Chapitre 5 : Balcon

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Et nous voilà sur le balcon de Mat, à boire des bières et à manger des chips. Personne ne dit rien et c'est tant mieux. Je me suis habitué au silence de Sacha - même pendant nos séances de révisions, il n'est pas du genre bavard - et ça fait du bien d'avoir Mat en sourdine, lui qui n'arrête pas de piailler pour rien, tout le temps. Mat joue avec une de mes mèches de cheveux et Sacha envoie des messages à sa mère, en mordillant un des fils de son sweat-shirt. Chez les autres, je trouve ça un peu dégueu mais avec lui, ça ne me dérange pas.

- Et si on séchait le sport, propose Mat.

Sacha lâche un petit rire hautain et se tourne vers nous.

- Je me doutais que t'allait dire ça du coup j'ai déjà demandé à ma mère, elle veut bien, il répond.

Je me mets à ricaner et envoie un coup d'épaule à Mat. C'est fou qu'en une journée, ils se soient rapprochés au point de savoir ce que l'autre allait faire. A moins que Sacha, à défaut de parler, observe les autres plus attentivement et les connaît mieux. Dans tous les cas, c'est bizarre. ils n'étaient pas aussi proches avant, si ? 

- Donc tu veux bien Hélo ? me supplie Mat.

- Ok, mais pas si on reste à rien faire.

Mat propose de jouer aux jeux vidéos et Sacha propose de faire un tour chez Goudjil avant d'aller au skate parc. J'allais leur proposer de rester sur le balcon et de réviser en mangeant du chocolat mais je reçois un message de Camille qui m'en empêche.

Camille : T'es libre, je peux t'appeler ?

Camille n'est pas du genre à demander à m'appeler, ce qui fait que je m'inquiète pour elle. Je bois une gorgée de bière avant de l'appeler.

- Hey Cam, t'as un problème ?

- Non, pourquoi ? Je vais bien, je t'appelle juste pour te donner des nouvelles de ta meilleure amie, vu que j'ai la sensation que je te reverrai pas cet aprèm, susurre-t-elle.

Elle n'avait pas tord, après la matinée que j'avais eu, je ne voulais pas retourner à l'école. Mais je pense que ce n'est pas la seule chose qu'elle insinuait, peut-être m'avait-elle vu repartir avec Mat ET Sacha. Et connaissant Camille - et son imagination débordante - elle devait s'imaginer tout et n'importe quoi. Toutefois, je m'en fiche, j'ai une question bien plus importante.

- Ma meilleure amie ?

- Bah Judith, patate.

- Ah, ouais !

Je lève les yeux au ciel - connaissant Camille, j'aurais dû m'y attendre.

- T'es cruche des fois,  Hélo ! se moque-t-elle  ricanant bêtement.

Étrangement, ça ne me fait pas rire plus que ça.

- Ouais, bon, vas-y balance ce que tu as, je réplique. Parler de Judith trop longtemps, ça porte malheur alors dépêches !

Je mets Camille en haut-parleur puis je me tourne vers Mat et Sacha. L'un des deux reste impassible - Sacha, vous l'aurez deviné - l'autre soupira et se passa la main dans les cheveux - un signe de nervosité évidente chez Mat.

- Ok, sa mère a débarqué il y a - elle marque un temps - à peu près une heure et elle était grave furax après sa fille. On a pas arrêté d'entendre des cris et Julien - tu sais, le surveillant beau gosse ? - nous a dit que Judith allait quitter l'établissement et faire une pause ou un truc de ce genre. Perso, je suis contente qu'elle dégage, elle a pas arrêté de pourrir l'ambiance de la classe. Tu te souviens quand elle a traité Inès de grosse vache et a accusé Alexandre sans aucune raison ? Je suis trop contente qu'elle dégage.

Je décroche quelques minutes plus tard, soulagée. Judith va dégager. Comprenez-moi ; je la plains et vu tout ce qu'elle a fait, elle doit avoir un problème. Mais quel que soit ce problème, elle a traité tous les gens que j'aime bien comme une merde. Et ne pas avoir la vie facile, c'est pas une excuse pour être une connasse. Donc, j'espère qu'elle ira mieux, qu'elle sera heureuse et tout ça mais... Bon débarras !!

Trente minutes plus tard, on s'est gavés de pizza, on a bu trois bières chacun mais je suis crevée et la seule chose dont j'ai envie, c'est mon lit. Je décide de partir.

- Je peux te raccompagner, si tu veux, propose Sacha.

- Ouais carrément, je réplique un peu trop vite, avec un sourire un peu trop grand sur le visage.

Mat a l'air déçu mais petit un, je ne sais pas pourquoi et petit deux, je m'en fiche. on quitte l'appart avec Sacha mais au dernier moment, je me tourne vers Mat et je lui lance un petit clin d'œil. Il secoue la tête mais son sourire en coin ne me trompe pas ; il est content pour moi.

Sur le trajet, Sacha et moi ne disons rien mais le silence entre nous n'est pas étrange ou gênant. J'ai lu quelque part que lorsqu'on pouvait ne rien dire à une autre personne sans être gêné, ça voulait dire que nous étions fait pour être avec l'autre - que ce soit en amitié ou en amour.

Quand on arrive devant mon appart, je me tourne vers lui.

- Ce que tu as dit ce matin, à propos du fait que tu ne voulais pas sortir avec moi...

J'hésite. Il le voit mais ne dit rien. Je jurerais même qu'il a un léger sourire en coin. Je me mords les lèvres mais...


Merde, il faut bien que je me lance un jour, pas vrai ?!


- Est-ce que c'est toujours d'actualité ? je bredouille.

- Oui et non...

- Hein, mais ce n'est pas une réponse, ça !

- Écoute, j'en ai envie mais je ne me sens pas prêt à m'engager émotionnellement, tu vois ,

- Qui te parle d'engagement ? Un ciné, ça ne veut pas dire qu'on va se fiancer, ou je ne sais quoi.

Je le regarde. Toute l'année, nous avions été séparés. toute l'année, le destin ou je-ne-sais-quoi nous avait poussés l'un vers l'autre, comme des aimants. Je me sentais proche de lui même sui je sentais une étrange distance, aussi. C'est si dur à décrire... Judith a été là pour nous rapprocher, pour nous éloigner, tout comme Mat. Et là, je me trouve face à lui et tout ce que je veux, c'est pouvoir me rapprocher de lui et détruire cette distance si bizarre qui subsiste entre nous deux.

Il attrape doucement mon menton, qu'il soulève délicatement. je plonge mon regard dans le sien et il plonge son regard dans le mien. Je me rends compte que on se tient la main. Je ne sais pas depuis combien de temps.

Quelques minutes plus tard, je reste chancelante devant la porte de mon immeuble. Et je le regarde s'éloigner.

Il a dit oui.

Se rapprocher de toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant