Sur le chemin de l'accident, le temps ne semblait qu'une illusion. Des paysages devenus méconnaissables par cet ouragan et floutés par le brouillard se déployaient à perte de vue. La ville, si charmante autrefois, ne ressemblait plus qu'à un vaste terrain de guerre abandonné.
Des carcasses de voitures vides, ici et là, envahissaient les ruelles désertes où l'on pouvait encore entendre l'animation d'antan. Aucune âme qui vive n'osait arpenter les allées gorgées de cette atmosphère lugubre et pesante. Tous restaient chez eux, à l'abri, en pensant que le chaos ne les toucherait pas. Mais des murs ne sauraient l'arrêter.
Au travers de la minuscule fenêtre du véhicule d'urgence défilaient des scènes dignes des plus grands films de catastrophe. Pourtant, ce n'était que le fruit de la réalité. Rude et cruelle.
« Eh, vous avez vu ça ?
— Quoi ?
— Là-bas au loin, indiqua du doigt Lyn. »
À l'horizon, tandis que la pluie battait son plein, le tonnerre fendait le ciel d'éclairs épars. Par-delà les collines, la foudre, d'une puissance inouïe, s'abattit sur la cime d'un arbre. Son tronc, désormais lézardé, gisait sur le toit d'une maison à moitié détruite par la force de l'impact.
Ses habitants fuyaient cette demeure qui jusqu'à présent avait toujours été la leur. Pliant bagage, ils chargeaient leurs biens s'apprêtant à prendre la route pour de nouvelles terres, là où le calme logeait encore.
« Dépêche-toi Henri, le temps nous est compté !
— Je fais ce que je peux, d'accord ?
— À ce rythme-là, on va se retrouver sous l'eau.
— Mais non, toujours à fabuler celle-ci. »
Les échos de leur voix résonnaient dans cette vallée. Bien que les cris fussent perçants, c'était bel et bien la peur qui parlait. Alarmés devant leur demeure ainsi détruite, ils n'avaient d'autre choix que de tourner le dos à une partie de leur vie. Cela leur fendait le cœur plus que de raison.
Avant de monter dans le véhicule et abandonner leur terrain, la femme d'un certain âge, ne put se retenir de larmoyer devant ce drame auquel ils faisaient face. Leur histoire figurait dans ces murs à jamais démolis et ensevelis par cet ouragan, laissant une trace ineffaçable dans leur esprit.
En contrebas, la pluie s'amoncelait en créant de petits torrents que les bouches d'évacuation peinaient à dégorger. Ceux-ci emportaient tout sur leur passage comme si les Cieux leur avaient octroyé une force colossale.
Branchage, biens délaissés et objets oubliés, le ruisseau balayait tout ce qui se trouvait au sol emmenant avec lui les souvenirs précieux des occupants disparus. Dévalant le ravin, il s'échouait dans la cavité des eaux usées de la ville, évitant ainsi une monstrueuse inondation que personne n'aurait pu empêcher.
Tandis que le calme enseveli figeait lentement la cité, la sirène du fourgon pourfendait ce silence accablant. Le son se reflétait sur presque toutes les façades des bâtiments créant des échos infinis dans ce mutisme.
Plus le véhicule d'urgence s'éloignait de l'hôpital, plus le panorama se transformait, laissant le vide des rues se combler par les départs incessants des citoyens apeurés.
« On arrive sur l'autoroute, informa l'ambulancier. Il n'y a pas encore trop de voitures, je vais pouvoir slalomer.
— Tu penses qu'on peut y être à temps ?
— L'avenir nous le dira, j'espère que la chance sera de notre côté. »
À l'entrée du périphérique, des centaines d'automobilistes se trouvaient là dans une attente interminable. Allaient-ils pouvoir partir avant que le sort des Cieux ne s'abatte sur eux ? Ou feraient-ils partie des dommages collatéraux de cet évènement météorologique sans précédent ?
Des questions qui semblaient résonner dans les pensées de tous, rongés par la vision de la Grande Faucheuse. La peur s'acheminait lentement dans le cœur de tous, battant en retraite à l'unisson.
