Mais les choses ne sont pas aussi simple que ça, n'est-ce pas ?
Parce que le téléphone sonne, annonciateur de mauvaises nouvelles, et qu'on doit y répondre. Parce que ma mère se relève, me sourie puis va décrocher le téléphone dans la cuisine. Le fameux téléphone. Je la suis et vu l'heure, lui fais signe que je prépare le repas.
- C'est Goudjil, me lance maman.
Je suis surpris. Ça fait une semaine que je n'ai pas été voir le vieux Goudjil, c'est vrai mais il ne m'a jamais appelé chez moi. Pourtant , il a mon téléphone fixe depuis que je travaille chez lui l'été. EN mettant l'eau à bouillir, je n'arrête pas de penser à Goudjil. Je l'aime bien. SOn coupd de fil... Ça m'inquiète un peu, j'espère que rien de grave ne lui est arrivé. Ma mère secoue la tête, réponds par "Ah", "Oh" et "Je vois". Elle finit par "Je suis vraiment désolé, Monsieur Goudjil". C'est là que j'ai réalisé que quelque chose de grave était arrivé. Ma mère me fait signe de me rapprocher et de prendre le téléphone. Je m'exécute, las.
- Allô, monsieur Goudjil ?
Je sens que ma voix est tendue, déformée...
- Sacha, mon petit, comment vas-tu ? Écoute, je sais que c'est dur pour toi en ce moment, hein ?
Je me rappelle que c'est Goudjil qui m'a souvent remonté le moral, cet été à la boutique. Quand il a su ce qu'il s'était passé, il me préparait des plats, de spécialités marocaines. "Saupoudrés d'amour" comme il avait l'habitude de le dire. Je sais aussi que ce vieil homme, tout petit, au geste rapide et sec, un peu rustre parfois, cache un cœur d'or. Qu'il vit avec sa mère depuis que celle-ci ne peux plus travailler et payer son appartement. Qu'il s'occupe d'elle autant qu'il le peux. Je le connais bien maintenant. Et je sens à sa voix que quelque chose ne va pas.
- Mais il fallait que je te le dise, parce que tu es mignon, tu prends souvent des nouvelles. Voilà, ma mère est mal en point. Je sais que vu ce qui s'est passé - hein ? - tu n'as peut-être pas envie de la voir. Mais elle t'aime bien.
J'ai eu l'occasion e rencontrer Mme Goudjil il y a trois ans. C'est une femme adorable qui adore plus que tout son fils, me pincer me pincer les joues, et manger des bonbons à la menthe. Je sais à quel point Goudjil tient à elle. Je regarde ma mère et je sens qu'elle me soutiendra, quoi que je décide. Elle aime bien Goudjil.
On se rend à l'hôpital le plus vite possible, bien qu'on ai fait deux fois demi-tour - la première fois, pour éteindre le gaz et la deuxième fois pour fermer la porte de l'appartement. On arrive et Goudjil nous attend à l'accueil, nerveux et pressé. Il m'attrape les deux mains et les presse contre les siennes, caleuses. Il prend ma mère dans ses bras. Puis nous courrons dans la chambre de Mme Goudjil. Kévin est déjà là - cette fois, il ne se déhanche pas au rythme de la musique mais arbore un air triste et abattu. Mme Goudjil est sur le lit d'hôpital, méconnaissable. Elle qui avait été une femme bien bâtie, un large sourire couvrant son visage et un accent à couper au couteau, il ne restait plus que l'accent. Elle avait fondu, énormément et son sourire ne semblait plus aussi rayonnant qu'avant. Mais elle était tout de même heureuse de nous voir là.
Nous avons passé du temps avec elle, nous avons parlé de tout et de rien. Goudjil voulait vendre le magasin et reprendre ses études, tout comme Kévin. Ma mère avait eu une promotion. Je m'était une amie. Elle hochait la tête à chaque nouvelle de notre part, son souffle devenant plus lourd et, j'imagine, plus douloureux. Jusqu'à ce qu'elle arrête de respirer. Des infirmières sont alors apparus de nulle part et ont effectué un ballet morbide, virevoltant de toute part pour nous sortir, pour aider Mme Goudjil, pour vérifier telle ou telle constante. Une jolie infirmière, visiblement fatiguée, vient nous annoncer sa mort mais nous le savions déjà. Goudjil s'effondre en larmes et ma mère décide de le ramener.
Le trajet est silencieux, lourd.
On dépose Goudjil puis on file chez nous. Maman s'effondre dans le canapé. Elle soupire.
"Tu n'iras pas à l'école, demain. Je les appellerai tôt pour le leur dire. Maintenant, tu vas te brosser les dents et ensuite, tu vas te coucher. Il est tard et... Et ce n'était pas facile aujourd'hui, murmure-t-elle.
Je ne dis rien mais fait ce qu'elle me dit.
Avant de me coucher, j'ai ce réflexe idiot de regarder téléphone. Le message de Matthias est toujours là, attendant que je l'ouvre. Je l'avais complétement oublié.
Moi : Ok, parlons.
Matthias me répond presque instantanément.
Matthias : Demain ?
Moi :Non, je ne viendrais pas à l'école, demain, il m'est arrivé un truc. Mercredi, à la bibliothèque ?
Matthias : Ok, je viendrais, pas de problème
Lui parler est la dernière chose dont j'ai envie, surtout après tous les évènements de ce lundi soir. Mais je pense qu'on se doit bien ça, tous les deux. Arrêter de se parler, c'était stupide. Nous n'étions peut-être pas proche mais nous nous aimions bien, nous étions potes.
Je m'endors sans plus penser à lui, Héloïse ou Judith. Je ne pense à plus personne. Je dors. Comme une marmotte ou... un mort.
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Se rapprocher de toi
RomanceAvez-vous déjà eu cette sensation ? Celle d'être immensément loin et immensément proche d'une même personne ? Le sentiment que vous étiez fait l'un pour l'autre et que vous deviez finir ensemble ? Comment peut-on devenir proche d'une personne sur l...