Don't leave him

Chapitre 9

Le lendemain, nous nous hâtâmes de préparer nos affaires tout en prenant soin de récupérer de généreuses provisions offertes par M. Poiredebeurrée. Celui-ci nous souhaita bonne chance pour la suite, convaincu que nous y allions y parvenir. Je masqua tant bien que mal mes doutes grandissants à ce sujet.

Alors que nous quittions le village de Bree , nous entendîmes des pas précipités derrière nous. A ma plus grande surprise, ce bon vieux Pippin se posta à nos côtés, de la façon la plus naturelle au monde. Je bondis de joie dans ses bras, et il me rendit son étreinte, les joues roses de plaisir.

"Je ne pouvais pas rester là, j'ai culpabilisé toute la nuit ! nous dit-il en riant. Cleeve peut attendre...

-Pippin... ne te sens pas obligé...rétorquai-je, soudainement gênée."

Il se planta devant moi, de sorte que je ne pouvais plus faire un pas de plus. Il souleva mon menton de son doigt, me forçant à sourire et nous rîmes tous les quatre ensemble.

"Je suis grand non ? ajouta Pippin. Si je vous accompagne, c'est ma décision. Il faut bien que quelqu'un vous surveille"

J'éclatai de rire, le cœur chargé d'un nouvel espoir tandis que Pippin, fidèle à lui-même, était devenu un vrai moulin à paroles. Nous avions tous à présent des crampes au ventre et des larmes aux yeux engendrées par les anecdotes hilarantes du vieil ami de mon père. Il représentait la meilleur chose qui nous était arrivé depuis notre voyage.

Nous approchions pas à pas du Lac Evendim, entouré de ses hautes et brillantes collines. Le voyage s'avérait cependant très long et laborieux à pied, mais nous n'en disions rien. Pippin proposa que nous nous autorisions une petite pause lorsque nos jambes, raidies par la douleur, peinèrent  à nous porter. C'est donc avec soulagement que nous nous installâmes à l'abri d'un tout petit bosquet dont les hauts arbres filtraient la lumière, nous assurant ainsi un instant de fraîcheur. 

Je m'adossai à un Nimbrethil  et me laissai gagner par un léger sommeil. Je sentis Jovieta à mes côtés qui posa délicatement sa tête bouclée contre mon épaule. Je me calai sur son souffle rendu irrégulier par l'effort et tentai tant bien que mal de détendre mes membres raidis. 

Peu de temps après, incapable de sommeiller, je me levai discrètement, en posant la tête de Jovieta sous ma couverture et décidai de découvrir les alentours. Je jetai un coup d'oeil à notre petite équipe : Pippin, dormant comme un bien heureux, Tolnas, dont le sommeil semblait agité et Jovieta, le visage serein malgré ses traits tirés par la fatigue. 

Le tapis mousseux de ce petit bois amortissait avec aisance mes pas et soulageait mes muscles. Je humai le fond de l'air : une légère odeur de pin mêlé à la rosée. Je me délectai de ce moment de répit, me retrouvant seule pour la première fois depuis notre voyage. 

Soudain, je sentis la pointe d'une flèche effleurer ma nuque. Le souffle court, je me retournai avec précaution. Un elfe me faisait face, l'arc bandé et la flèche pointée tout droit sur moi. 

"Qui es-tu ? m'asséna-t-il, une lueur remplie de méfiance au fond de son regard."

Peu habituée à si peu de délicatesse, je demeurai muette, une sueur froide parcourant lentement mon échine. L'elfe qui me tenait en joue était très grand, si grand que je devais lever mon visage pour soutenir son regard pénétrant. Ses cheveux auburn, tombant en cascade sur ses larges épaules, encadraient son visage dur et froid. Je ravalai ma salive. 

"Et bien...bredouillai-je. Je faisais une promenade de...santé."

Mes explications n'eurent pas l'air de le convaincre. Je pensai soudainement à Jovieta, Tolnas et Pippin. Comment avais-je pu les laisser seuls? 

"Veuillez me suivre, jeune demoiselle, me lança l'elfe tandis qu'il m'invitait à avancer. 

-Ecoutez, tentai-je. Mes compagnons de voyage m'attendent, je ne peux pas les laisser."

Il me dévisagea avec dédain, comme si je venais de déblatérer un mensonge très mal déguisé. 

"Conduisez-moi à eux dans ce cas-là, me dit-il. Histoire d'être certain que vous ne nous voulez aucun mal..."