf qu'on a fait pour attirer ton attention ? »

Ludwig hausse les épaules. Nouvelle sensation de douleur au niveau de ma poitrine. Je déglutis difficilement, essayant de garder mon calme. Rester digne, surtout, rester digne.

« Je suis venue te chercher. »

Silence de la part de Ludwig, qui continue à fixer l'extérieur. Dans le haut-parleur du train, le conducteur s'excuse du retard occasionné par un début d'émeute au premier wagon. Il assure qu'elle sera bientôt maîtrisée. Panique : si le train redémarre, on nous fichera tous dehors et Ludwig repartira. Je n'ai pas beaucoup de temps.

« Le mariage doit avoir lieu, je poursuis en m'asseyant sur le siège en face de lui.

-Hm.

-Il doit avoir lieu, parce que...

-Maëlle.

-Oui ? je fais, pleine d'espoir.

-Je ne veux pas savoir pourquoi.

-Pardon ? je croasse (l'espoir étant d'ores et déjà parti aux oubliettes).

-Je ne participerai pas à ce mariage. Trouve-toi quelqu'un d'autre pour mener à bien cette arnaque, parce que moi, au cas où tu ne l'aurais pas déjà compris, j'ai démissionné de mon poste. »

Ludwig va pour se lever, mais je me lève avant lui, piquée au vif.

« Qu'est-ce que tu sous-entends, au juste ?

-Je ne sais pas. Il paraît que c'est toi, le cerveau de la bande. »

Il me jette un regard qui en dit long, un regard qui trahit un agacement certain. Il se rassied, voyant que je ne lui offre pas le luxe de changer de siège, et croise les bras, les lèvres serrées. Sur son visage, je peux lire qu'il n'en dira pas plus. On ne va pas pouvoir discuter de quoi que ce soit dans des conditions pareilles.

Le mariage archi-faux de Ludwig et MaëlleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant