La vie dans le métro

Chapitre 6: D6

Un tunnel sombre, des bruits de ferraille et l'odeur de la mort, c'est ainsi que notre voyage vers D6 avait commencé, mais notre but semblait plus proche à présent.

Je fais toujours les mêmes rêves étranges et j'en viens à me demander s'il ne s'agit pas plutôt de visions, car ils deviennent de plus en plus précis et continuent à m'obséder à mon reveil. Leur signification m'échape toujours, et pourtant, je m'éveille invariablement avec la même impression : celle d'une catastrophe imminente due à mes propres actions.

Le chaos du tunnel était enfermé derrières des portes du sas, elles avaient l'air indestructible... Et à cet instant, mes camarades aussi. Tout semble aller pour le mieux. Oulman fait toujours les mêmes plaisanteries, Miller continue à le menacer de tours de garde supplémentaires... Nous approchons du but et plus rien ne peut nous arrêter désormais. D'ailleurs nous remportons tous nos combats. Hunter avait raison lorsqu'il affirmait qu'il n'existe pas, et qu'il n'a jamais existé de prédateur plus terrifiant que l'homme. Je me sens toujours coupable de leur mort, alors que je n'en suis pas vraiment responsable. C'est mon impatience à fêter notre progression fulgurante qui a causé leur perte. Je n'ai pas pu être au bon endroit et au bon moment pour aider mes camarades pour les arracher aux griffes de la mort... J'ai entraîné ces âmes courageuses dans une aventure qui leur a été fatale. Notre petite équipe se réduit comme peau de chagrin. Quand j'observe mes mains à la lueur dansante d'un feu de camp, j'ai l'impression qu'elles sont couvertes de sang.

J'ai souvent entendu dire que les constructeurs du Métro n'ont pas été les premiers à percer des tunnels et des galeries sous Moscou. Les passages remontant aux premiers tsars auraient en effet mis à jour un réseau de grottes encore plus ancien dont l'origine se perdrait dans la nuit des temps. Leurs mystérieux créateurs ont disparu depuis des millénaires, laissant derrière eux d'interminables souterrains qui semblent ne mener nulle part. Et aujourd'hui, après peut-être de cent générations, c'est à mon tour, en tant que dernier survivant, de marcher dans leurs pas

On était proches de D6, on avait du mal à croire qu'on avait trouvé le légendaire centre de commandement. Mais valait-il toutes ces vies perdues ? On allait bientôt avoir la réponse...

C'est tout bonnement incroyable. Les vestiges technologiques de ces galeries abandonnées sont bien mieux préservés que tout ce qu'on trouve aujourd'hui dans le Métro ! Malgré des décennies d'immobilité, le monorail s'il avait été révisé la veille. On dit à juste titre que ni la pierre, ni le métal, ni l'homme ou ses créations ne résistant aux assauts du temps. Mais nos pères étaient d'habiles bâtisseurs, et si leur propre descendance ne détruit pas leur œuvre, celle-ci survivra aux passages des siècles.

J'ai du mal à me faire à l'idée que tout ceci a été construit par des hommes et non par des géants de quelques conte de fées. Et je ne suis pas le seul. La taille monumentale de cet endroit écrase même le jovial Oulman. A quoi servait ce complexe ? Ou est passé son personnel ? Et pourquoi personne n'en a jamais entendu parler dans le Métro ? S'il faut en croire les innombrables douilles qui tapissent le sol, une bataille acharnée à été livrée ici. Mais nous n'avons trouvé ni dépouilles ni ossements. Qu'a-t-il bien pu se passer 

Que sont ces créatures ? Et peut-on seulement leur donner ce nom ? Ont-elles émergé des ruines du vieux monde ou ont-elles été créées par une main inconnue ? Elles n'ont en tout cas rien de naturel et paraissent régresser à tous les niveaux. Nous devons les détruire avant qu'elles ne menacent notre existence. Comme les Sombres. Soit nous parvenons à reconquérir ce monde, soit les créatures qui l'ont envahi finiront par nous anéantir, devenant ainsi le nouveau fer de lance de l'évolution et nous reléguant du même coup aux marges de l'histoire. Nous n'avons pas le choix. Il nous faut reprendre le fief de nos ancêtres par le feu et le fer. Ce monde nous revient de droit et cette ultime bataille décidera de notre survie.

L'heure est enfin venue de remonter à la surface, et cette fois, nous sommes fin prêts. Oulman dit en plaisantant que la terre tremble sous nos pas, mais j'ai vraiment l'impression de la sentir trembler. Après tout ce que nous avons vécu, rien ni personne ne pourra nous arrêter. L'ennemi sera vaincu et nous le réduirons en poussière, comme tous ceux qui se sont dressés sur notre route... Une chose m'échappe cependant : pourquoi les Sombres ne cherchent-ils pas à nous arrêter ? Sommes-nous sur le point de tomber dans une embuscade ? Les étranges prémonitions qui m'assaillent se font de plus en plus menaçantes...