Chapitre 2

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Le vent sifflait silencieusement dans le temple. Comme pour rappeler que le temps s'écoulait bel et bien. Leurs doigts étaient désormais enlacés. Ils s'étaient cherchés durant quelques secondes, avec maladresse, et se serraient de plus en plus fort. Jungkook s'accrochait à cette main de toutes ses forces. Il ne savait pas pourquoi, mais en cet instant, il y tenait comme à la vie. 

Ils restèrent là, sans parler. Que dire ? Que dire que cette poignée désespérée ne disait pas ? Et surtout, ils ne voulaient pas briser ce moment. Détourner leurs mains l'une de l'autre.Jamais. Sans brusquer cette étreinte, la seconde main de l'inconnu vint s'aventurer sur l'épaule de Jungkook. Il cherchait à se rapprocher, à combler ce gouffre qui les séparait encore. Mais rien ne venait, aucun geste, aucun mot. En soupirant, il laissa son front tomber dans le cou de Jungkook. Ses cheveux chatouillèrent la nuque du garçon qui frissonna. Son souffle contre sa peau était irrégulier : lourd, grave, fatigué. Mais aussi chaleureux.Enveloppant. Réconfortant. Comme pour l'apaiser, Jungkook caressa lentement les doigts du garçon du bout des siens. Petit à petit, la respiration dans son cou se fit plus tranquille.Encouragé par cette réaction, Jungkook entreprit un petit mouvement, comme pour demander s'il pouvait se retourner. La main se resserra brusquement, alors il s'arrêta tout aussi soudainement. Patient. Voilà qui ne lui ressemblait pas. Cette pensée le fit sourire. Il attendit alors, continuant ses légères caresses sur les doigts de son inconnu. Il sentit enfin ses lèvres s'étirer dans son cou, et la main se détendre. Alors, lentement, il la lâcha et se retourna. Avant qu'il ne fasse totalement face au mystérieux garçon, celui-ci posa hâtivement ses mains sur les yeux de Jungkook. Malgré sa frustration, il ne releva pas, ne s'énerva pas. Patient. Encore une fois, un sourire se forma sur son visage. 

   - Est-ce si drôle que ça ? murmura la voix grave, un poil vexée.

Jungkook sentit les doigts tressaillir sur son front. Il posa les siens par dessus, l'espace de quelques secondes, pour l'assurer qu'il ne se moquait pas de lui. Loin de là. Il prit le temps de choisir ses mots. Ses premiers mots. Il voulait dire tellement, mais être si bref. Il voulait être là, rassurant, bienveillant. Mais il crevait d'envie de voir ce visage, d'associer cette voix à une bouche, ces cheveux à une tête, ces doigts à un corps. Il voulait le découvrir. Sa patience, sa hâte, tout s'embrouilla, et il lâcha en pouffant de gêne la seconde qui suivit :

    - Plutôt frustrant je dirais. Et, pas très pratique pour discuter.
   - Je ne sais pas si je veux discuter.
   - Moi non plus, concéda-t-il en pinçant les lèvres. 

Il ne savait pas ce qu'il voulait à vrai dire. Il voulait comprendre ce qui mettait son âme sans dessus dessous, mais il voulait préserver ce mystère de toute explication rationnelle.Il voulait le découvrir, le regarder, le détailler, et pourtant, il ne voulait jamais s'habituer à cette présence. Il voulait le découvrir, toujours, comme la première fois. Il ne savait pas. Il espérait simplement avoir un peu plus que cette poignée de main. Quelque chose d'autre. A quoi s'accrocher encore.

   - Je peux te dire mon prénom, par exemple ? bafouilla l'homme en face de lui.
   - Par exemple, souffla Jungkook, charmé par cette simple idée.
   - Ou alors, répondit-il précipitamment, tu me donnes le tien ? 

Un léger rire échappa à Jungkook. 

   - Tu peux me voir, connaître mon visage, m'empêcher de voir le tien, et il faudrait qu'en plus je te donne mon prénom sans savoir le tien ?
   - C'est que... Je n'avais pas réfléchi à l'importance de l'information, soupira-t-il. 

Jungkook sourit à nouveau. Cet individu attisait sa curiosité. Sa maladresse était amusante, ses doutes le charmaient, et pas un instant il n'arrivait à lui en vouloir. Alors qu'il sentait les mains du garçon trembloter sur ses paupières, il fit un nouveau pas vers lui. 

   - Jungkook. Jeon Jungkook. 18 ans, et bientôt 19 d'ailleurs.

Il adorait sentir les réactions les plus spontanées de son inconnu contre sa peau.Celui-ci tressauta, surpris, avant d'appuyer un peu plus fort sur son front. 

