Chapitre 1

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Jeon Jungkook errait dans les rues bondées de sa ville. Ses pas le perdaient dans la foule. Son corps s'y enfonçait sans but, laissant derrière lui s'estomper ses pensées dans la cohue urbaine. Il n'avait aucune envie de penser. Il préférait s'oublier, là, parmi les autres.Ces autres qu'il ne connaissait pas, qu'il redoutait, qu'il avait tant évité.

La lassitude avait triomphé sur la peur. Il ne voyait même pas les regards curieux qui le dévisageaient. Un garçon que l'on n'avait jamais croisé par ici, aux traits fins et au visage enfantin, mais aux pupilles éteintes. 


Il avait toujours été brillant. C'était le mot. Petit, il se faisait remarquer, toujours.Quoiqu'il fasse, il fascinait. Il vivait si fort qu'il répandait tout autour cette douce folie qui lui rendait le monde si lumineux. Derrière lui, tout semblait plus facile. Plus beau. Plus vivant. Il n'avait jamais eu à se poser de questions. Il riait chaque souffle, et le monde lui rendait ses sourires, tout simplement. Aimé, comblé, rêveur. Insouciant et heureux. Il ne connaissait quel'amour qu'il ressentait pour ce qui l'entourait, et la joie que ça lui procurait. Tout simplement. Tout était un cadeau. Une découverte. Une aventure. Alors il s'y jetait, le cœur grand ouvert, les yeux écarquillés, le sourire jusqu'aux oreilles. Et il réussissait. Il était brillant. 

Alors, pourquoi ? Pourquoi, désormais, n'était-il qu'un fantôme à la poursuite d'un passé qu'il avait lui-même oublié ? Il errait. Il n'avait que faire du chemin, il n'avait que faire des autres, il n'avait que faire de lui. Il errait dans ces rues tortueuses, dans ce monde qui ne lui souriait plus, dans ce corps trop grand pour lui.

Un enfant heureux. Tout le monde le disait, le répétait. Il était tant heureux que c'en était contagieux. Peut-être avait-il tout donné aux autres ? Peut-être avait-il tout épuisé ? Il ne savait pas, il ne se rappelait plus. Les années étaient passées, et son don était devenu sa prison. Comme s'il portait ce mot avec un sourire dont l'essence s'était évaporée. Il souriait,mais ne savait pas pourquoi. Et il ne s'était jamais demandé pourquoi. L'évidence était devenu un fardeau. Il était son propre mirage dans lequel ne se reflétaient que les aspirations des autres. Il était comme heureux par habitude. Un bonheur insouciant et enfantin comble-t-il une vie ? Au fond de lui naissait une angoisse. Avait-il seulement le droit d'être malheureux ? Il n'avait pas plus de raison de l'être que d'être heureux après tout. Il ne savait pas. Il avait toujours été. De tout son soûl, existé. Le reste le dépassait. L'avait submergé. Ils'était noyé. Et plus il voulait remonter, plus il était assailli par tout ce qu'il avait toujours ignoré. Des émotions, par centaines, des questions, par milliers, qui l'accablaient de toute part. Il s'était senti seul. Une solitude qui écorchait son âme et gelait son cœur. Et il avait alors connu la peur. Les autres. Partout, et pourtant nulle part. Jamais là. Jamais près. Comme s'il ne faisait que les traverser. 

C'était sûrement pour ça qu'il avait fini par abandonner, cesser de lutter et des'épuiser dans cette tempête sans fin. Qu'il avait arrêté de pleurer, ces larmes qui l'ébranlaient et le dévoraient. Qu'il s'était laissé échouer dans le calme le plus plat. Une immensité vide, immobile. Il avait retrouvé la paix ainsi. Une paix fade. Mais il s'en était toujours satisfait.


Jeon Jungkook avait désormais 18 ans. Tout à fait libre de choisir ce qu'il allait devenir. C'est ce que lui disaient ses parents, en le regardant tristement. Lui, voulait simplement s'occuper. Déambuler le temps que la vie passe. Il avait alors, sans plus y réfléchir, tenté d'intégrer toutes les écoles possibles, en passant les divers concours d'accès.Sans trop de conviction, il s'était dit qu'il n'aurait qu'à aller là où il réussirait. 

Il les avait tous réussi. Haut la main. Tous les regards s'étaient tournés vers lui,envieux. Envieux et curieux. Désireux de savoir ce que le premier tous concours confondus allait bien pouvoir décider. Il ressentait tous les espoirs, toutes les attentes, toutes les déceptions aussi que sa réussite inspirait. Ce flot de sentiments l'emporta et le ramena à lui. Ace garçon perdu, brisé, seul, qu'il avait préféré abandonné. Ce garçon dont les craintes et les interrogations pesaient bien trop lourd. Le cœur vide, il s'était remémoré le regard affolé de celui qu'il avait délaissé, et il avait réalisé avec horreur. Il n'avait envie de rien. Du tout. Pas qu'il n'arrivait pas à décider, non, il n'avait pas envie. Rien ne l'attirait. Rien ne le repoussait.Il était devenu indifférent à sa propre existence. 

Que s'élève ta voixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant