Il fait bleu, j'en ai plus que marre que tout soit si souvent morose. Je voudrais que ce soit rose, violet, orangé avec quelques coups de pinceaux jaunâtres. Je voudrais que tout autour aie davantage de vie. Je suis peut-être un rêveur.
Je m'appelle Ali et je suis un garçon, à votre grand étonnement. Pas Alissa, Alice ou encore Alix avec un x. Simplement Ali.
Ma mère aurait préféré avoir une môme plutôt qu'un, et c'est sûrement la raison pour laquelle elle a recommencé sa vie ailleurs. Ça fera deux ans qu'elle s'est barrée avec un autre homme, laissant mon père à moitié mort, la bouteille à la main, sur le vieux sofa qu'on a repêché après qu'elle soit partie avec tout les meubles que nous possédions. Elle m'a envoyé deux lettres depuis son départ, à des dates complètement décalées du sujet dont elles abordaient; mon anniversaire.
Ça m'arrive de lui en vouloir. Je sais très bien qu'elle vit proprement. Tandis que son fils et son mari sont au bord de la débauche, elle, elle est au bord de la plage. Nous aurions peut-être eut la chance d'être plus, peut-être qu'on serait tous ensemble à la plage aujourd'hui. Peut-être qu'on aurait vécu de ces journées qui restent imprégnées dans le fond de notre cervelet, les pieds recouverts d'un sable devenu granuleux à l'encontre de l'eau qui aurait glissé sur nos peaux frêles.. Mon père s'est jamais repris en main, il dit que sans elle sa vie n'a plus aucun sens. Si c'est ça l'amour, de ne plus jamais être capable de se relever lorsque l'autre part, de terminer notre vie dans un trou perdu au bout du monde parce qu'on est plus capable d'avancer sans une présence, alors, je vous en pris, épargnez-le moi.Je travaille pratiquement chaque jour de la semaine, et j'utilise mes deux journées de repos pour aider à la maison. Je colporte ma responsabilité d'une pièce à l'autre, après tout, mon père est tout ce qu'il me reste. Il a beau être triste depuis que ma mère est partie, il a toujours pris soin de moi et j'ai toujours pris soin de lui. Nous sommes là l'un pour l'autre, comme un père et un fils, parce que c'est ce que nous sommes après tout. Ça lui arrive parfois de se mettre en colère, mais la vérité c'est que je ne lui en veux plus. Je sais qu'il est bon, c'est simplement qu'une partie de son âme est entièrement amer à l'heure d'aujourd'hui et je le comprends parce qu'une partie de la mienne l'est aussi.
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Il est minuit trois, je dois me lever dans approximativement six heures pour le boulot. Ma pièce est entièrement noire, il y a que les reflets de la lune qui reflètent sur mon mur vert sapin. Le soir, lorsque toutes les lampes de l'appartement sont éteintes, c'est le seul moment de la journée qui m'appartient vraiment. J'ai le droit aux pensées que je ne m'autorise pas le jour, trop occupé par les deux tâches et le quotidien. Je voudrais qu'un jour les choses redeviennent comme avant, que je reprenne les études et chaque envies qui m'habitaient. Je voudrais encore m'imaginer sur un de ces fameux pupitres qu'on voit dans tous les films, ceux qui marquent une frontière entre l'adolescence et la vraie vie. Je voudrais voir mon père se lever un matin, le sourire aux lèvres plutôt que l'âme dipsomaniaque qui borde ses yeux depuis 23 mois. Je crois qu'on le mérite.. après tout.
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Vendredi, 18 septembre.
*BIP, BIP, BIP, BI..*
Le bruit du cadran retentit. 6:23 s'affiche sur l'écran de l'appareil. Déjà? Merde la nuit a été courte, je pense tandis que je me bats pour demeurer éveillé.6:37, les draps du lit abritent encore mon corps à moitié dénudé. Bordel, qu'est-ce que j'ai? Je me sens étrangement fatigué et à fleur de peau aujourd'hui, je bouille silencieusement. Ma tête est en feu, mais pourtant mon corps est froid comme neige. Je travaille dans moins d'1 heure, il faut que je me lève. Mes pieds se posent contre le sol glacé et m'élèvent directement. Je me dirige vers notre salle de bain, un mélange de vert et de beige façonne les murs dans lesquels je siège. Ils me donnent la nausée, c'est fou comme ces couleurs n'ont aucune vibrances, je me questionne. Elles sont neutres, sans vie, elles sont tristes. Je me brosse les dents et sors de la pièce, apercevant mon père endormi sur le vieux fauteuil de la grande salle. Il doit encore être ivre mort, rien qui change de l'habitude. J'enfile un polo rayé noir et jaune et ramasse rapidement les débris que la soirée de mon père avait laissée, baignants à l'entrée de notre minuscule nid pudique.
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L'âme aux lèvres
RomanceMais les stigmates ont leur mot à dire, riches ou pauvres, gros ou minces.. déprimés ou enjoués, les cicatrices parlent. Elles en disent bien plus que ce que l'on pense.