Un sentiment qui alliait bien plus que d'ordinaire quiconque se trouve sur cette route. Comme si un voile funèbre se déposait sur les lieux enveloppant de son épais brouillard l'âme de ses occupants. Brook, Daniel et Carolyn n'y échappaient pas.
À l'intérieur de l'ambulance, un silence de mort régnait. Certains constataient ce que l'ouragan avait détruit sur son passage et d'autres semblaient plongés dans leur réflexion. Mais le regard de chacun affichait cette lueur de terreur que seuls les hommes ayant vu la Grande Faucheuse de près pouvaient avoir.
Quant à l'adolescente, elle gardait les yeux rivés sur la fenêtre en face d'elle songeant aux changements que cette catastrophe naturelle engendrait.
Erin épiait cette cité encore sienne, il y a peu de temps. Cette même ville qui l'avait recueillie dès le berceau et observée vieillir l'effrayait désormais. Ne pouvant qu'être spectatrice de ce qui se jouait à l'extérieur, la mineure se sentait accablée.
En transparence sur la vitre, la demoiselle contemplait son propre reflet qui lui glaçait le sang. Un visage défait par la crainte et des yeux luisants de frayeur. Pas de doute, la panique la prenait peu à peu gelant ses doigts qu'elle triturait sans arrêt depuis le début du voyage.
À ses côtés, Carolyn ne semblait pas plus rassurée. La jeune femme qui, depuis le commencement de la crise, avait sans cesse montré son effroi, ressemblait à une statue de marbre. Immobile, les yeux fermés, elle se laissait bercer par le mouvement de l'ambulance.
Pourtant, le sommeil ne la trouvait point, l'abandonnant dans cette transe sans l'être véritablement. Dans son esprit, les pensées fusaient de part et d'autre mélangeant au passage des dizaines de scènes qui ne la rendirent que plus confuse. Ses traits tirés et ses sourcils froncés le témoignaient.
Sa tête, posée contre la carrosserie du véhicule, faisait de petits rebonds tapant sonorement derrière elle. Cela ne la dérangeait pas, au contraire, cela lui permettait de rester dans la réalité, de ne pas s'évaporer dans ses rêves, de ne pas se faire emporter par ses réflexions négatives.
À sa gauche, Daniel, au visage marqué par la fatigue, regardait défiler les bâtiments de ces rues qu'il avait toujours connues. Tapotant du pied et mordillant sa lèvre inférieure, il ressemblait à quelqu'un attendant nerveusement les résultats de son permis.
Devant lui, un paysage aux allures de fin du monde apparaissait où la destruction, le chaos et la mort y régnaient en tant que seigneurs de ces lieux. Livide de la tête aux pieds, il jouait en boucle les différentes informations qu'Erin lui avait transmises. Il ne pouvait jeter l'éponge face à la gravité de la situation et faire le cadavre comme Lyn à ses côtés.
Sa seule crainte résidait dans ses vieux démons d'autrefois. Avant qu'il ne soit médecin, Dan était quelqu'un de très timide se laissant facilement emporter par des émotions qui le paralysaient. Figé, il n'était alors plus maître de son propre corps.
Tous ces évènements le pétrifiaient et plus l'heure s'écoulait, plus ses peurs refoulées depuis trop longtemps voulaient refaire surface. En soi, il n'était pas effrayé de ce qu'il allait découvrir sur place, mais plutôt de sa réaction en voyant cet épouvantable accident.
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J'espère que ce chapitre vous aura plu. N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé, je serai plus que ravie de lire vos commentaires.
Que pensez-vous de l'histoire jusqu'à présent ?
Des théories pour la suite du récit ?
Avez-vous déjà un personnage préféré ?
Comment réagiriez-vous face à cette catastrophe naturelle ?
♥ À bientôt pour la suite de cette aventure livresque. ♥
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MédiCieux
General FictionLe 26 Août 2005, alors que les éléments se déchaînent, des vies sont brisées et des destins se lient. Tandis que l'ouragan Katrina joue une partie d'échecs avec les Cieux, l'existence de trois médecins se retrouve mêlée à une adolescente étrange. Lo...