Prologue

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— Dépêche-toi Alyse, il faut partir immédiatement.

Confortablement installée sur son canapé, elle observa Revon d'un air interloqué. Partir ? Où ça ?

Il était entré en trombe chez elle, essoufflé, le regard effaré, comme si la mort allait frapper à leur porte et les emporter à tout instant. Jamais Alyse ne l'avait vu ainsi et cela l'effraya.

— Il se passe quoi à la fin ?

Son fiancé ne répondit pas. Il fit le tour du salon, attrapa quelques affaires qu'il fourra hâtivement dans son sac, la saisit par la main et la traîna dehors de force sans accorder la moindre attention à ses protestations.

À l'extérieur tout paraissait calme, si ce n'était le bruit de fond habituel que l'on entendait dans la ville de Parsam. Une myriade de voitures défilait sur un enchevêtrement de routes dessus, dessous, courbées, se chevauchant en spirales dans une succession d'étages dont on ne voyait pas la fin. Les véhicules disparaissaient à travers un voile gris et sombre. Elle porta aussitôt contre son visage le châle qu'elle avait sur ses épaules.

Les humains vivaient et grandissaient sur Ermédia, une terre rongée par la pollution où ils étaient condamnés à ne pouvoir contempler que des bouts grisâtres du ciel. Lorsque Alyse tentait de l'apercevoir, elle ne voyait que des tours de métal gigantesques.

L'air était à peine respirable ce jour-là. Le pic de pollution devait être au plus haut. Non, c'était encore pire. La moindre goulée d'air lui brûlait la gorge. Quelque chose n'allait pas. Des bruits insistants de klaxons la sortirent de ses pensées. De nombreux usagers vociféraient.

Une goélette venait d'atterrir au beau milieu de la route. Le voilier était entièrement structuré en bois. Il disposait de deux ailerons qui jaillissaient à bâbord et à tribord. Trois mâts avec voiles directionnelles ainsi que trois moteurs à propulsion accrochés à l'arrière lui permettaient de voler. Il s'agissait de l'Intrépide, le vaisseau de Revon. Tranchant avec le reste du décor, il donnait l'impression d'être une anomalie. Alyse le détailla en songeant que cela ne faisait que quelques années que les humains étaient parvenus à s'élever.

Revon l'attrapa fermement par la taille, l'arrachant à ses réflexions. Il s'agrippa à la corde qu'on leur avait lancée, juste avant que la goélette ne décolle. L'un des membres de l'équipage s'empressa de les aider à se hisser à bord. Les moteurs poussés à plein régime, le vaisseau fonça vers le ciel.

À ce moment-là, Alyse comprit enfin tandis qu'en dessous des cris résonnaient. Sous le choc, elle manqua de vaciller, se rattrapant de justesse au bastingage. Ses yeux s'écarquillèrent d'horreur : des colonnes étranges apparaissaient de tous les côtés. Formées d'un gaz sombre, elles ondulaient lourdement en se rapprochant de la ville. Elles fusionnèrent peu à peu, puis retombèrent en une nappe épaisse, rampante, comme douée d'une vie propre. La chape de brouillard commença à engloutir Parsam, tout ce qui rentrait à son contact dépérissait. Des milliers de personnes s'écroulèrent, asphyxiées. Le gaz rongeait également la structure des bâtiments. Ils finirent par s'effondrer sur les victimes cherchant désespérément à fuir.

La goélette avait filé assez loin pour être hors de portée des émanations mortelles. Celles-ci restaient sur terre, bien décidées à tout anéantir. La vie s'échappait dans des râles d'agonie et de douleur insoutenables. Alyse avait l'impression de suffoquer elle aussi. Épouvantée, elle garda les yeux rivés sur les buildings qui disparaissaient les uns après les autres dans un gémissement sinistre.

La situation était irréelle. Quelques minutes auparavant, elle regardait tranquillement la télévision. À présent, l'apocalypse déferlait sous ses yeux. Si Revon n'était pas venu la chercher, elle serait morte elle aussi. Plusieurs passagers voulaient retourner à terre sauver les leurs. C'était trop tard. Inflexible, l'homme à la barre garda le cap.

Les guerres célestes - Tome 1 : La chute des volziensOù les histoires vivent. Découvrez maintenant