CHAPITRE 12 : Envie de fuir (Nouveau)

38 4 4
                                    


En me retournant, Jonathan glisse rapidement quelque chose dans ma main.

_ Je sais que tu veux pas m'en parler, mais si jamais t'as besoin, appelle-moi.

Sur ces paroles, il me lâche et passe devant moi pour monter les escaliers qui mènent à l'étage du dessus. Mon regard reste figé sur le bout de papier froissé dans ma main. Ne sachant quoi faire d'autre, je le déplie machinalement et contemple le numéro qui y est écrit.

* * *

Épuisée et perdue dans mes pensées, je contemple le plafond comme un gouffre sans fond. Les images des hommes de mon rêve me hantent et je me demande de plus en plus si j'étais bien endormie ce jour-là. Le sourire fou, l'attitude meurtrière, l'envie - ou plutôt le besoin - de pouvoir ... Le pervers qui m'a agressé avait l'air si terrorisé face à la psychopathe que j'étais dans ce cauchemar. Le souvenir de sa bouche se tordant de douleur, de ses yeux, son nez et de ses oreilles saignant abondamment, de son âme quittant son corps à cause de la force que j'exerçais sur lui ... La souffrance qui se lisait en lui me provoque encore un plaisir malsain. Que m'arrive-t-il ? Suis-je réellement en train de me transformer en une créature assoiffée de sang ?

La bête gigantesque qui m'a poursuivie dans les bois la fois où je me suis enfuie de chez les loups-garous, était-elle humaine auparavant ? Mes amis se métamorphosent-ils sous cette forme les soirs de pleine lune ? Ou peut-être même quand ils le souhaitent ? Pourquoi mes parents et mon frère ne me reconnaissent-ils plus ? Suis-je une abomination à leurs yeux ? Sont-ils sous l'emprise d'hypnose ou essayent-ils juste de m'ignorer afin de se débarrasser de moi définitivement ? Pourquoi ma conscience n'est-elle plus là pour me faire des leçons de morales ou des blagues pour les moins pourries ? En a t-elle, elle aussi, marre de moi ?

Les larmes dévalent de mes joues pour venir s'écraser sur mon oreiller. La pluie fait rage depuis la fin d'après-midi. Heureusement que je finissais les cours plus tôt aujourd'hui. C'est comme si le ciel m'envoyait un message pour me dire qu'il était avec moi, mais qu'en même temps il déversait lui aussi toute sa peine pour qu'elle vienne s'ajouter à la mienne.

J'en ai ras le bol de me sentir aussi faible et fragile ... Me levant de mon lit, j'essuie mon visage avec le dos de ma main et me dirige vers la salle de bain afin de me rafraîchir un peu. Après avoir allumé la lumière et franchi le seuil de la porte, je croise involontairement mon reflet dans le miroir. Ma gorge se serre au point de m'étouffer, l'air me manque et je pense que je vais m'évanouir. Les larmes reviennent à nouveau mouiller mes yeux gonflés et redoublent d'intensité, tandis que la panique me fait perdre le contrôle. Mon visage est de plus en plus sali par les traces bleutés que laissent les gouttes d'eau salée dans leur descente. Je recule malgré moi tout en fixant la terrible image de la réalité que me renvoie le miroir, comme si j'essayais de me fuir moi-même - ou du moins ce que je suis en train de devenir. Mon dos bute contre le mur derrière moi et je ne peux pas m'éloigner d'avantage, alors mes jambes se laissent aller d'elles-mêmes. Me laissant glisser jusqu'à être assise, je passe mes bras autour de mes jambes recroquevillées, espérant que rien de tout cela ne soit réel.

Je ne sais pas depuis combien de temps je suis là, vidée de toute émotion et sans aucune réaction. Mon âme est absente, mon esprit trompé, mon cœur brisé. Que pourrais-je faire pour me sortir de là, de cet interminable enfer ? Je suis seule face à tout cela ... Ma famille m'a oubliée, et j'appréhende terriblement d'en parler à mes amis - de peur d'apprendre enfin la vérité.

Que vais-je devenir ?

Je ne saurais expliquer comment, mais l'instant d'après un lien se reconnecte dans mon cerveau, me redonnant alors le peu de fonction physique qui donne à quelqu'un l'apparence d'un être humain. Je me lève et commence à nettoyer les larmes bleues dans l'évier ainsi que sur mes mains - tel un robot qui exerce les tâches pour lesquels il est programmé - avant de me décider à prendre une douche. Une fois sortie et sèche, je me dirige vers ma chambre. Je change la taie d'oreiller tachée d'une couleur normalement non présente dans le corps humain avant de me saisir de mes vêtements sales et eux aussi trempés de bleu, puis les mets à la machine à laver.

La Descendante Où les histoires vivent. Découvrez maintenant