III. Blanche (2)

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Quelques secondes de silence s'écoulèrent avant qu'Henri ne prenne la parole. Pendant ce temps, la princesse avait eu le loisir d'envisager mille raisons à cette visite impromptue. D'ordinaire, lorsque leur père souhaitait parler à l'un de ses enfants, il le convoquait dans son bureau. C'était la première fois qu'il agissait ainsi avec elle. L'affaire devait être d'importance.

— Ma chérie, commença-t-il, je voudrais d'abord te dire que ta mère et moi sommes très fiers du travail que tu as accompli depuis six mois. Toutes tes apparitions publiques sont un succès, les gens sont plus qu'heureux de te recevoir, et nous savons que certains parcourent de longues distances pour te voir. Tu n'as jamais commis aucun faux-pas, tu remplis tes devoirs avec grâce, et nous savons que l'image que le public a de toi est extrêmement positive. En somme, tu es devenue une véritable princesse !

— Merci, père, répondit-elle en rougissant légèrement des éloges qui lui étaient adressés. L'avenir de la Vendée me tient à cœur, et je fais tout pour porter haut ses couleurs.

— Ce que tu réussis parfaitement, sois-en sûre ! Maintenant... c'est un autre sujet qui m'amène.

Blanche resta muette, attendant qu'il poursuive. Elle était très heureuse de ce que son père venait de lui dire. Elle aimait la Vendée passionnément, avait une conscience aiguë de cette terre, de ses racines, de son patrimoine, et des devoirs qui lui incombaient en tant que membre de la famille princière. Savoir qu'elle remplissait bien cette fonction la comblait de joie.

— Tu n'es pas sans ignorer les troubles qui agitent la République française en ce moment ?

— Le président et son gouvernement sont corrompus, le scandale a éclaté il y a une semaine, les manifestations prennent plus d'ampleur chaque jour et le pays est à deux doigts de la guerre civile. C'est un bon résumé ?

— Excellent, même. Avec Guillaume d'Aquitaine... nous avons décidé que le moment était opportun d'intervenir dans les affaires de la République pour tenter de réunifier la France.

Comme tous les enfants princiers, Blanche avait appris à dissimuler ses sentiments. C'est pourquoi son visage demeura impassible à l'annonce de son père, bien qu'elle en fut estomaquée. C'était un projet d'envergure ! Mais il ne lui laissa même pas le temps d'y réfléchir puisqu'il enchaîna tout de suite.

— Pour l'instant, nous sommes alliés tous les deux. Quant à la Bretagne, la Normandie et le Toulousain, je pense qu'une diplomatie active parviendra à les rallier à notre cause. Après tout, nous avons tous prêté le même serment lors de nos couronnements respectifs... C'est une tâche que je confierai en partie à ton petit frère Alexandre. Sa capacité à se faire des amis... des amies en particulier, partout nous servira, pour une fois. Quant à Thibault, c'est sur lui que reposent tous nos espoirs. Il part dès demain pour Paris, où il commencera à rallier le peuple à notre cause.

— Vous voulez rétablir l'unité de la France sous l'égide d'un roi ? coupa-t-elle abruptement.

— C'est exact, répondit son père en la dévisageant d'un regard perçant. Nous pensons que c'est la meilleure chose à faire, étant donné la situation actuelle. Et qu'un roi saura ramener la paix, l'unité et la prospérité.

Blanche se sentait bouleversée par cette nouvelle perspective. Dans son esprit, la Vendée se dilatait désormais aux limites du royaume de France d'Ancien Régime. Elle approuvait cette décision, bien entendu, mais commençait à percevoir l'ampleur de la tâche, et les dissensions qui ne manqueraient pas de naître entre les artisans d'une telle œuvre.

— Qui deviendra roi ? Jean de Bourbon ?

— Johannes von Bourbon-Battenberg, je te prie, grimaça le prince. Ce n'est plus qu'un demi-Français bien trop engoncé dans ses habitudes germaines. Il ne mérite pas qu'on le traite comme l'un des nôtres. Maintenant... Ce que je vais te dire est strictement confidentiel. Guillaume et moi sommes tombés d'accord : Thibault doit être celui qui héritera de la couronne. Après tout, notre ancêtre Gabrielle de Tourmel était la fille illégitime d'un roi de France, le sang des lys coule aussi dans nos veines !

Fors l'honneur - Sous contrat d'éditionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant