Chapitre 2 : une rentrée surprenante

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En rentrant en classe aujourd'hui, je n'ai aucune surprise quant à l'organisation des classes. Bien que j'habite à Paris, le lycée de mon quartier est assez petit et je connais le nom de quasiment tous les élèves qui le peuple. Par ailleurs, je sais d'avance que je serais dans la classe de Mathias ou Judith car ils font allemand dans la même classe que moi depuis la quatrième. C'est sans surprise donc qu'en regardant le papier m'indiquant la classe où je me trouve et la composition de cette dernière, je repère les noms de Judith, Mathias et d'autres encore.

En revanche, je ne m'attends pas à voir Héloïse Géra sur ma liste de classe. Pourtant elle y est. Elle avait 19 ans, non ? Je l'avais imaginé dans une université, loin, en train d'étudier, d'assister à de passionnantes conférences et de boire des bières en compagnie de ses nombreux amis.

Mais elle est là, perdue entre les noms des personnes familières, une inconnue parmi les gens que j'ai toujours côtoyé. Je m'éloigne de la liste je me dirige vers le bâtiment où je suis censé retrouver ma prof principale, qui cette année est Mme Durand, une prof de science complétement barge mais super drôle et gentille. Sur le chemin, je me surprends à chercher Héloïse du regard. Je n'arrive pas à la voir. C'est étrange d'avoir croiser plusieurs fois une personne puis de la revoir dans un élément familier quelque temps après. On se demande pourquoi cette personne est là.

Une fois tout le flot d'élève assis dans la classe, Mme Durand nous distribue les papiers de rigueur, nous demande d'autres papiers et nous explique pour la millième fois le règlement de la classe. La seule chose qui change des années précédentes, c'est son discours sur le bac (*). Et la présence d'une nouvelle élève. Elle s'est installée au fond de la classe et je sens son regard me brûler le dos. Soit je suis paranoïaque, soit elle me regarde.

"Les enfants, cette année vous avez le bac. Je sais que ça sonne con mais commencez à réviser tout de suite sinon vous finirez par être débordés parce que je vous le dis, l'année passe super vite. Ça, c'est la première chose à savoir. La deuxième chose, c'est que c'est mieux de travailler dans des groupes, à plusieurs. Si vous avez la moindre question, n'hésitez surtout pas à les poser à vos enseignants ou camarades. Je suis sérieuse, ne vous laissez pas déborder.

Elle marque une pause pour regarder sa montre, soupire puis s'exclame :

- Bon, c'est déjà la fin, c'est l'heure de manger. Cette après-midi, les cours reprendront normalement, comme marqué sur votre emploi du temps. Emploi du temps, qui souvenez-vous est juste provisoire. Allez, filez les petits loups.

La classe commence à ranger bruyamment ses affaires. Judith et Mathias m'invite à manger avec eux et bientôt, Alexandre nous rejoint. Judith est une fille très gentille mais qu'il ne faut pas énerver ; c'est le genre grande gueule quand elle est en colère. Elle a des cheveux coupé très courts, une coupe à la garçonne des années 80 et ça lui donne des airs de lutin des bois. Surtout parce que ses oreilles sont toutes petites et légèrement point et que son nez remonte vers le haut. Elle a un visage très espiègle. Elle ressemble un peu à une future artiste, elle a son propre style et elle parle à un peu à tout le monde, avec aise. C'est elle qui est venu me parler et depuis, nous sommes potes. Mathias, lui, a tout du futur chercheur. Un visage très sérieux, presque académique, des cheveux en pétard et  toujours a porter des chemises blanches mal repassé, il a tout l'air du savant fou. D'ailleurs, il est très introverti.

Judith sort avec Mathias depuis la troisième et ils pensent prendre un appartement en commun l'année prochaine. Comme ils ont toujours été amis, même s'il décidait de se séparer, ça ne poserait pas problème. J'aime bien le fait que beaucoup de leurs traits soient opposés parce qu'ils n'arrêtent pas de s'apprendre l'un l'autre. Je vous jure, ils sont vraiment adorables mais un peu dans leur bulle. C'est vrai que parfois, je me sens exclu, je tiens un peu les chandelles. Ce qui explique que je ne sois pas plus proches d'eux deux ; nous ne sommes pas amis, juste potes. Quant à Alexandre c'est le genre de gars qui racontent tout vos petits secrets dans votre dos. Parfois, je me demande pourquoi on est ami, avant de réaliser que sans lui, je serais complétement seul. C'est peut-être aussi pour ça qu'il passe du temps avec moi ; personne ne l'aime vraiment. Pas parce que son physique n'est pas avantageux - au contraire, il est super musclé et toutes les filles de seconde sont folles de lui - c'est surtout parce qu'il est méchant. Il ne l'a pas compris mais c'est évident. Judith et Mathias ne l'apprécient pas énormément mais font des efforts pour l'accepter parce je lui parle. Alors que je ne l'aime pas vraiment. Je sais, c'est bête. Mais je ne veux pas blesser Alexandre en lui disant que je ne l'aime pas, ce serait trop méchant.

- Les gars, vous pensez qu'on doit inviter la nouvelle ? demande Judith.

J'ai précisé qu'elle était la fille la plus sympa que je connaissais ? 

- Je sais pas, elle a l'air d'avoir déjà fait connaissance avec d'autres gens, protesta Alexandre. Allons manger, j'ai la dalle.

La journée se passe et Héloïse ne vient pas me parler. Moi non plus mais je n'arrête pas de me dire que je devrais au moins lui faire un petit signe. Un genre de salut furtif. Vu qu'elle me plaît. Je me sens naze parce que, quand j'étais chez Goudjil, je n'arrêtais pas de me dire que je voulais l'inviter à boire un café ou je-ne-sais-quoi. Et là, j'agissais comme si je ne la connaissais pas, ce qui est super nul. D'un autre côté, elle fait pareil. C'est comme si je n'existais pas.

Quelques jours plus tard, je remarque qu'Héloïse s'est intégré à un groupe de filles sympas : Inès, Charlotte et Camille. Bon, elles sont assez superficielles mais gentilles malgré tout. Elle ne m'a pas souri et, refroidi par son attitude, j'ai arrêté d'essayer d'envoyer des signes furtifs. Il fallait s'y attendre. Pourquoi viendrait-elle me parler de toute façon ?

Même si je la trouve très mignonne, je la chasse peu à peu de mon esprit et au fil des semaines, j'arrête de penser à elle. Croiser quelqu'un au hasard ne signifie pas qu'on va se mettre en couple et avoir des enfants. En fait, ça ne signifie rien.


(*) avant la réforme récente du bac et avant le confinement.

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