CHAPITRE VI : LIENS ET RENCONTRE

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Mardi, 12h00, 2ème jour au complexe militaire de l'initiative SAUVETAGE

Cela fait maintenant une demi-heure que j'ai quitté le bureau de Mike. Je mange seule, comme à l'orphelinat, ce qui m'a mis de mauvaise humeur. Seule chose réconfortante : leur ragoût est bien meilleur que celui de l'orphelinat. Qui aurait cru que du ragoût pourrait être bon ? Cependant je ne mange qu'à peine. Je n'ai qu'une idée en tête, récupérer ma carte SD, ce qui risque de ne pas être possible tout de suite...

Un événement étrange me tire de mes pensées : le ciel que j'observais jusqu'alors par la baie vitrée sophistiquée vient de se noircir d'un coup. Puis de la pluie tombe. Plus étrange encore : cette pluie est d'un bleu électrique, et il y a aussi quelques gouttes d'un rouge pétant de temps en temps. Je regarde cet orage, à la fois émerveillée et intrigué. Après quelques minutes de contemplation fascinée, une voix venant de derrière moi m'interpelle :

« -Tu te demandes pourquoi cette pluie est bleue et parfois rouge, je me trompe ?

Je me retourne, surprise. Et là je vois un garçon d'une quinzaine d'années, cheveux courts et châtains, yeux noisette qui me jauge du regard. Je lui réponds, un peu gênée :

-Euh, oui, à vrai dire. Mais je trouve ça magnifique.

-On est d'accord. Mais il ne faut pas se fier aux apparences. Je peux m'asseoir ?

-Euh, oui, bien sûr.

Ce garçon étrange s'assied donc en face de moi. Pour une raison mystérieuse, je me sens gênée en sa présence.

-Je m'appelle John. John Marks. Et toi ?

-Sacha Lander. Tu es ici depuis combien de temps ?

-Trois ans, pour être exact. Et toi, vu comment tu regardais cette pluie mortelle, je parierais plutôt dans... les trois jours ?

-Bien joué, je lui dis, ayant retrouvé ma bonne humeur. Mais attends, c'est moi ou tu as bien dit pluie mortelle ?

-Effectivement, j'ai bien dit pluie mortelle.

-Ah bon ? Et en quoi est-elle dangereuse ? Désolé, je suis nouvelle ici, j'ai encore beaucoup à apprendre et je n'ai pas encore d'amis, donc ça me fait du bien de parler à quelqu'un.

-J'avais remarqué, dit-il en souriant. Si cette pluie est mortelle, c'est parce qu'elle est essentiellement composée d'acide sulfurique. Les gouttes bleues, c'est de l'acide, et les gouttes rouges, du poison.

-Cette pluie a-t-elle toujours été là ou...

-Non, justement. C'est à cause du Prisme qu'il y a cette pluie. Il est de plus en plus instable. On t'a déjà parlé du Prisme ?

-Oui, je connais l'histoire. Ça me fait un peu penser à Star Wars, cette saga où il y a plein de combats spatiaux. Tu connais ?

-C'est un de mes films préférés. Non, rectification, c'est le meilleur. Et en plus, c'est le premier que j'ai vu.

-Ah bon ? Comme moi ! Au moins, on a un point commun...

-Mais je trouve quand même que le meilleur combat c'est celui du 1, contre Dark Maul.

-Mmh... Ouais, t'as en partie raison. Moi, je préfère celui de 3, avec Anakin contre Obi-Wan.

-Dans les deux cas, il y en a toujours un qui finit mal en point... »

Sa remarque me fait lâcher un éclat de rire, ce qui me fait me poser la question suivante : vu les moyens que Mike a dû employer pour me faire sourire, comment ce John Marks a-t-il pu me faire rire aussi facilement ? C'est un mystère. Pour dissiper le petit malaise qui s'était installé entre nous, je lui demande :

« -Tu es de quelle unité ?

-Unité Lézard, il me répond. Et toi ?

-Unité Snake. Je hais Rakk.

-Tu m'étonnes... Je ne l'aime pas non plus. Il est de mèche avec mon chef d'unité, Heirs, si tu veux mon avis.

-Même si je ne connais pas ton chef d'unité, je veux bien te croire. Sinon, qu'est-ce-qui t'a amené dans cette « quête du Prisme » ?

Avant que John ne commence à parler, j'aperçois une lueur de tristesse dans son regard, que je ne connais que trop bien puisque je l'ai dès qu'on me parle de mes parents.

-Tout d'abord, je n'ai jamais connu ma mère. Je vivais avec mon père, qui construisait des trains. Il lui arrivait parfois d'en conduire, pour les ramener à l'espace industriel. Sauf qu'un jour, alors qu'il amenait un train à l'espace industriel, il a déraillé, et...

Je sens que quelque chose bloque sa voix à l'intérieur de sa gorge, comme une barrière incassable. Ne connaissant que trop bien cette impression, je finis à sa place :

-Il est mort. Je suis désolée.

-Sacha, je...

Il s'interrompt tout seul, même si je ne sais pas pourquoi. Finalement, il reprend :

-Et toi, sinon, qu'est-ce qui t'a amené dans cette folle course pour la réalité ?

-Oh, moi, et bien... Ma mère est morte en accouchant de moi, et mon père a été éliminé d'une balle dans la tête, dans un aéroport.

-C'est à mon tour de te dire que je suis désolé. Sincèrement.

-J'essaye de ne plus y penser, mais... merci.

-Si ça peut te remonter ne serait-ce qu'un tant soit peu le moral, et bien disons... qu'on n'a pas qu'un point commun ?

-Tu as raison, dis-je, esquissant un sourire triste. »

Décidément, ce John Marks est bien surprenant...

T H E   O T H E R   R E A L I T Y : Quand la Fin prend le dessus Où les histoires vivent. Découvrez maintenant