   - C'est un joli prénom. Et, je suis un peu plus vieux. Peux-tu me dire si tu viens souvent par-ici ?
   - Régulièrement depuis le début de l'été, hyung. Assez pour connaître un peu l'histoire de cet endroit disons. C'est un peu mon refuge. Je m'y sens bien, complet, et bien loin de tout le reste.
   - Et pourquoi es-tu venu ce soir ?

La bouche du plus jeune s'ouvrit avant de se refermer et se pincer. Il en avait presque oublié les raisons de sa venue. Ses sourcils se froncèrent légèrement sous les doigts désormais alertes de l'inconnu. 

   - Pour en partir, pour de bon. Parce que la vie dehors, m'attend. Et que je ne peux pas éternellement fuir ici. Je voulais faire les choses bien et dire au revoir à cet endroit.Adieu. Être seul un instant.
    - J'ai gâché ton souhait alors...
   - Loin de là, hyung. C'est bien au-delà de tout ce que j'aurais pu espérer. Tu ne le penses pas ?
   - Je crois, si. Et ça me fait un peu peur.
   - Moi aussi. Mais, dis moi, de quoi as-tu peur ?
   - Est-ce que tu sais à qui est dédié ce temple, Jungkook ? poursuivit son interlocuteur sans répondre à sa question.
   - Oui, on m'a tout expliqué. Avant cet été, je n'en savais trop rien. Enfin, je savais qu'il y avait des temples, ça et là dans la ville, mais sans plus. Et puis, je ne pourrais pas trop t'expliquer comment, mais mes pas m'ont guidé vers ici. C'est d'abord le lieu,l'atmosphère, la personnalité qui semble habiter l'air par ici qui m'a plu. Beaucoup.Alors oui, je sais que ce temple est dédié à Taehyung, enfin, une de ses nombreuses réincarnations, mais curieusement, je n'arrive pas tellement à le considérer comme un Dieu. Après tout, il existe, là, derrière les portes. Je crois même que c'est pour ça que je le considère comme quelqu'un plutôt. J'ai le cœur qui se sert quand je pense qu'il est là, seul. Ça me rend un peu triste je pense. Je "crois en lui" parce que ce qu'il me paraît dégager me semble d'une justesse qui me touche.


Il avait continué de parler, encouragé par les légers tremblements de plus en plus prononcés des doigts de l'inconnu. Ses mots semblaient le bouleverser. Parfois, il faut provoquer certaines choses, pour qu'enfin, on puisse avancer, se disait Jungkook. Ils'appuyait sur cette pensée pour ne pas flancher alors que son cœur se déchirait en sentant toute la tristesse du garçon à travers ses doigts fébriles. Un long silence répondit à cette tirade. Un silence empli d'émotions. De réflexions. De confiance.

Les mains quittèrent lentement le visage de Jungkook, qui garda les yeux fermés,attendant encore, ne voulant pas trop brusquer le garçon. Celui-ci se racla la gorge, comme pour l'inviter à poser les yeux sur lui. 

   - Taehyung. Kim Taehyung, 20 ans. marmonna-t-il, en passant nerveusement une main dans ses cheveux en bataille.

Jungkook le fixait, incrédule. Les yeux grands ouverts, le cœur battant à la chamade.Toute la patience et la tenue dont il avait fait preuve jusqu'ici menaçaient dangereusement des'évaporer. Il alla pour parler, une fois, deux fois, mais il refermait systématiquement la bouche. Il finit par inspirer doucement, pour reprendre son calme. Et contempla Taehyung. Simplement. Un garçon de sa taille, ou peut-être à peine plus grand. Des cheveux bruns qui cachaient son front et tombaient sur ses yeux fuyants. Une mâchoire carrée qui donnait un air sérieux à ce visage pourtant très enfantin. Cette ambivalence était tout à fait charmante. Pour ne pas faire durer plus ce qui semblait être un calvaire pour son aîné, Jungkook reprit la parole, tout sourire. 

   - Enchanté, Taehyung.

La surprise, la peur, la gêne, la timidité, le soulagement, la joie, chaque émotion peignit son visage de nouvelles couleurs et nouvelles lumières. Jungkook était fasciné. Le grand sourire, un peu rectangulaire, qui apparut sur le visage de Taehyung finit de le charmer.

Il était désormais lumineux, rayonnant, alors qu'il paraissait si sombre seulement quelques instants auparavant.

   - Enchanté, Jungkook. lui répondit-il, de sa voix suave et enjouée.

Que s'élève ta voixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant